Vie pratique

Les grands-parents en forme

Ils sont partout, sauf chez eux. On les entend arriver à des kilomètres à la ronde. Ils courent. Ils vont à toute vitesse. Ils ont des histoires d’amour, leurs cœurs battent encore plus qu’à 20 ans. Le temps n’a aucune prise sur eux et lorsqu’ils y pensent, c’est pour se dire qu’il faut vite le remplir. On les aime, ces grands-parents en pleine forme, ils sont inédits, imprévisibles, et il n’est pas rare lorsqu’on les appelle pour les enfants, qu’ils se trouvent à l’autre bout du monde.

les grands-parents les petits-enfants

Mieux vaut s’accrocher pour les attraper, ces jeunes de plus de 60 ans. Il s’agit peut-être de la première génération qui refuse de vieillir. Pourquoi ? Ils ont incarné la jeunesse aux yeux du monde et ont écopé de l’éternité en échange. À côté d’eux, les nouveaux parents paraissent fanés. Pas toujours facile de croître lorsque l’on est noyé dans une fontaine de jouvence.

Thierry : « Quand je suis loin… »

Thierry incarne cette génération à merveille. Séparé. Remarié puis de nouveau seul, le jeune homme de 65 ans ne répond qu’à un engagement : celui de la route. « Il me reste très peu de temps pour voir ou revoir le monde. Je pars plusieurs mois, seul, sans voir ma famille et ça me culpabilise de ne pas voir grandir mes petits-enfants. Je suis navré quand j’apprends que mes enfants doivent se débrouiller seuls pendant les vacances, par exemple, alors que je devrais être là pour eux. Mon fils m’a toujours dit qu’il préférait me voir épanoui plutôt que taciturne dans un petit lotissement à regarder Julien Lepers en attendant sagement qu’ils me fassent signe. Je me force à ne pas penser à eux quand je suis loin. Et dès que je peux leur faire des surprises, je n’hésite pas. Pour l’anniversaire du plus grand qui a 11 ans, je suis venu à son école déguisé en lapin. Ses copains n’en revenaient pas. Lui, j’ai l’impression que ça ne l’a pas trop fait rire… »

Martine : « Pas une priorité »

Martine, diététicienne a toujours fait primer ses convictions avant toute chose. « J’ai élevé mes deux filles avec une discipline de fer concernant l’alimentation. Elles m’en ont souvent voulu au moment de leur adolescence et aujourd’hui, elles appliquent mes préceptes à la lettre. Idem en ce qui concerne mes histoires de cœur. Elles savent très bien que je fonctionne à la passion et qu’il est hors de question que je m’enferme dans quoi que ce soit. Je suis d’une génération forgée sur un idéal. Si certains ont du faire des concessions pour des raisons financières ou familiales, aujourd’hui, ils vivent en paix avec leurs convictions. Ça ne nous empêche pas d’aimer nos petits-enfants, mais c’est vrai qu’ils ne sont pas une priorité. Je privilégie les moments forts à la routine qui tue à petit feu. Même l’amour d’une grand-mère. »

Charly : « C’est quoi un grand-parent ? »

Hélas, tous n’ont pas cette santé de fer. Charly, 9 ans, nous parle avec beaucoup de détachement de son grand-père frappé par la maladie d’Alzheimer. « Je ne l’ai jamais vraiment connu. Les plus vieux souvenirs que j’ai de lui sont ceux d’un monsieur qui me demandait tout le temps de lui répéter mon prénom. Aujourd’hui, il est alité et c’est vrai que je me dis jamais : ‘Chouette, je vais voir mon grand-père’. J’ai d’autres grands-parents dont je ne suis pas proche du tout. Est-ce que ça me manque ? Pas vraiment. »



Yves-Marie Vilain-Lepage

L’avis de notre experte

« Vous n’êtes pas assez vieux ! »

Vous vivez pour vous. Vous permettez de désamorcer une idée toute faite comme quoi la retraite est une mort sociale. Vous êtes la preuve vivante que non. La société des loisirs, vous êtes en plein dedans. Elle est censée mettre en avant la liberté de chacun. Ce qui est paradoxal, c’est qu’à l’heure ou l’on évoque la famille individualiste, on vous reproche votre égoïsme. Cela dépend du ressenti de chacun. Mais avec l’allongement de l’espérance de vie, on n’est pas vieux au même âge que les générations précédentes. Dès lors, on peut se demander si vous n’êtes pas trop jeunes pour être grands-parents. Un déclencheur viendra peut-être plus tard. Vous ne vous faites plus appeler ‘pépé’ où ’mémé’ et souvent il y a toute une recherche pour trouver votre petit nom. Vous vous construisez ainsi un rôle sur mesure de façon à trouver une place. Tout l’enjeu est à la mesure du symbole : arriver à personnaliser votre fonction, sans renoncer à votre vécu.

Ils osent le dire !

  • Dommage que le mot « simplicité » ne fasse pas partie de votre vocabulaire. Vous ne nous avez pas éduqués comme ça, pourtant !
  • C’est intrigant d’avoir l’impression d’être plus mature que ses propres parents.
  • Mais bien sûr, c’est tout à fait naturel que vos histoires de cœur passent avant nos enfants !
  • Tiens, ça va ? Quoi ? Tu es encore à découvert !

Parents, autant savoir 

Réjouissez-vous de ces grands-parents en pleine forme et des limites qu’ils repoussent. Tout simplement parce qu’ils renversent l’idée odieuse avec laquelle évolue, notre société, comme quoi les plus âgés n’ont pas de possibilité d’agir. Ils ont rejeté les modèles éducatifs de l’époque pour créer une parentalité basée sur l’écoute. Ils ont abrogé les despotismes patriarcaux pour mettre en place un esprit familial démocratique. Avec plus ou moins de succès. Normal que le contexte social évolue lui aussi. Mais ça n’empêche pas ces grands-parents en pleine forme d’avoir un certain impact sur leurs petits-enfants. Ils les accompagneront jusqu’à l’âge adulte, avec cette même écoute et cette sollicitude qui peut leur faire jouer un rôle de soutien pour vos enfants…et pour vous. Souhaitez-leur donc bon voyage et beaucoup d’enrichissement, car vous en récolterez sûrement les fruits !

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