Vie pratique

Dany, 77 ans, cinq petits-enfants de 9 à 19 ans,
dont trois garçons et deux filles
24h sur 24
Il n’y a pas d’autre grand-parent que moi. Donc, j’essaie d’être aussi présente chez ma fille que chez mon fils, même si j’habite chez ce dernier et ses deux enfants. Mais dès que ma fille a besoin de moi, elle pousse sur un bouton et je suis là. Je me suis découvert des dons d’acrobate parce que l’éducation chez l’un et l’autre est tout à fait différente.
Alain, 68 ans, deux petits-fils
En semaine
Avant, je jouais beaucoup avec mes petits-fils, maintenant qu’ils sont ados, je m’occupe surtout des devoirs et leçons. L’autre jour, je répétais l’anatomie avec un des deux. Pour que cela ne soit pas trop lourd, j’ai raccroché le cours à des petites anecdotes qui me sont arrivées médicalement ou professionnellement. J’ai toujours émaillé de mes petites expériences ces moments d’apprentissage. Ça leur donne des moyens mnémotechniques, ça les amuse bien et moi, je me raconte...
Lulu, 63 ans, quatre petits-enfants de 3 à 12 ans,
dont une fille de 15 ans
Pour tous les jours de l’année…
D’accord ou pas d’accord avec les parents ? Ça m’arrive de ne pas l’être, mais je n’en dis rien aux gosses. Je m’en garde bien, même si ça me brûle parfois les lèvres. J’en parle alors aux intéressés, aussi discrètement que possible. Mais il y a des choses contre lesquelles on ne peut rien faire, rien dire. Ma petite fille est partie à Miami dans le cadre du programme Comenius. C’est chouette, mais à 15 ans, c’est quand même très tôt. L’inquiétude m’a rongée pendant six mois. J’étais juste bonne pour qu’on me mette sous perfusion d’anxiolytiques !
Martine, 73 ans, huit petits-enfants de 3 à 19 ans
Je fais partie des grands-parents chicouf. Quand je vois arriver mes petits-enfants, je suis enchantée, mais je suis ravie de les voir partir… comme tous les grands-parents ! Ce qui est très chouette, c’est que ma fille et mes belles-filles sont très attentives à ne pas me submerger. Ça a toujours été très clair dans ma tête, je ne voulais pas jouer à la crèche, être juste une dépanneuse…
« J’étais juste bonne pour qu’on me mette sous perfusion d’anxiolytique ! » Lulu
En semaine
Lorsque ma fille s’est séparée, j’ai voulu qu’elle ait une soirée pour elle toute seule, que ce soit pour se taper devant la télé en mangeant une pizza ou pour sortir avec des copines. J’ai donc décidé que tous les vendredis soir, ma petite-fille Lisa allait dormir chez nous. Mais à l’époque, il n’y avait qu’elle. À la naissance du second petit-enfant, mon fils et sa femme m’ont dit : « Comme cadeau de naissance, on voudrait que tu prennes congé mercredi après-midi ». Cela correspondait à mon envie de conduire les petits au sport ou à toute autre activité. Cette demande s’est alors répétée pour les six petits-enfants suivants et je suis devenue super mamy-taxi.
Le mercredi est devenu surtout le jour des rituels pour les plus jeunes. Je fais la tournée des écoles, je leur sers des pâtes à midi et je les conduis où il faut les conduire.
Le week-end
Le dimanche matin, il y a table ouverte pour manger des pistolets ensemble à 10h du matin. Bon, ce rendez-vous est moins régulier que jadis, quand les enfants étaient plus petits, mais ils restent tous très attachés à ce rituel.
Pendant les vacances
On a une maison dans les Pyrénées où les enfants et petits-enfants se succèdent. On a une fois réuni tout le monde pour passer un séjour ribouldingue, mais c’est la seule année où il y a eu plus d’un mètre de neige
Maya, 66 ans, trois petits-enfants
En semaine
Un des moments privilégiés pour se glisser des choses, c’est quand ils sont dans l’auto. J’en profite pour leur dire que je n’ai pas eu la même vie qu’eux, que ce qu’ils font m’intéresse, même si je n’y comprends pas toujours grand-chose.
