Santé et bien-être

Le collectif Novae crée la future supernova de l’Évras

Salomé Richard est comédienne et réalisatrice, Gabriel Da Costa, comédien également. Tous les deux font partie du collectif théâtral Novae qui mène des projets horizontaux de spectacles en lien avec la société et la citoyenneté. Cette fois, ils ont décidé de descendre du plancher de la scène pour s’installer autour d’une table et parler des sexualités avec des jeunes de 16 à 25 ans, hors du cadre scolaire, d’octobre à décembre.

Concrètement à quoi votre projet va-t-il ressembler ?
Gabriel Da Costa : « Douze jeunes sont réunis pour un cycle de dix rencontres de trois heures. Chaque rencontre est divisée en deux temps. D’abord un atelier créatif : la possibilité de mettre un objet autour de la table pour en discuter. Pour pouvoir aborder la question des sexualités sans les aborder de manière frontale. »
Salomé Richard : « Ça peut être un livre, une lecture, un film, une pièce, un atelier corporel. »
G. D. C. : « Dans cette partie-là, on utilise vraiment l’art. Par exemple, Arno Ferrera qui a effectué une recherche sur le contact et le toucher va très certainement mener un atelier. En tant que chorégraphe, il va aussi parler de sa pratique. Les projets qu’il met en scène abordent ces thématiques : la masculinité, le contact, le rapport, les sexualités… »
S. R. : « À terme, l’idée est aussi que le jeune amène lui-même un objet créatif, une scène de film… Ensuite, ces ateliers permettront de s’engager dans la table de discussion. C’est le deuxième temps de chaque rencontre : le dialogue avec les jeunes. Très vite, ça s’est dessiné qu’on n’avait pas envie de le construire seul, arriver nous, en tant qu’adultes, avec notre propre expérience en la collant à de jeunes gens. On avait envie de prendre en compte leurs besoins, leurs envies, leur manière d’aborder ces sujets-là. Et nous de proposer un cadre d’accompagnement de ces discussions, de l’élaboration de cette pensée. On a mis au point un prototype pour voir la résonance et le sens qu’il pourrait avoir. Effectivement, il y avait du répondant, un besoin, une vraie envie de la part de tou·tes. Comme Gabriel était déjà associé via le projet des ambassadeurs… »
G. D. C. : « … les ambassadeurs d’expression citoyenne, c’était vraiment le premier groupe de jeunes avec qui on a commencé à dialoguer autour de ce projet-là. »

De quoi s’agit-il exactement ?
G. D. C. :
« Les ambassadeurs d’expression citoyenne, c’est une organisation de jeunesse très active à Bruxelles. Elle a deux projets : former des écoles citoyennes en réformant et en appliquant un label, mais aussi accompagner des jeunes pour devenir de meilleurs citoyen·nes. Le projet le plus connu est Eloquentia, aujourd’hui appelé Réciproque, un concours de joutes oratoires pour jeunes. Peu importe le lieu où tu évolues à Bruxelles, ta parole a un sens. Pour la développer, les jeunes ont des formations avec des comédien·nes, metteurs et metteuses en scène, mais aussi avocat·es ou politiques. En tant que formateur là-bas, à un moment, j’ai eu envie de leur demander : quels sont les sujets qui vous intéressent ? On voyait qu’ils avaient envie de parler de sexualité et, en même temps, le simple fait de l’énoncer était difficile. »
S. R. : « Ce que veut dire avoir du désir, le plaisir… ce sont des questions qu’on s’est toujours posées. Ici, ils peuvent arriver avec des questions et échanger avec des vrais êtres humains, à qui on peut soumettre des inquiétudes, etc. Nous ne sommes pas des centres PMS et nous ne sommes pas sexologues ou gynécos. Nous nous sommes simplement formés à l’Évras via la Fédération des centres pluralistes de planning familial (FCPPF). L’idée n’est pas d’apporter des réponses toutes faites, mais d’offrir un cadre où ces questions peuvent être posées, discutées. Et de recentrer la discussion vers leurs problématiques, le tout, accompagnés d’expert·es. Donc, nous, on s’éduque en même temps. Les discussions seront accompagnées par une sexologue car il y a tout de même des questions auxquelles il est important de faire face. Notamment sur le consentement, la violence, les bonnes pratiques, l’éducation. Sur ce dernier point, on est plus ou moins tous et toutes au courant des risques et de la question médicalisante de la sexualité (IST, contraception, etc.). De notre point de vue, il y a largement assez de choses qui sont faites là-dessus. Peut-être même trop et cela crée de l’inquiétude autour de la sexualité, la rend flippante et fait l’impasse sur le désir et le plaisir, qui sont quand même la base de pourquoi on fait l’amour. »
G. D. C. : « Ce qu’on veut faire, c’est voir comment sortir d’un cycle de tables de discussion-atelier créatif en sachant comment entamer un dialogue. Que ce soit avec un pote ou en famille ou avec son/sa partenaire. Comment on est outillé pour aborder la sexualité différemment. »
S. R. : « De ne pas être embarrassé à poser des questions. »

