Société

Cet édito aurait pu, aurait même dû, être écrit en juillet 2019, deux mois après les élections. Mais, voilà, nous sommes à presque un an et demi plus tard de crise politique et à six mois après le début d’une pandémie mondiale qui a affecté durablement la réalité de chaque Belge et plus largement de chacun.e au niveau mondial.
Les constats sont durs pour les familles sur les derniers mois : elles ont été précarisées par la crise, négligées pendant le confinement et sont encore plus qu’avant aux prises avec des difficultés de conciliation des temps entre leur travail et leur vie de famille. C’est dans ce contexte qu’arrive le nouvel accord de gouvernement de Croo 1er. C’est aussi avec ce contexte que les mesures proposées ont été analysées. À l’examen, la Ligue des familles attribue une évaluation générale « peut mieux faire ».
Il y a du bon
La Ligue des familles relève une note très positive : l’allongement du congé de paternité de dix à vingt jours actuellement discuté au parlement se confirme dans l’accord de gouvernement. C’est un premier aboutissement de notre combat pour un congé de naissance de quinze semaines pour chaque parent et c’est une très bonne nouvelle.
Le Gouvernement s’engage en outre en faveur d’un congé « Corona quarantaine », qui permet aux parents de rester auprès de leur·s enfant·s en cas de fermeture d’école pour raison sanitaire. Il s’agit là aussi de la transformation d’une majorité au parlement en un accord de gouvernement. Cette loi a d’ailleurs déjà été votée et les parents peuvent dès à présent en bénéficier.
Troisième bon point qui concerne la politique migratoire, le gouvernement affirme que la place des enfants n’est pas en centre fermé. C’est une évidence pour beaucoup, mais il faut rappeler que, même si ça contrevient à l’intérêt supérieur de l’enfant et donc est en contradiction avec la convention internationale des droits de l’enfant, il est (sous certaines conditions) toujours légal en Belgique d’enfermer un enfant en centre fermé.
Et puis il y a du flou
Au-delà de ces trois points, si la Ligue des familles relève des intentions très louables, elle constate surtout un grand flou quant à la manière de les concrétiser. Par exemple, le Gouvernement envisage « la simplification, l'harmonisation et l'optimisation des différents systèmes de congés ». Dans quel but ? Avec quel impact sur le nombre de jours de congé ? Nous savons que c’est une demande récurrente des fédérations d’employeuses et d’employeurs.
Sur le fond, la Ligue des familles pourrait souscrire à une réforme qui simplifie et rend plus accessible les congés thématiques. Mais aucune balise n’est mise, éveillant à la fois des attentes et des craintes.
Via un plan de lutte contre la pauvreté, le Gouvernement entend porter une « attention particulière » à la pauvreté infantile et aux familles monoparentales. C’est un point essentiel puisque presque une famille monoparentale sur deux est en risque de pauvreté. Mais quels seront les mécanismes, les opérateurs ou encore les politiques menées ?
Concernant la réforme de la fiscalité, le Gouvernement indique que cette réforme « peut se faire en augmentant la réduction d’impôt pour la garde d’enfants ». Visiblement, il n’y a pas encore d’accord là-dessus. Par ailleurs, c’est une bonne chose pour les familles en général, mais cette mesure, si elle se concrétise, touchera peu les franges les plus précaires de la population, qui n’ont pas la possibilité de faire garder leur·s enfant·s ou ont des revenus trop faibles pour payer des impôts.
Le Gouvernement « examinera », en concertation avec les partenaires sociaux, « si des mesures supplémentaires peuvent être prises pour réaliser le plein potentiel social et économique du télétravail ». Or, on sait qu’en termes de conciliation de temps, éviter les trajets en travaillant de la maison de manière régulière est un vrai plus pour les travailleurs et travailleuses, et plus encore pour les familles.
La Ligue des familles mettra ses balises
La Ligue des familles a fait une analyse exhaustive de la déclaration de gouvernement, et s’il y a du bon, il y a aussi des craintes. Nous sentons une préoccupation, ou du moins un intérêt, pour certains publics et certaines situations qui touchent directement les familles : les familles monoparentales, les difficultés de conciliation entre travail et vie de famille, les nouvelles formes de familles…
Toutefois, le simple fait de les citer dans un accord de gouvernement ne va pas résoudre leurs problèmes. Nous attendons des politiques volontaristes en la matière et nous serons présents pour mettre nos balises. La mission de la Ligue des familles est de transformer la société sur les enjeux de toutes les familles, et nous n’accepterons aucun retour en arrière en matière de politiques familiales.
Christophe Cocu, directeur général de la Ligue des familles