Santé et bien-être

Le sexe sur la place publique

La maman d’Alice, 8 ans, et Matthias, 11 ans

Léa : « Nous n’en sommes pas au sexe encore. Matthias est très pudique, nous aussi. Mais la porte est toujours ouverte pour parler. Il commence à se poser des questions. Il nous a demandé tout à trac ce qu’était la masturbation. Son père a très bien réagi : le premier élan était de reporter la discussion, puis il s’est dit que nous pouvions évoquer la question devant sa sœur aussi, qui n’a, d’ailleurs, pas bronché. Il n’a pas tenu à dire pourquoi il posait cette question. Je n’ai pas insisté. J’essaie d’avoir un œil sur ce qu’il fait sur internet, d’éviter qu’il tombe sur d’éventuelles images choquantes, mais je n’ai pas installé de contrôle parental.
Dans son école, Matthias a reçu la fameuse brochure Jongeren Gids qui aborde la sexualité et renseigne le site Alles over seks. Tout est très bien fait, mais je m’interroge sur l’opportunité de montrer des images si explicites à des pré-ados. C’est un peu tôt pour parler cunnilingus, sodomie, etc. C’est dommage et un peu triste que le sexe soit détaché d’une évocation des sentiments, banalisé. L’information n’est pas hiérarchisée : comment choisir une école secondaire, comment parler argent de poche, comment faire une fellation, tout cela sur le même plan ? Bof… En tous cas, il n’a rien dit, il n’y a pas eu de retour.
Nous n’avons pas été éduqués à parler de toutes ces choses. C’était très traditionnel, exagérément coincé, la notion de plaisir était occultée. Je voudrais que, pour nos enfants, les choses soient différentes. La communication, on y tient, mais on ne force pas non plus. »

Le papa d’Anastasia, 13 ans, Nina, 24 ans, et Raphaël, 27 ans

John : « L’école que nous avions choisie a été une alliée, elle expliquait beaucoup de choses. À l'âge de 5 ans, on leur parle des différences entre les corps des filles et ceux des garçons. Vers 12-13 ans, dans le secondaire, le planning familial est invité… Personnellement, je n'ai jamais parlé sexualité avec eux, mais je n'ai jamais évité le sujet non plus.
Lorsqu’il a été question de recevoir ou non les amoureux à dormir, j'ai refusé la première fois, parce que Sophie était à l'étranger et je ne voulais pas qu’Anastasia se retrouve le lendemain matin face à un garçon qu'elle n'avait jamais rencontré. J'ai expliqué à Nina que nous n’étions pas contre le principe, mais que ce n'était pas un hôtel non plus et qu’il n’était pas question d’arriver ni vu ni connu la première fois, à minuit. Il fallait des présentations, un repas à table… Sa réaction ? Des cris d'horreur, c’était ‘inenvisageable’, ‘il n’oserait jamais’, etc. Puis, finalement, cela s'est fait en douceur. En ce qui nous concerne, il n’y avait aucun tabou à rester dormir l’un chez l'autre pour nos parents, mais nos grands-parents auraient été consternés ! »

Et le Ligueur, il en pense quoi ?

Parler sexualité avec ses enfants ? Les parents freinent, c’est normal, il n’y a pas de mode d’emploi. Dans cette sphère affective, ne surtout pas se laisser aller à la panique. À méditer, ces conseils donnés par notre psy : ouvrir déjà le dialogue avec les enfants quand ils sont encore petits, y revenir régulièrement et l’adapter à chaque âge. Pas de tabous, qu’ils puissent s’ouvrir à vous en cas de besoin. C’est dur ? Trouvez des adjuvants. Souvenez-vous, ces BD rigolotes qui initient à la sexualité comme le Guide du zizi sexuel. Dans le même esprit, utilisez vos moteurs de recherche, découvrez les sites qui répondent aux questions de vos jeunes et véhiculent les mêmes valeurs que les vôtres. En voici un, déniché par la rédaction : educationsensuelle.com. À vous de jouer !



A. K.

L’avis de l’expert 

Cécile Wallemacq, psychologue : « Partir des questions de l’enfant »

Pour ne pas se retrouver un jour confrontés à l’immensité de la tâche, je recommanderais d’évoquer la sexualité avec eux le plus tôt possible. Les questions que se posent les petits sont simples, les réponses à apporter aussi : il y a moyen d’utiliser des métaphores, des images. Le plus important est qu’ils apprennent à s’écouter, à sentir quand une situation les dérange. Ils doivent apprendre à dire non, être capables d’écarter ce qui les menace, s’autoriser à exprimer avec détermination qu’ils ressentent un malaise. La priorité, c’est éduquer les enfants à la relation, avec eux-mêmes d’abord, avec l’autre ensuite. Il sera bien temps d’y adjoindre des éléments techniques plus tard.
L’idéal, c’est de partir du questionnement de l’enfant : lui demander ce qu’il voudrait savoir, ce qu’il ressent quand il en parle, reformuler pour mieux comprendre. On est parfois à des kilomètres de sa principale préoccupation ! Par exemple, cette question classique : « Comment on fait les bébés ?». On pourrait entrer dans des explications techniques, alors qu’il se demande simplement comment on tombe amoureux ! Pour bien l’accompagner, il ne faut le précéder que d’un pas…
Quand vient l’adolescence, les questions sont perçues différemment, elles prennent une toute autre dimension, risquant de toucher plus directement la pudeur des parents. Parler sexe, c’est se dévoiler un peu et face à ses propres enfants, ça remue. Cela peut paraître incestueux, il peut y avoir des craintes de créer de l’excitation ou de susciter chez l’enfant un intérêt ou des curiosités, de lui « mettre des idées dans la tête » alors qu’il ne serait pas encore prêt.
Et la pornographie sur internet ? Informez-vous pour savoir un peu de quoi il s’agit. Sinon, ce serait comme habiter près d’un bois et ne jamais y mettre les pieds, alors que vos enfants le traversent quotidiennement. Mais rassurez-vous aussi : j’entends les jeunes… L’école joue son rôle, elle les informe bien. Ils sont plutôt conscients que le porno, c’est du cinéma…

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