Pouvoir identifier ces questions, cela ne doit pas toujours être évident ?
S. R :
« Tout à fait. En plus, on est dans un monde qui bouge énormément. Il y a toutes les thématiques queer, d’identités de genres… qui existent aussi et dont on ne parlait pas quand nous, on était ados. Il y avait déjà la question de l’orientation sexuelle, mais c’était beaucoup moins précis qu’aujourd’hui. Beaucoup de gens sont largués par rapport à cela. »

Qui ça ? Les jeunes ? Les parents ? Les profs ?
G. D. C. :
« Même nous ! C’est pour cela qu’on fonctionne en intelligence collective. Pour installer un cadre horizontal où tout le monde apprend de tout le monde. »
S. R. : « Il y a certaines thématiques sur lesquelles les jeunes sont bien plus au taquet que nous. Par exemple, sur toutes les questions d’identités. Ils nous reprennent même en disant : ‘On ne dit pas ça comme ça’. Et on leur dit ‘Ah, oui, pardon, sorry’ et c’est super. C’est exactement ce qu’on recherche : qu’on apprenne tou·tes des expériences des autres de manière sincère. »

Ça se passe où ?
G. D. C. :
« Ça va se passer à la Maison de la francité, à Bruxelles, là où on se retrouve avec les ambassadeurs. »
S. R. : « Mais ce n’est pas un atelier ouvert, on va s’adresser à une douzaine de jeunes. C’est un projet-pilote pour le moment. C’est très chouette qu’on en parle car c’est important de montrer qu’il y a de la place pour ce genre d’initiatives. De se saisir de l’opportunité de faire sortir ce genre de trucs. »
G. D. C. : « Nous aimerions proposer deux autres cycles en 2023. Et on aimerait que ça continue par la suite… mais sous quelle forme ? Le rêve ultime serait de faire des petits. Que ces jeunes qui ont vécu des cycles de tables de discussion soient eux aussi à même d’engager des cycles. En fait, c’est de l’open source. »

Vous avez donc déjà organisé une première table de discussion ?
S. R. :
« On a plutôt tâté le terrain et essayé de dégager avec les jeunes gens les thématiques qui les intéresseraient : les questions d’identités, de consentement, d’inceste, comment être en couple, les relations toxiques, le plaisir, la solitude, la masturbation, le polyamour, la dépendance affective, la drague… »

Vous pensez que c’est possible de parler à bâtons rompus de ces thématiques entre parents et enfants ?
G. D. C. :
« Pas de la même manière que celle qu’on veut développer et c’est pour cela que ça doit l’être. C’est important que les parents et les enfants puissent avoir un espace de discussion. Je comprends effectivement qu’il y a des sujets difficiles à aborder en tant que parents et que chacun a son jardin intime. Mais laisser la possibilité d’avoir un espace de parole ou de discussion est important à mes yeux. Quand je parle d’espace de parole, ça peut être une tante, une cousine avec qui on a une relation privilégiée pour en parler. Plus les personnes sont isolées autour de cette thématique… »
S. R. : « … et plus il y a de dégâts. »
G. D. C. : « Je trouverais cela riche que des tables de discussion comme celles-là existent aussi pour les adultes, pour les parents. »

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