
Les parents qui adoptent un enfant savent que, tôt ou tard, ils devront répondre aux questions et rendre des comptes au petit être qu’ils ont accueilli dans leur famille. Mais quand et comment ?
Quelles que soient les motivations pour lesquelles le couple adoptant a choisi d’offrir une famille à un petit d’homme, il s’agit d’un choix courageux qui nécessite une longue réflexion et une bonne préparation psychologique. Si le lien qu’ils auront noué avec leur petit n’en pâtira pas pour autant, ils devront toutefois faire face à des difficultés supplémentaires dans le développement de leur tout petit. Notamment la question des origines qui est à la base de la construction identitaire.
Le pourquoi du comment
Faut-il lui expliquer le pourquoi du comment ? Et surtout, quand aborder le sujet ?
Le moment opportun pour parler d’adoption dépendra évidemment de chaque enfant. Difficile, donc, de définir un âge idéal. Par contre, mieux vaut laisser votre petit bout venir à vous avec ses questions pour aborder le sujet.
« La question des origines surgit en général vers 3 ans et plus, explique Marie Delhaye, responsable de la pédopsychiatrie à l’hôpital Erasme. C’est à ce moment-là que les enfants commencent à percevoir les différences, notamment de couleur de peau. C’est donc à ce moment là qu’ils vont être confrontés aux questions des copains de classe qui leur feront remarquer que leurs parents sont blancs, alors qu’eux sont métis ou eurasiens. »
Il importera, à ce moment-là, de choisir un discours valorisant. Le plus important sera de ne pas faire sentir à l’enfant qu’il a été rejeté par ses parents biologiques. S’il vient d’un pays du Tiers-Monde, par exemple, expliquez-lui que sa maman l’aimait très fort, mais était très pauvre et voulait un meilleur avenir pour lui. L’objectif étant à tout prix d’éviter de lui faire ressentir un sentiment d’abandon. Vous pourrez aussi lui montrer sur une mappemonde le pays d’où il vient, en lui expliquant : « Tu vois, tu es né là-bas. Les gens y ont la même couleur de peau que toi. »
Et s’il n’a pas de question ?
Paul a 5 ans, s’exprime parfaitement et n’a toujours pas abordé le sujet avec ses parents, comme s’il ne voulait pas voir la vérité en face. Faut-il s’en inquiéter ? Chaque enfant suit son propre rythme d’évolution. « Certains petits ont besoin de rester dans l’idéalisation plus longtemps que d’autres, observe Marie Delhaye, laissez-le donc venir à vous. »
Mais tout dépend aussi de l’âge auquel votre petit est arrivé dans votre vie. Si vous avez eu la chance de l’accueillir avant ses 3 mois, son développement sera très proche d’un enfant biologique, ce qui sera bénéfique pour lui, comme pour vous. Il faut savoir que ses premières expériences de vie joueront un rôle important pour la suite.
« C’est lors de sa première année de vie que se forme l’attachement, cette forme de sécurité, constate Marie Delhaye. Autrement dit, si les parents ont la possibilité d’accueillir un enfant au tout début de sa vie, ils pourront se mettre en accord avec lui, ils auront des échanges adéquats et positifs dans leurs interactions. La mère sera plus à même de répondre aux attentes et aux besoins de son petit, en comprenant mieux ses pleurs, par exemple. »
En revanche, si l’enfant a passé les six premiers mois de sa vie en orphelinat, cet attachement est si fragile que l’enfant aura d’autant plus besoin d’évoluer dans un environnement sécurisant et enveloppant. La pédopsychiatre conseille alors de reproduire les gestes que l’on adopterait avec un tout-petit, à savoir le bercer, privilégier le peau à peau et le rassurer autant que possible.
Il aura besoin de sécurisation massive et passera sans doute par des périodes de régression. Son développement affectif sera peut-être plus lent, puisqu’il aura manqué de stimulations affectives les premiers mois de sa vie. Il aura donc plus que jamais besoin d’être encadré tout en étant très fort aimé.
L’adolescence, moment critique
« J’ai l’impression que mon petit Paco de 5 ans ne souffre absolument pas des symptômes de l’adoption. Tout se passe tellement bien, ça me semble trop beau. Mais une accompagnante de l’association qui nous encadre dans notre vécu post-adoptif m’a déjà dit que l’adolescence pourrait être un peu plus compliquée à gérer, je dois donc m’y préparer mentalement. »
Cette maman a raison, mieux vaut être conscient du fait que l’un des moments les plus sensibles est le passage délicat par l’adolescence. Selon Marie Delhaye, « Tout se rejoue à ce moment-là, l’insécurité des premières années de vie ressurgit et au même titre que tout ado, le jeune adopté traverse une phase d’opposition avec ses parents. Il se dit que ses parents biologiques sont sûrement mieux que les parents adoptifs et le clame haut et fort ». Une pilule difficile à avaler pour les parents adoptifs, mais une phase tout à fait normale.
Quel que soit son parcours, l’enfant adopté présente une faiblesse en termes de confiance et d’attachement, liée au sentiment d’abandon qu’il ressent de la part de ses parents biologiques. Il a donc constamment besoin de tester la solidité des liens affectifs qu’il a développés avec ses proches et, en l’occurrence, avec ses parents adoptifs.
Retrouver ses racines
Le jeune a besoin d’avoir la preuve que ce lien est fort et qu’il peut continuer à compter sur son entourage qui comprend son mal-être. C’est le moment, par exemple, de lui proposer de faire un grand voyage dans son pays d’origine pour retrouver ses racines.
« L’ado se différencie et s’autonomise, il recherche la vérité. C’est sa façon de compléter sa construction identitaire, explique Marie Delhaye. À ce moment-là, les parents adoptifs devront être un maximum structurants pour lui éviter de tomber dans les troubles du comportement. »
Les parents adoptifs veilleront dès lors à ne pas rejeter leur ado en révolte, malgré les attaques dont ils seront la cible. Plus facile à dire qu’à faire direz-vous ! « Les parents doivent être en accord avec les raisons qui les ont poussés à adopter et avec l’histoire qu’ils ont décidé de transmettre. Il faut éviter de projeter des attentes trop fortes sur cet enfant et faire le deuil des échecs du passé », conclut la pédopsychiatre.
J. R.