Société

Récemment, les député·e·s ont voté un décret instituant de nouvelles règles en matière d’équipement informatique des élèves et de frais scolaires. Jusqu’à présent, si une école estimait que les élèves devaient travailler sur des ordinateurs, elle devait les fournir elle-même. Dorénavant, elle pourra demander aux parents de débourser plusieurs centaines d’euros pour un ordinateur ou une tablette.
Pour la Ligue des familles, qui s’est positionnée sur la question avec le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté (RWLP), il s’agit d’un recul inacceptable alors que le cheminement vers la gratuité scolaire n’en est encore qu’à ses prémisses.
Le gouvernement s’était engagé à réduire la facture scolaire des familles
« Le coût de l’éducation constitue encore actuellement un problème pour de nombreuses familles. À terme, l’école doit devenir gratuite ». Cette phrase pourrait être le titre d’un communiqué de la Ligue des familles. Pourtant, on la trouve dans l’accord de gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), dans lequel ce dernier s’engageait à « poursuivre et renforcer les mesures adoptées en matière de gratuité scolaire et fixer un échéancier progressif de mise en œuvre de la gratuité ».
En pratique, les coûts scolaires à charge des familles vont fortement augmenter
Le Parlement de la FWB a pourtant voté une modification du « décret gratuité », qui autorise dorénavant les écoles à demander aux parents l’achat ou la location d’un ordinateur ou d’une tablette. Avant cette modification, si une école estimait qu’un ordinateur était nécessaire au suivi du cours, elle devait en supporter le coût.
Désormais, quand une école demandera que les élèves soient équipés de matériel informatique, ce sera aux familles d’en supporter principalement le coût, avec une intervention des pouvoirs publics d’à peine 75€ (pour un coût d’ordinateur pouvant avoisiner les 500 €).
Concrètement, les parents devront mettre plusieurs centaines d’euros de leur poche, et ce pour chaque jeune de la famille. Pour la Ligue des familles et le RWLP, il est inacceptable d’envisager que les familles, et qui plus est les plus précarisées, doivent assumer cette dépense en plus.
Même dans les écoles les plus défavorisées, 95% des élèves devront payer leur matériel informatique
La FWB prévoit un fonds de solidarité permettant à 1% à 5% des élèves à peine (selon l’indice socio-économique de l’école) de recevoir du matériel informatique gratuitement. Concrètement, cela signifie que même dans les écoles les plus défavorisées, 95% des élèves devront tout de même payer l’ordinateur ou la tablette de leur poche.
Pas d’alternative pour celles et ceux qui n’ont pas les moyens
Certes, le gouvernement a rendu cette dépense « facultative » : les écoles ne peuvent que demander aux élèves l’achat d’un ordinateur ou d’une tablette, elles ne peuvent l’imposer. En pratique, toutefois, il est difficile pour un parent, même en difficultés financières, de ne pas équiper son enfant si le reste de la classe l’est.
Que se passe-t-il pour les élèves non équipés ou mal équipés, et qui n’ont donc pas ou peu accès au numérique ? Pas d’ordinateur, pas de cours ? Le renforcement du décrochage scolaire laissant des jeunes sur le bord du chemin et donc de l’intensification d’un enseignement à deux vitesses est réel. Ceci sans parler des autres surcoûts liés à l’usage d’un ordinateur pour l’école : une connexion internet, une imprimante, les cartouches d’encre, du papier…
Des inégalités renforcées
Enfin, cette situation va accroître la concurrence entre les établissements. Ainsi, la liberté énorme laissée aux pouvoirs organisateurs en matière de choix d’équipement risque de mener demain à une situation où les écoles les plus privilégiées proposeront du matériel coûteux et à la pointe de la technologie, tandis que les écoles qui rassemblent des élèves plus précarisés proposeront du matériel à bas prix et de qualité médiocre.
Par ailleurs, la possibilité laissée aux établissements de proposer du matériel différent tant en qualité qu’en coût au sein d’une même école ne manquera pas d’accroître les inégalités et la stigmatisation. Deux élèves assis l’un à côté de l’autre pourraient avoir deux ordinateurs différents, et ce, en raison du prix. Quelle justification pédagogique pourrait-il y avoir pour cela ? Ceci alors que l’on est en droit de s’interroger sur les priorités pour agir sur la réduction des inégalités qui minent notre enseignement.