Vie pratique

En 2009, est sortie une première enquête PISA sur la lecture électronique à 15 ans. Dominique Lafontaine, chercheuse à l’Unité d’analyse des Systèmes et des Pratiques d’enseignement (aSPe) de l’Université de Liège, a été une des opératrices de cette enquête pour la Fédération Wallonie-Bruxelles. Elle en parcourt les grandes lignes avec nous.
Quelles compétences particulières étaient analysées dans cette enquête sur la lecture électronique chez nos élèves de 15 ans ?
Dominique Lafontaine : « Cette enquête est un complément à l'enquête PISA traditionnelle (tests sur papier) et porte sur les mêmes démarches : retrouver de l'information, interpréter les textes, réfléchir et évaluer le contenu et la forme des textes. Les tâches proposées sur ordinateur sont de véritables tâches de lecture électronique : l'élève se retrouve face à un environnement simulant internet, avec des menus, des barres de tâches. De plus, il doit naviguer entre différentes pages pour répondre aux questions. Aux compétences traditionnelles s'ajoute donc une composante de navigation. La nature des textes est aussi différente : alors qu'un texte écrit a des frontières bien définies, le texte électronique est virtuel, il se construit à mesure que le lecteur clique sur des liens pour visiter les pages qu'il estime pertinentes. »
Des élèves dans la moyenne
Avez-vous identifié des différences entre lecture sur papier et lecture sur écran ?
D. L. : « Il n’y avait pas de différence fondamentale pour les élèves de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Qu'il s'agisse de lecture électronique ou sur papier, nos élèves ont, en 2009, des performances proches de la moyenne des pays de l'OCDE. Par contre, dans certains pays du sud et de l'est de l'Europe, les résultats sur support électronique sont nettement moins favorables que sur support papier. Pour ce qui s'annonce comme un tournant assez majeur dans les années à venir, il est plutôt rassurant que les élèves de la FWB soient dans le peloton moyen de l'OCDE et de l'Union européenne. »
Quelles sont, en quelques mots, les performances des jeunes Belges francophones de 15 ans en matière de lecture sur supports numériques ?
D. L. : « Environ 20 % des élèves éprouvent de très grandes difficultés face aux tâches de lecture, mais cette proportion est la même face à des écrits plus traditionnels. À l'opposé, 28 % des élèves environ se montrent capables de naviguer de manière autonome à travers de multiples sites, de combiner des informations et d'évaluer la crédibilité ou la pertinence de certaines informations. »
Une nouvelle motivation pour lire ?
Est-ce que nos écoles jouent leur rôle pour améliorer les pratiques de la lecture numérique ?
D. L. : « Cette question ne faisait pas partie de l'enquête. Je crains cependant que pas mal d'élèves en connaissent tout autant, sinon plus, que leurs enseignants, surtout d’un point de vue technique. La difficulté est d'avoir un dispositif de formation des enseignants et de modification des programmes qui aille aussi vite que les évolutions technologiques. Je pense que, aujourd’hui, les élèves acquièrent leurs compétences numériques, comme nous tous, de manière informelle, en dehors de l'école. »
Pensez-vous que le passage par l’écran puisse remotiver les jeunes en matière de lecture ?
D. L. : « Je pense que les jeunes lisent et surtout écrivent plus aujourd'hui grâce au passage à l'écran, sans se rendre compte nécessairement qu'ils lisent et du temps qu'ils y passent. Ils lisent des choses différentes, moins en profondeur sans doute, et pas nécessairement de grande qualité. Le support en soi, qu’il s’agisse du papier ou de l’écran, n'a guère d'importance. Par contre, les jeunes ont assurément besoin de ces compétences, en particulier pour leur avenir de citoyen. Sans tomber dans l'utilitarisme, ils en ont peut-être plus besoin que de compétences littéraires : l'image prend de plus en plus d'importance, en combinaison parfois avec du texte. On évolue en effet vers des messages multimodaux, comme ces vidéos qui vous montrent comment faire plutôt que de lire un texte. Du côté de la création, nous assouvissons aujourd'hui notre besoin de fiction dans les livres, mais aussi les films, les séries, les jeux vidéos... Il en existe de bonne et de moins bonne qualité, comme pour les livres. L’important est de pouvoir s’élever au contact de fictions, qu’il s’agisse de films ou d’écrits, qui posent des questions par rapport à notre existence humaine en permettant d’entrer dans l’expérience d’autres personnes, d’autres mondes, d’autres cultures. »
Michel Torrekens
19 % des Belges ont déjà lu un e-book !
Lors de la Foire du Livre de Bruxelles, Primento, distributeur d’e-books qui collabore avec de nombreux éditeurs, a révélé les résultats de son enquête sur les modes de lecture des Belges. On observe que la lecture numérique est dans l'air du temps et que les mentalités évoluent très vite. Cette enquête révèle que :
- 19 % des Belges ont déjà lu un livre numérique ;
- 40 % des lecteurs numériques interrogés lisent près d'un e-book par mois ;
- 25 % des sondés pensent que le livre papier disparaitra au profit de l'e-book
- Seul 1 Belge sur 6 perçoit négativement les livres numériques.
(Baromètre réalisé en janvier 2014 sur un échantillon de 1 400 personnes, représentatif de la population belge).