Développement de l'enfant

Plus votre enfant grandit, moins il veut faire la sieste. Et il n’est pas rare que dans les crèches, on éloigne le petit perturbateur des copains, histoire que ces derniers puissent s’endormir en paix. Et pourtant, les bienfaits d’un bon petit roupillon sont réels. Rencontre avec la pédiatre Nicole Seret pour nous aider à convaincre notre bambin de s’abandonner dans les bras de Morphée.
« Moi, quand je suis fatiguée, je bâille ». À la question « Comment repérer les signes de fatigue chez l’enfant ? », Nicole Seret, pédiatre et responsable de l'unité de sommeil au CHC à Liège, se montre on ne peut plus claire… avant d’affiner sa réponse. « On a tous une façon particulière de manifester sa fatigue, même si, en général, les enfants se montrent plus excités que les adultes ».
D’autres troubles de comportement peuvent également apparaître comme l’irritabilité, les colères, l’intolérance à la frustration ou au changement, les pleurs, etc. « Maintenant, je pense qu’il ne faut pas attendre que l’enfant soit fatigué pour qu’il fasse la sieste, poursuit la spécialiste. Il vaut même mieux le placer à heure fixe dans son lit plutôt que de patienter en risquant de perturber sa nuit. »
Chansons, câlins, doudou…
Le problème, pour certains parents, est de justement convaincre l’enfant de se reposer en pleine journée. Cela arrive également aux institutrices qui, en outre, doivent faire face à la réticence d’une dizaine de marmots.
« Ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas fatigués, mais parce qu’il y a une certaine appréhension : ils se retrouvent dans un local inconnu avec les tentures fermées, de l’obscurité… Certains se sentent en insécurité dans ce contexte », confirme Muriel Dubois, institutrice maternelle à l’Institut Notre-Dame d’Arlon.
À la maison, il existe plusieurs solutions : tout d’abord, il ne faut pas donner à la sieste un caractère négatif en s’écriant : « Si tu ne te calmes pas, je t’envoie à la sieste ! ». Il est également conseillé de suivre un rituel : le repas, l’histoire, le câlin et le dodo, par exemple. Et puis - pourquoi pas ? - accompagner l’enfant pour le rassurer ou l’apaiser avec de la musique…
« Il faut que l’enfant soit mis tous les jours en condition pour faire la sieste, mais il ne faut non plus pas le forcer, précise Nicole Seret. Je pense que si on a mis l’enfant à la sieste dans les bonnes heures et que 30-45 minutes plus tard, il ne dort pas, on peut dire que la sieste est finie ». Pour Muriel, institutrice, elle peut d’ailleurs être remplacée par une période de repos : « On se met dans un petit coin où on s’assied, on lit, on chipote un jouet pendant un quart d’heure… »
Les bienfaits de la sieste
Même si l’idée a du mal à se faire une place dans nos contrées, la sieste possède de réels bienfaits pour l’humain et est largement conseillée par tous les spécialistes… « Chez l’enfant, pendant que son corps dort il y a, entre autres, sur le plan physiologique, la sécrétion de l’hormone de croissance, l’élimination des déchets, le renforcement de son ossature, la cicatrisation des plaies (les bobos) et surtout la réponse de l’activation immunitaire », affirme Brigitte Langevin, spécialiste du sommeil des enfants.
Concernant les effets sur le plan intellectuel, cette Québécoise cite le traitement de l’information, la maturation du système nerveux central ou encore l’adaptation émotionnelle. « En tant qu’institutrice, on voit clairement la différence avant et après la sieste : l’enfant est plus en alerte, moins susceptible ou irritable, illustre Muriel. Mais il ne faut pas en abuser pour autant. Je suis d’ailleurs contre l’idée (pourtant répandue) de faire dormir l’enfant tout l’après-midi et de le rhabiller juste avant le retour des parents. »
Entre midi et 16h
La sieste est un art à maîtriser, elle implique donc des horaires à respecter. « L’horaire idéal, c’est après le repas de midi et avant 16 heures, mais c’est très variable d’un enfant à l’autre », glisse Nicole Seret. Le plus important pour les enfants est de garder des horaires de sommeil relativement stricts, y compris le week-end et durant les vacances.
« Cela vaut également pour le rythme général de vie, complète la pédiatre. Manger à l’heure, se laver à l’heure, dormir à l’heure, etc. Quitte à réveiller l’enfant pendant sa sieste pour ne pas le décaler ! »
Avec l’âge, l’enfant éprouve moins de besoins pour les longues périodes de sommeil (12-13 heures par jour entre 1 et 3 ans, 10-11 heures par jour entre 4 et 7 ans), mais tous les spécialistes s’accordent à dire qu’il ne faut pas laisser tomber la sieste pour autant. « Supprimer le petit somme d’après-midi est une mauvaise idée liée à notre culture, déplore Nicole Seret. Bien sûr, il faut rester attentif à certains éléments comme la tétine : une utilisation excessive peut avoir des effets négatifs sur la dentition. Le doudou, par contre, si l’enfant l’utilise encore à 12 ans, on s’en fiche ! »
Émilien Hofman
La question
Qu’est-ce que la parasomnie ?
La parasomnie est un ensemble de troubles du sommeil qui interviennent avant, pendant et après celui-ci. En deux mots, c’est une superposition de l’état d’endormissement et d’éveil qui peut se manifester auprès de jeunes enfants. Elle peut se traduire par des éveils confusionnels (grognements, agitations), le somnambulisme ou encore des terreurs nocturnes. En cas de trouble du sommeil, il ne faut jamais hésiter à consulter rapidement un spécialiste.
PRATIQUE
La position idéale ?
« Parfois, c’est comique de les voir dormir, sourit Muriel. Il y en a beaucoup qui ronflent, certains parlent, mais c’est surtout leur position qui est intrigante : en boule avec la tête à l’intérieur du corps, avec les bras et jambes écartés, en mouvement constant… ». Pour Nicole Seret, tant que l’enfant ne s’endort pas assis et affalé devant la télévision, toutes les positions sont bonnes pour se relâcher. « Qu’il soit sur le ventre ou sur le dos pour dormir, il n’y a pas de souci à cet âge-là : il faut lui laisser choisir sa position. »
Des parents en parlent...
Le culte de la sieste
« On a trois enfants. Et pour les trois, on a fait en sorte qu’ils aiment leur lit ! Le cosy dans le lit tout petit pour s’habituer, les horaires fixes pour le passage au dodo et pour les plus grands, un moment au calme avec un bouquin. Je suis sûr à 1 000 % que ça a fait en sorte qu’on ait des enfants très cool, rarement grognons. Et puis ce qui est bon pour les enfants l’est aussi pour les parents. Un petit roupillon avec son gosse à côté, il n’y a rien de tel ! »
Pascal, papa de trois enfants de 1 à 8 ans