
Caché derrière le tissu écran, le visage de l’adulte – partenaire du jeu – se fait attendre. Quelques secondes d’inquiétude mêlée d’excitation… La frimousse du petit bout est tendue, puis s’épanouit dans un grand sourire qui devient éclat de rire quand l’autre réapparaît.
On recommence : on se cache, on laisse un peu de suspense, et puis le voilà, coucou ! Une fois à gauche de l’écran, une fois en haut, une fois en bas, très vite ou tout doucement, le visage apparaît puis disparaît. Et le bébé rit. Il jubile dans ce jeu d’alternance où quelqu’un est "branché" sur lui et où, dans l’instant suivant, il n’y a plus personne. Petit malaise, petite angoisse face à la disparition, mais le rythme du jeu annonce déjà les retrouvailles.
Voici bien un plaisir auquel pratiquement tous les parents se livrent spontanément. Le jeu s’installe parfois même sans que l’on ne s’en rende compte. Le rire du bébé sur le visage duquel on a passé une serviette après le bain y invite. On voudrait encore l’entendre, on refait le même geste, on sollicite à nouveau la même excitation.
Si on va voir ce qui se passe de l’autre côté de l’écran, côté adulte, on s’aperçoit que le mouvement "attente-tension, retrouvailles-plaisir" prend la même forme que celui observé chez l’enfant, comme si une même vague d’émotion traversait l’écran.
Ce jeu est important dans l’expérience du petit enfant. À travers lui, il développera la notion de la permanence de l’objet. Pour l’enfant de 6 mois, un objet disparu de son champ de vision est un objet qui n’existe plus. Même si, devant lui, vous cachez un jouet qui l’intéresse sous un coussin, il n’ira pas le chercher parce qu’il a tout simplement disparu. Les choses vont petit à petit changer dans les semaines à venir. Il apprendra qu’un objet peut être hors de sa vue et, malgré tout, exister encore. Découverte capitale !
Reine Vander Linden