Jean-Claude, 67 ans, un petit-enfant de 11 ans
En semaine
Je suis sur le pied de guerre à 15h30, pour venir chercher mon petit-fils qui revient par le bus scolaire. Il pourrait aller à la garderie, mais c’est un enfant qui n’est pas bien dans le groupe et qui n’y trouve pas sa place. À la récréation, tout le monde se défoule, joue et lui, il regarde. Alors, je l’accompagne le temps de l’après-4 heures. J’insiste sur le mot « accompagner » : on ne peut pas prendre la place des parents. C’est très important que les grands-parents tiennent la bonne distance, sinon on risque d’être trop intrusif. C’est difficile, parce qu’on est souvent frustré, on voit qu’il y a des choses qui ne vont pas, mais ce n’est pas notre boulot. On vit avec ça aussi…
« Aujourd’hui, it’s my day-off ( ). C’est un moment rien que pour moi » Clara
Étienne, 69 ans, deux petits-enfants
seuls avec leur maman
Le week-end
Pour toutes sortes de bonnes raisons, il y a peu de parents qui jouent encore avec leurs enfants. Ma fille n’aime pas nager, l’eau est trop froide pour elle, elle ne va donc jamais à la piscine avec ses enfants. Moi, je me mets dans l’eau même si je n’apprécie pas vraiment cette activité parce que je crois que c’est bon pour eux. Les grands-parents, ça sert aussi à ça.
Clara, 67 ans, trois petits-enfants de 5 à 12 ans
Tous les jours de la semaine
Aujourd’hui, it’s my day-off, comme on dirait aux États-Unis. C’est un moment rien que pour moi. Peut-être pas toute la journée, mais c’est le moment… J’ai appris à dire non et j’ai surtout compris que c’était si bon après avoir dit non ! Il y a cette chanson d’Anne Sylvestre : « Je ne suis pas votre bouée, apprenez à nager ». Aujourd’hui, je cultive beaucoup cette idée…
Marinette, 71 ans, deux petits-fils de 11 et 20 ans
En vacances
Les vacances, c’est un vrai défi, c’est jour et nuit sur une longue période. J’ai vécu un moment très compliqué, très définitif avec l’aîné qui avait alors 12 ans. Sa maman m’avait dit qu’il devait absolument lire durant ses vacances. J’ai donc obtempéré et organisé des temps de lecture. Premier essai : j’ai pris le livre, je lui ai montré, il n’a pas regardé. J’ai commencé à lire moi-même, j’ai vu qu’il ne regardait toujours pas. J’ai alors jeté le livre à travers la pièce et je me suis dit : ce n’est pas pour moi. Je n’avais jamais été confrontée à ma propre violence, je ne savais pas que je pouvais avoir un tel geste.
David, 75 ans, un petit-fils de 15 ans
En vacances
Pour nous, vacances est synonyme de petit-fils. Léon habite le sud de la France. Nous le voyons donc trois à quatre fois par an. Et encore, son agenda est tellement chargé ! Comme ses parents sont séparés, il doit partager ses congés entre son papa et sa maman et ensuite trouver encore des jours pour se rendre chez sa mamy, en France et chez nous, à Bruxelles. Nous l’avons donc trois semaines en été, à la Toussaint ou à la Noël, au carnaval ou à Pâques. Bon, on se console parce que, petit, il vivait en Indonésie et on ne le voyait qu’une fois par an !
Babette, 72 ans, grand-mère de ce même petit-fils
En vacances… et l’année, par téléphone
On se voit donc peu, mais on s’entend très souvent. Je l’aide même à rattraper ses retards en maths par téléphone et par mail. Ce sont des cours à distance qui ont l’air de fonctionner.
Chantal, 62 ans, une petite-fille de 2 ans
En semaine surtout
Nous venons d’adopter un nouveau rythme pour nous adapter aux nouveaux horaires des enfants qui sont à l’étranger deux fois dix jours pour leur boulot. L’entraide familiale se met alors en route. Quand je suis au travail, mon autre fille, la tante, me relaye. Même l’arrière-grand-mère veut rentrer dans le jeu.
Fatigant ? C’est inquiétant, car c’est une grosse responsabilité. Quand il neige et que je dois partir la chercher en voiture, j’ai peur. Je glisse, j’ai un accident, qu’est-ce qui va arriver ?
En vacances
Les vacances en tribu, c’est du pain bénit. On adore. Le retour affectif est tellement énorme. Puis aider les enfants comme ça, c’est tout autre chose que donner de l’argent. Je ne cherche pas la reconnaissance mais j’en reçois. Et moi, je me rends utile.
Véronique, 64 ans, quatre petits-enfants, dont un bébé
Le week-end
De mon temps, on donnait à manger à l’enfant, on le nettoyait et on le mettait ensuite à heures fixes au lit avec la consigne de le laisser pleurer. On s’accrochait. Aujourd’hui, quand mon petit-fils pleure la nuit, je n’hésite pas à le prendre et à le calmer. Je le remets en suite au lit sans problème. Dans le temps, on m’aurait dit : « Attention ! Elle va s’habituer aux bras ».
