Grossesse

Quand elle nous livre son témoignage, Coline (prénom d’emprunt), déjà maman d’un petit garçon de 2 ans et demi, est enceinte de presque sept mois. Juste avant le début de cette grossesse, elle a subi une fausse couche très précoce. Elle nous raconte comment les émotions du passé ont ressurgi.
« Au moment où j’ai fait ma fausse couche, j’ai refoulé ma tristesse, se souvient-elle. Mais, quand je suis tombée enceinte de ma fille, cette perte passée m’a rattrapée ». Ce qui l’a d’abord réconfortée ? Les mots de sa sage-femme : « À la fin de notre premier échange, elle m’a dit : ‘Ce n’est donc pas une deuxième, mais une troisième grossesse’, et elle l’a noté sur sa fiche. Ça m’a libérée d’entendre que ‘cela’ avait existé ».
Les fausses couches touchent entre 15 et 20 % des grossesses. Une femme sur cinq en traverse une au cours de sa vie. Une réalité fréquente donc, mais pas anodine. Trop souvent encore passée sous silence. À l’image de tout le premier trimestre de la grossesse, en fait, avec ses joies et aussi ses maux. Aujourd’hui, le tabou qui entoure les fausses couches se brise. La parole des femmes se libère. Et elle est mieux relayée. De la même façon que pour les règles douloureuses, les violences gynécologiques et obstétricales ou le post-partum. Leur corps sort de l’invisibilité. Avec cet objectif : qu’il fasse, enfin, l’objet d’attentions particulières.
Lever ce tabou n’est pas rien. « C’est qu’au fil du courant culturel, la zone du périnée est devenue ambivalente : à la fois, celle des inconforts (défécation, mauvaises odeurs…) et celle du plaisir et de la création de ce qu’il y a de plus pur, un bébé, décrit Luc Roegiers, pédopsychiatre périnatal aux Cliniques universitaires UCLouvain-Saint-Luc, à Bruxelles. Longtemps, tout ce qui se rapportait au corps de la femme – mi-merveilleux, mi-mauvais – et à ses souffrances devait être tu ». Et si, aujourd’hui, l’alerte est donnée pour qu’il soit mieux pris en considération, « cela n’est vrai que dans un certain Occident européen ».