Droits et congés

Le débat sur la concrétisation de la défédéralisation des allocations familiales est ouvert. Il est dominé une nouvelle fois par la question institutionnelle : une approche régionaliste ou communautariste. Loin de nous l’idée de ne pas considérer ce débat comme important. Il s’agit bien de proposer une vision prospective d’avenir dans un autre monde : la Belgique incertaine de demain. Mais ce dossier mérite mieux. La défédéralisation des allocations familiales est une opportunité, un moment historique à saisir pour repenser le système et faire mieux. Nous pourrions ajouter : « Et faire plus ». Nous avons préféré concentrer notre message sur le mieux afin de tenir compte de la situation économique et financière de la Wallonie et de Bruxelles, aujourd’hui et demain. Voici pourquoi et comment la Ligue des familles propose allocsenmieux.be
Allocsenmieux : les principes
- Garantir le droit de chaque enfant
Les allocations familiales sont un des instruments pour inscrire dans les faits l’article 27 de la Convention internationale des droits de l’enfant : « Tout enfant a droit à un niveau de vie suffisant pour permettre son développement physique, mental, spirituel, moral et social ».
- Soutenir les parents d’aujourd’hui
Les modèles familiaux ont évolué et bousculent les visions traditionnelles de la famille. Pour y arriver par adaptations successives, l’ancien système des allocations familiales a fini par générer près de 140 combinaisons différentes de montants d’allocations familiales. Intenable : il faut simplifier. Les carrières professionnelles de chacun sont désormais mouvantes et multiples. L’ancien système liait les allocations familiales au statut socioprofessionnel des parents. Inopportun : il faut partir sur une autre base. Faire la différence entre le premier, le deuxième et le troisième enfant ne correspond pas à la réalité du coût des enfants aujourd’hui. Autant d’éléments qui accréditent l’approche d’une allocation universelle pour chaque enfant.
- Renforcer la justice sociale
La justice sociale est une construction morale et politique résultant d’une série de choix collectifs sur ce que doivent être les clés de répartition entre les membres d’une société.
Il existe deux manières complémentaires de redistribuer les revenus : une redistribution « horizontale » des ménages sans enfant à charge vers les ménages avec enfants à charge et une redistribution « verticale » des ménages aisés (avec enfants) vers les ménages plus pauvres avec enfants.
- Lutter contre la pauvreté infantile
Nous ne cessons de marteler ce chiffre. Pour 12 % des parents, les allocations familiales ne sont pas importantes. Elles sont tout simplement cruciales, essentielles, vitales. Imaginons le cauchemar d’une suppression des allocations familiales. Cela ferait passer de 15% à 26% la part des enfants vivant sous le seuil de pauvreté. Justice sociale et lutte contre la pauvreté infantile nous conduisent à proposer, en plus d’une allocation familiale universelle pour chaque enfant, un complément pour les familles à faibles revenus.
- Affirmer des complémentarités
Une politique de soutien à la parentalité passe obligatoirement par trois types d’intervention des pouvoirs publics : garantir des ressources financières, proposer des services collectifs, faciliter la conciliation du temps professionnel et personnel. La politique des allocations familiales est bien évidemment inscrite dans le premier pôle : les ressources financières. À mettre également dans cette catégorie, les politiques fiscales redistributives. L’accueil de la petite enfance, l’école, l’accueil temps libre… forment entre autres le deuxième pôle des services collectifs. Temps de travail et congés parentaux doivent être rangés dans le troisième panier. La qualité d’une politique de soutien à la parentalité découle d’un bon équilibre entre ces trois pôles. Retour sur l’institutionnel. Aujourd’hui, ces compétences sont complètement éclatées entre le fédéral, les Communautés et les Régions. Au secours ! La réforme institutionnelle doit se mesurer aux cohérences des politiques qu’elle génère.
Allocsenmieux : la proposition
« Impose ta chance, sers ton bonheur et va vers ton risque. À te regarder, ils s'habitueront », écrivait René Char. Voici donc la proposition de la Ligue des familles.
- Une allocation universelle de base pour chaque enfant : de l’ordre de 160 €. On ne tient plus compte du statut socioprofessionnel du parent, on ne tient plus compte du rang et de l’âge de l’enfant.Objectif : garantir le droit de chaque enfant, soutenir la parentalité d’aujourd’hui.
- Un supplément de 50 € par enfant pour les familles monoparentales à revenus modestes. Objectif : renforcer la justice sociale, combattre le risque de pauvreté de ces familles et en particulier la pauvreté infantile.
- Un supplément de 50 € par enfant pour les familles nombreuses à revenus modestes. Objectif : renforcer la justice sociale, combattre le risque de pauvreté de ces familles et en particulier la pauvreté infantile.
- Des allocations majorées pour les enfants handicapés ou orphelins. On ne touche pas à la situation existante.
- Personne ne doit subir de réduction d’allocations familiales pendant la période de transition entre l’ancien et le nouveau système. Le nouveau système doit donc s’appliquer progressivement « aux nouveaux entrants »
Allocsenmieux : la transition
Le transfert des allocations vers la Wallonie et Bruxelles ne peut pas être défavorable aux francophones, sinon cela conduirait à disposer au final de moins de moyens à redistribuer aux parents. Notre service d’études s’est penché sur la question. Les francophones pourraient y perdre jusqu’à 50 à 70 millions d’euros si l’on n’utilise pas les bonnes clés de répartition. Les présidents de partis que nous avions rencontrés début 2012 nous avaient presque tous dit : "Ne vous inquiétez pas". Mais, dans le même temps, comme les explications techniques variaient de l’un à l’autre, pour tout dire, ils ne nous ont pas vraiment rassurés.
Autre question cruciale pour la transition : la continuité du service. Le mois qui suit le transfert effectif de compétences, les allocations familiales doivent arriver à temps et à heure sur le compte bancaire de chaque bénéficiaire. Nous voulons un zéro défaut parce que les allocations familiales sont un revenu crucial pour certaines familles. Le transfert de compétences doit aussi se décider en évaluant la capacité des nouvelles administrations à gérer ces matières.
Allocsenmieux : avec la Ligue des familles
Nous plaidons pour que la Ligue des familles continue à être associée à la gestion des allocations familiales. S’il est parfaitement légitime que les partenaires sociaux soient impliqués dans la gestion du système des allocations familiales dans la mesure où le financement découle de la sécurité sociale, il est tout aussi légitime que les usagers du système, les parents, soient aussi représentés et entendus.
D. L.