Anne, 73 ans, trois petits-enfants de 11, 16 et 18 ans…
à Londres
Trois jours cet hiver
L’aîné est maintenant à l’université dans le nord de l’Angleterre. Je vais aller passer deux-trois jours rien qu’avec lui. J’ai appris qu’il avait une petite amie et je devrai donc le laisser parfois tranquille. Je vais faire ce voyage jusqu’à lui pour donner une nouvelle chance à notre relation. Mais je m’interroge : pourquoi j’ai cette envie alors que je connais des petits bonheurs comme grand-mère adoptive auprès des enfants de mes étudiants devenus parents ? J’ai beau penser que les liens du sang ne sont pas importants, j’ai des moments d’extrême tristesse quand je pense à la distance relationnelle (bien plus que géographique !) qui me sépare de mes petits-enfants.
« Je l’aide même à rattraper ses retards en maths par téléphone et par mail. » Lise
Zoé, 54 ans, deux petites filles de 2 et 3 ans
En semaine
Je travaille à plein temps, je n’ai pas de voiture et je n’ai donc pas souvent l’occasion de m’occuper de mes petites-filles la semaine. Mais je me souviens encore de la toute première fois où j’ai été chercher mon aînée à la sortie de l’école. J’en avais les larmes aux yeux. C’était la plus petite de la classe. Chaque enfant était aligné sur une case de couleur et attendait que l’institutrice les appelle par son nom dès qu’elle voyait le parent. Dès que ma petite-fille a entendu son nom, elle a couru vers moi, je l’ai serrée très fort dans mes bras. C’était un moment magnifique.
La relation que j’ai avec mes petites-filles est tellement forte que, c’est un peu bête ce que je vais dire, mais je rêverais qu’elles habitent chez moi. (Larmes…)
En week-end
L’heure du repas est un grand moment. D’abord, leur apprendre que manger se fait assise à table. Elles ne m’obéissent pas toujours, mais je tiens le coup. Ensuite, les faire manger. Je dois faire beaucoup le clown, jouer au petit avion, les distraire avec des histoires… L’aînée ne mange pas beaucoup, il faut toujours trouver une astuce pour lui faire avaler son assiette. Ce n’est pas le meilleur des moments.
Aline, 58 ans, deux petites-filles en bas âge
En semaine
Dès les premiers jours à la crèche, mes petites-filles sont tombées malades et ont dû subir le fameux ‘masque respiratoire’. C’était très difficile de leur faire accepter cet engin, c’était aussi très difficile de les voir si petites avec ce masque, les entendre pleurer et se débattre pour le retirer. Je ne me souviens pas d’avoir eu le cœur aussi serré quand mes propres enfants étaient pris par la fièvre et la toux. Je travaillais, il fallait que ça tourne et je n’avais pas trop le temps d’être attentive à la moindre émotion de mes bébés.
Élise, 62 ans, une petite-fille de 4 ans
En vacances
Ma petite-fille habite l’Espagne et je ne la vois donc que durant les congés. J’ai l’habitude avec ma copine, grand-mère elle aussi (deux petits-enfants de 2 et 5 ans), de louer, chaque année, une grande maison avec une dizaine de couchages dans la région du Pas-de-Calais ou en Bretagne. Nous nous occupons des mômes toute la semaine avec l’aide des grands-pères et, s’il y a encore de la place, vient qui veut côté parents. Ce sont chaque fois des séjours grandioses où nous nous consacrons entièrement aux petits. Du pur plaisir pour tous… et une sérieuse dose de fatigue pour les plus vieux.
Myriam, 64 ans, une petite-fille de 3 ans
et une future petite
En semaine
Je vais tous les mardis et vendredis conduire la petite à l’école. J’assure le relais parce que, ces jours-là, les parents doivent partir très tôt. J’arrive à 7h du matin, accueille ma chérie encore toute chiffonnée de la nuit dans mes bras, je lui prépare sa tartine, confiture ou crottes de chocolat, son verre de lait et, pendant qu’elle mange et se réveille peu à peu, je prépare les fruits du 10 heures et pour le jour de garderie, le 4 heures. Quand je raconte ça aux copines, elles me regardent avec des yeux ronds. Bien sûr, mes enfants pourraient amener la petite le matin tôt à la garderie. Mais ils n’ont pas de voiture et le matin, dix minutes à pied, ça compte beaucoup. Et puis, être à 7h15 déjà parquée à l’école, c’est dur et j’ai mal au cœur rien que de l’imaginer. Non, je ne suis pas une grand-mère esclave. J’aime cette heure qu’on passe ensemble à se raconter toutes sortes d’histoires. C’est aussi le moment des confidences : « Anna m’a tiré les cheveux », « Daniela est de nouveau mon amie », « Je me suis fait gronder parce qu’on jouait dans l’armoire »… C’est parfois des moments difficiles où elle ne veut pas aller à l’école et rester en pyjama contre sa Mimi à écouter des histoires. Alors je sors mon couplet sur la vie pas toujours rose et je l’exhorte à ramasser ses forces et à faire un effort. C’est toujours le premier pas qui coûte. Après, ça va tout seul.
