Développement de l'enfant

Les enfants, parfois, inventent des histoires très (trop ?) vraisemblables comme cette petite fille qui s'est inventé une grande sœur. Et voilà les « grandes personnes » (qui ne mentent jamais, c’est bien connu !) qui s’affolent : notre petite chérie, notre petit ange est capable de mentir. Va-t-elle devenir une manipulatrice qui va flouer son monde ?
À l'arrière de la voiture est assise Luna, 4 ans, qui écoute son frère Cyrille, six ans, qui explique avec jubilation ses exploits de la journée : la récré, les copains, les nouveaux mots appris...
À son tour, (enfin, pas tout à fait), Luna prend la parole haut et fort et raconte ses exploits personnels. Elle, aussi, a plein de choses à raconter. Des choses qu'elle essaie de rendre plus intéressantes que celles de son grand frère, des exploits formidables, des performances hors du commun. Elle est capable de terrasser des dragons, elle court plus vite que son papa et a plein de bonbons dans son sac.
Toute en admiration devant son frère, elle perçoit aussi la fierté de ses parents et invente donc des histoires qui vont forcément la rendre intéressante aux yeux de ses proches. Mais parfois, à l'école ou à la maison, elle raconte des carabistouilles qui ont des airs de vérité… Et on la croit !
4 ans : la liberté de penser... ou presque
Luna vient de découvrir une chose extraordinaire : les autres peuvent penser autre chose qu'elle et vice versa. Jusqu'à 3-4 ans en effet, l'enfant n'a pas la capacité d'imaginer que l'autre ne pense pas comme lui. Et pour cause !
À la naissance, la maman est toute attentive aux besoins de son petit. En effet, il ne comprend rien aux nouvelles sensations qu'il éprouve. Il n'a jamais eu ni froid, ni faim, ni soif dans le ventre maternel et voilà qu'il ressent des choses affreuses dans son corps.
Heureusement, maman est là. Elle répond adéquatement aux besoins de son petit et met en mots ces sensations désagréables : « Mon pauvre chéri, tu as faim, je vais te donner à manger. Je pense que tu es fatigué » ou encore : « Tu as tes petites mains toutes froides ». Et puis notre petit grandit. Les parents et les autres adultes continuent de répondre et différencier les besoins des enfants. « Je sais que tu n'as pas faim, tu viens de manger il y a moins d'un quart d'heure. Mais tu as peut-être envie d'un câlin ». « Tu as les yeux qui piquent, je pense que tu as sommeil. »
Jusque là, Luna pensait que maman savait tout d'elle. Mais voilà qu'elle découvre que, parfois, maman la croit quand elle raconte une carabistouille ! Quelle découverte jouissive ! Elle peut penser pour elle toute seule, maman n'est pas dans sa tête. C'est le début de la liberté de pensée. Alors, Luna va jouer tant qu'elle peut avec cette nouvelle acquisition pour l'exercer, la maîtriser. La voilà capable de raconter des « presque » vraies histoires à dormir debout.
Il y a mensonge et mensonge
Il y a les histoires que l'enfant invente par plaisir de créer. Des histoires qui commencent par « Et si on faisait comme si… ». À 4 ans, les enfants sont complètement dedans. Quand une petite fille se déguise en princesse, elle est une princesse et n'en démord pas. L'enfant est le héros des dessins animés qu'il regarde, le héros des histoires qu'on lui raconte et de celles qu'il invente. Ces histoires-là font grandir. Pas la peine de s'inquiéter. Au contraire, soutenons la créativité de l’enfant en jouant le jeu avec lui en faisant « Comme si… » ou en disant « Jamais on a vu... (la queue d'une souris dans l'oreille d'un chat !). »
Les enfants racontent aussi des histoires pour qu'on s'intéresse à eux, comme Luna qui veut concurrencer son frère de 6 ans. Le message est clair, Luna demande qu'on ne l'oublie pas, même si elle est plus petite. Et qu'on la rassure : oui, oui, elle aussi va grandir et à 6 ans elle en fera autant que son frère, mais son frère aura toujours deux ans de plus qu'elle.
Enfin, il y a les mensonges pour ne pas se faire punir. À 4 ans, ils sont intéressants car ils montrent que l'enfant commence à avoir un sens moral. Il a compris. Il a fait une bêtise et il sait bien qu’il risque la sanction. Alors, il tente d'esquiver. Ou de faire punir un autre.
C'est maintenant que commence la vraie éducation.
Avant 4 ans, l'enfant n'a pas vraiment de sens moral puis qu'il ne peut pas se mettre à la place de l'autre. Il est bourré d'empathie et cela depuis le début de sa vie. Il est comme une caisse de résonance, ressent les émotions de l’autre, ne s'en différencie pas.
Vers 4 ans, parce qu'il réalise que l'autre peut penser autrement que lui, il va être capable de faire des choses pour faire plaisir, dire des mots gentils pas seulement pour obtenir ce qu'il veut, mais gratuitement, par pure gentillesse. Il peut comprendre qu'il fait mal à l'autre en le faisant punir à se place. Il sait aussi quand il ne fait pas plaisir, quand il désobéit, quand il est « hors la loi ».
Mensonges et histoires à dormir debout ne sont encore que des carabistouilles à 4 ou 5 ans. Plus tard, quand Luna arrivera en primaire, elle exercera son esprit critique, remettra en question l’existence de saint Nicolas. Le mensonge sera alors plus interpellant et méritera que vous y prêtiez attention.
Mireille Pauluis
BON À SAVOIR
À 4-5 ans, l’enfant reconnaît l'autorité. L'autorité qui autorise, qui définit l'espace de sécurité où il fait bon vivre ensemble. Fameux progrès ! Avant cela, l'éducation était plus proche du conditionnement : « J'ai fait une bêtise, maman crie, je n'aime pas alors j'arrête. »
À LIRE AVEC SON ENFANT
Les mensonges d’Odilon, Sylvie Auzary-Luton (Mijade)
Chien-saucisse, de Gaëtan Dorémus (Rouergue)
Un si gros mensonge, Ronan Badel (Classiques du Père Castor-Flammarion)
Justin raconte des bobards, Thierry Robberecht (Mijade)
C’est pas moi !, Caroline Pistinier (Kaléidoscope)