Société

L’inclusion par l’assiette

Et si un langage universel tel que la cuisine permettait de rassembler ? On fait le tour de quelques projets qui provoquent des rencontres autour de l’assiette, tant au niveau social, culturel que du handicap. Universel, on vous dit.

Jeudi 26 mai, fin de journée. Un drôle de manège se met en place au siège de la Ligue des familles. Quelques Syriennes, Irakiennes, Palestiniennes et Rwandaises hébergées par notre voisin Fedasil s’affairent dans les cuisines, épaulées par Dalila, la « maman » de la Ligue, d’origine tunisienne.
Tout ce petit monde se comprend et semble heureux de travailler à l’unisson. L’objectif ? La fête des voisins, le lendemain. Sous les notes d’un groupe musical sans frontière, ça se mélange dans le jardin. Des enfants jouent, des employés goûtent aux premières heures du week-end et des cultures se mêlent les unes aux autres.
Les quatre horizons, présents au milieu des autres. Il est là, le monde d’aujourd’hui : sorti du ghetto. Le liant de tout ça ? La nourriture. Comme le dit Dalila à propos de ses commis d’un jour : « Elles ne sont pas là pour raconter leurs histoires. On a eu des échanges simples. ‘Passe-moi le sel’. ‘Comment tu fais ça, toi ?’. En fait, sans se parler, on s’est dit beaucoup de choses. »

Le seul du lien social

Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es. Quoi de mieux que l’assiette pour donner une petite teinte multiculturelle ? Ça n’a pas échappé à Bouillon Malibran, un projet de DurablXL sur un air de « le monde est dans nos quartiers ». L’action réussit depuis trois ans à lier à la fois diversité culturelle, mixité sociale, gastronomie, convivialité et alimentation durable. Les membres du projet parlent d’éco-gastronomie.
Félicien, papa de quatre enfants, qui nous a fait connaître l’idée, constate : « C’est devenu tellement rare, ce genre d’ambiance où l’on fait cohabiter des cultures et des milieux professionnels différents. C’est un super tremplin d’intégration. On se rencontre autour d’un plat. On parle et c’est parti. »
C’est à peu de chose près ce que met en place le tout nouveau Refresh à Bruxelles toujours. L’idée consiste à valoriser le travail des uns et prôner la mixité sociale. Autour de plats simples et efficaces. Mais aussi de toute une démarche consciente qui concerne l’agriculture urbaine.
Roland, assistant administratif, nous raconte : « On est parti de l’idée de rassembler différents publics du quartier, dont des précarisés, migrants ou autres. Mais aussi des familles, des enfants, des retraités, sans afficher quoi que ce soit. On ne veut pas être estampillé ‘centre social’. On ne veut pas gêner qui que ce soit et encore moins stigmatiser. »
Le principe est pudique, puisqu’il n’est écrit nulle part que le public précarisé paye 50 % de son repas. L’objectif de Refresh est de devenir « une sorte d’oasis de quartier ». Soit organiser des réunions, des ateliers thématiques autour du repas. Par exemple, ils mènent une campagne de sensibilisation auprès des familles défavorisées sur le gaspillage alimentaire. Par le biais des « maîtres-frigo » qui forment des ambassadeurs aux bonnes pratiques. Une initiative de l’asbl Réseau Idée. Le truc ? Transmettre ses connaissances à son entourage et ses pairs. Et comme l’inclusion commence par soi-même, Refresh est composé majoritairement d’employés sous article 60 (CPAS), cinq employés sur sept en tout.

Repas dans le noir et bonne auberge

Côté handicap, à table. C’est ce que propose, entre autres activités sportives et inclusives, l’association liégeoise Blind Challenge. En fonction du lieu et de la manifestation, le principe peut changer. Par exemple, un guide conduit les convives valides ou en situation de handicap à leur table dans le noir. Il n’est pas seulement question de manger, mais aussi de partager ses impressions pendant le repas avec des serveurs non-voyants.
Caroline, qui a partagé un repas avec ses enfants et d’autres convives, passe le plat : « On échange autour de nos perceptions bouleversées, dû au fait de manger dans le noir. C’est incroyable. En fait, on parle davantage de sentiments et d’émotions que de handicap réellement. Je recommande à tous de vivre ça au moins une fois. »
On vous le confirme, la Ligue elle-même a privilégié cette option dans le cadre de sa dernière campagne inclusion. Enfin, autour de la table toujours, Handi-Rencontres chapeaute un projet d’auberge dans l’objectif de rompre la solitude, autour de la gastronomie, mais surtout de la convivialité.
Le projet la maison du Patou consiste à restaurer une jolie petite maison dans l’Ain qui va rassembler valides et « handis » autour de repas et de bonnes ambiances. Gageons que tous ces projets vont faire des petits. Libre à vous d’y participer ou d’en monter à titre individuel et collectif. Et bien évidemment, nous ne manquerons pas de vous accompagner, parce qu’on croit à la table comme langage universel, en bon gourmands que nous sommes !



Yves-Marie Vilain-Lepage

Vos projets nous intéressent

La Ligue des familles lance un appel à projet afin d’encourager des initiatives inclusives de la personne en situation de handicap. À la clé ? Une récompense financière de 500 à 1 000 €, en fonction du projet. Mais aussi un soutien par des actions via le réseau étendu de membres, volontaires et acteurs de terrain. Vous avez jusqu’au 1er septembre 2016 pour déposer vos candidatures. Les projets seront ensuite évalués par un jury.

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