Louise, 63 ans, deux petites-filles et un petit-fils
En vacances
Un des moments difficiles pour moi, c’est quand les parents de mon petit-fils se sont séparés. C’était d’autant plus dur que tout ce petit monde vit loin de chez moi. On a dû d’abord encaisser nous-mêmes la nouvelle parce que c’était totalement inattendu pour les copains comme pour nous. Puis Max est venu nous rejoindre à l’occasion des vacances. Il avait alors 10 ans et paraissait tout à fait joyeux. Je me demandais comment j’allais aborder le sujet - cela me semblait impossible qu’on n’en parle pas au moins une fois. L’occasion s’est présentée, j’ai pu lui dire combien je comprenais qu’aller d’un parent à l’autre, c’était toute une organisation et qu’il fallait faire attention de ne pas oublier un cahier chez maman, sa brosse à dents chez papa… Ce fut la seule fois où nous en avons parlé. Mais je suis sûr que ses grands-parents sont pour lui un élément de stabilité, d’apaisement.
Anne-Marie, 64 ans, deux-petits fils de 2 et 5 ans
Chaque jour que fait dieu…
Normalement, nos jours sont les lundis après-4 heures et mercredis après-midi. Mais nous sommes en fait des grands-parents sur la touche, nous sommes tout le temps dans les starting-blocks parce que les parents, tous deux médecins, sont régulièrement retenus à l’hôpital. Nous sommes donc appelables à toute heure et nous le faisons volontiers parce que toutes ces demandes de dépannage sont indépendantes de leur volonté. Petite précision : nous sommes aussi les seuls grands-parents mobilisables.
Mais il y a le revers de la médaille. Nous sommes régulièrement témoins du manque ressentis par les petits. À certains moments, l’un ou l’autre vient dans les bras, cherche les câlins tout en appelant sa maman. C’est un peu dur à entendre…
Cécile, 59 ans, deux petits-enfants de 4 et 8 ans
En semaine
Je crois qu’on est plus laxistes que les parents. Je n’exige pas, par exemple, de mes petits-enfants qu’ils terminent leur soupe. On a tellement insisté dans mon enfance pour que je vide mon assiette que je ne supporte pas de leur imposer cette règle, pratiquée pourtant par le père et la mère. De manière générale, pour tout ce qui touche à l’alimentation, je n’ai guère d’interdits. Je préfère utiliser mon énergie à mettre des limites dans la rue, ne pas courir, donner la main, etc. Bref, à imposer des règles de protection.
Le plus petit part parfois en vrille. Je me souviens que comme maman, je m’énervais beaucoup et c’était l’escalade. Comme grand-mère, j’ai décidé de changer de revoir ma technique : je quitte la pièce, je change de registre, je respire un bon coup et je reviens vers lui. Et ça marche !
Thierry, 64 ans, deux petits-enfants de 1 et 4 ans
En semaine
Mes enfants ont tous les deux des emplois précaires. Alors, plutôt que leur verser de l’argent en fin de mois, de les obliger à demander de l’aide quand ils ont vraiment la corde au cou, nous avons instauré, ma femme et moi, une solidarité douce. Quand je fais les courses, je remplis mon caddy de deux-trois choses pour eux. Des produits plus coûteux qu’ils ne peuvent se permettre, des légumes, de la viande bio, qui coûtent parfois un pont. On profite aussi des soldes pour renouveler les garde-robes des petits, on achète ou remplace les grosses pièces - le grand lit pour l’aînée, le micro-ondes pour tous. Tant que nous travaillons, ces coups de pouce seront possibles.
L'avis de...
Mireille Pauluis, psychologue et grand-mère
« Il faut pourvoir dire non à nos enfants »
J’ai animé, en tant que psychologue… et mamy, un atelier de grands-parents, il y a trois-quatre ans, à Louvain-la-Neuve. Première observation : il n’y avait que des dames, les grands-pères n’étaient pas présents. La préoccupation qui revenait le plus souvent dans les débats était : « Est-ce qu’on peut dire non ? ». Je répondais alors que, pour moi, toute demande de nos enfants est libre, et cela veut dire qu’à toute demande, on peut dire oui ou non. Si on n’a pas ce droit-là, c’est que la demande n’est pas libre, mais est une revendication. D’où l’amertume et l’animosité de certains grands-parents…