Vie pratique

Vous aimeriez voir davantage vos petits-enfants, mais on vous met à distance. Gentiment, mais fermement, la plupart du temps, plus violemment parfois. Définitivement dans certains cas. Quelle qu’en soit la raison - vos enfants se sont expatriés, votre fils a divorcé, vous vous êtes bouffé le nez avec votre belle-fille ou votre gendre - cet éloignement est douloureux. Comment raccommoder ce qui est presque rompu ? Tranches de vie avec des grands-parents qui ont finalement trouvé la juste distance !
► Lily, 62 ans
LA RUPTURE ENTRE MON FILS ET SA COMPAGNE A ÉTÉ RUDE. DEPUIS, IL VOIT RAREMENT SES ENFANTS.
ET MOI, ENCORE PLUS RAREMENT MES PETITS-ENFANTS.
Pierrette, 65 ans, compatissante
Une séparation, c’est un vrai séisme pour les grands-parents aussi. Outre la souffrance de voir s’écrouler le projet de ses enfants, on est nombreux à perdre de vue nos petits-enfants à ce moment-là. Moi, je ne les ai plus vus pendant presque un an. Ma belle-fille était retournée chez ses parents qui habitent très loin de chez nous.
Danny, 71 ans, optimiste
Tôt ou tard, les choses s’apaisent et les rencontres reprennent vie. Mais la relation mère-fille pèse dans la balance. J’ai observé que la grand-mère maternelle voyait et voit encore en moyenne nettement plus souvent les petits-enfants que moi. Ce n’est pas pour ça qu’on ne peut pas maintenir au moins un contact téléphonique !
Josiane, 65 ans, au sang chaud
Moi, je le reconnais, au moment du divorce de mon fils, j’ai perdu mon sang-froid. J’ai pris clairement parti pour lui et ma belle-fille m’en a voulu. J’étais tellement bouleversée… Aujourd’hui, si je devais me retrouver dans la même situation, j’agirais tout autrement. Je m’appliquerais à rester neutre dans le conflit qui les oppose, c’est le meilleur moyen pour garder le contact et éviter une rupture.
Benoît, 61 ans, au-dessus de la mêlée
Je m’échine à répéter à ma femme que se disputer avec son ex-belle-fille ne peut la conduire qu’à la catastrophe. Elle a l'impression qu’elle monte nos petits-enfants contre leur père ainsi que contre nous. C’est possible, la séparation est encore fraîche et l’amertume est là. Une seule règle : ignorer les ragots et les insinuations. Et faire confiance à l’attachement que nous portent nos petits-enfants.
Étienne, 57 ans, circonspect
J’ai un ami qui n’a pas supporté d’être privé de ses petits-enfants par sa fille et qui a fait appel à la justice pour obtenir un droit de visite (ndlr : lire en page 26). L’affaire est compliquée : il lui avait fait un prêt pour l’achat d’un appartement qu’elle a, un jour, tout bonnement refusé de rembourser, refus accompagné d’insultes et d’interdiction de voir ses petits-fils. Bien sûr, en tant que grands-parents, vous avez des droits qu’il est légitime de faire valoir. Mais le recours juridique est-il une bonne idée ?
Dounia, 67 ans, le pour et le contre
Avant de se tourner vers la justice, il faut peut-être se demander : « Est-ce que j’agis pour moi ou pour le bien de mes petits-enfants ? ».
Lise, 59 ans, clairvoyante
Vous décrivez des cas extrêmes où la rupture est consommée. Mais beaucoup d’entre nous sont conscients de devoir faire attention à la place qu’ils prennent, sachant qu’une des mesures de rétorsion qui leur pend au nez est de ne plus voir aussi souvent leurs petits-enfants.
Loïc, 61 ans, loin des yeux, loin du cœur
On vit à 13 000 kilomètres de nos deux petits-enfants et nous n’avons pas d’ordinateur. Autant dire que c’est compliqué de voir Stan et Andy. Le compte est facile à faire : on revient une seule fois par an et les petits ont 6 et 4 ans. Donc, nous avons vu Stan six fois et Andy quatre fois. Ils savent que nous existons mais il n’y a pas vraiment de lien entre nous. On corrigera ça plus tard.
Anne, 61 ans, mesure ses élans
Ma fille me parle souvent de la mère de sa copine qui est envahissante. Elle va jusqu’à monter des stratagèmes pour pouvoir voir ses petites-filles. Pas étonnants que les parents ruent dans les brancards, il ne faut quand même pas les prendre pour des idiots ! Derrière cette anecdote que ma fille me raconte sur un ton apparemment badin, j’entends la mise en garde… et je me retiens de l’appeler ou de trop souvent passer chez elle.
Yvan, 75 ans, chacun à sa place
Il y a des situations où les grands-parents sont entraînés malgré eux dans la rupture : séparation, exil, etc. Pour le reste, évitons de tomber dans les disputes bébêtes au quotidien. Nos enfants ne font pas les choses comme nous ? Leur manière de vivre ne correspond pas à la nôtre ? C’est leur droit, pourvu que les petits-enfants ne soient pas mis en situation de danger.
Sofia, 62 ans, débutante
Devenir grand-mère, c’est tout un apprentissage qui passe d’abord par reconnaître que nos enfants sont devenus parents. Ça a l’air tout simple, mais admettre ce qui est une évidence reste pour moi compliqué. Sans doute parce qu’elle me demande de lâcher prise, d’accepter que je ne suis plus aux commandes. Je fais donc très attention à respecter le périmètre de mon fils, ce nouveau papa, et de ma belle-fille dans la foulée. Le meilleur moyen pour éviter des prises de bec qui dégénèrent.
Sylvie, 58 ans, en plein cauchemar
Une bête histoire de famille a dégénéré et mon fils ne veut plus entendre parler de nous. La seule solution pour voir les petits-enfants est un passage par la justice. On est en pleine procédure et c’est juste horrible.
Jacques, 70 ans, à distance
Chacun a sa place et chacun a son rôle. Nous sommes là pour profiter de nos petits-enfants en jouant, en écoutant, en leur racontant des histoires. Certainement pas pour intervenir dans les questions d'éducation. La gosse hurle parce qu’elle veut un énième biscuit et votre fille obtempère ? On peut toujours se risquer à en discuter, et encore… mais comme me dit mon fils : « Jamais de négociation » !
Mylène, 35 ans
Je souhaiterais dire à tous les grands-parents d'éviter les petits mots qui font mal : critiquer leurs petits-enfants, les comparer à d’autres enfants de la famille, montrer du doigt l’éducation qu’on leur donne, remettre en cause un des parents, de préférence celui de l’autre bord… Et à tous les parents, de ne pas considérer les grands-parents comme un S.O.S. dépannage. Une question de respect qui préviendrait bien des ruptures.
M. K.
Help !
Établir un contrat
La psychologue Anne Paravy propose aux grands-parents qui tâtonnent pour trouver leur place par rapport à leurs enfants et petits-enfants d’établir verbalement un contrat qui respecte les besoins de chacun et qui peut se modifier suivant les circonstances.
Une bonne formule selon Louise, 38 ans, qui depuis qu’elle l’a adoptée, voit davantage sa mère qui vient tous les deux mois passer trois ou quatre jours avec elle et ses enfants. « Là, elle se transforme en vraie mamie à temps complet, elle est disponible, de bonne humeur, les enfants l’attendent comme le messie ! Chacun est à sa place, dans un temps donné, le contrat est clair. »
À lire
I love ma grand-mère, d’Éric Donfu, aux Éditions Prisma. Un recueil de lettres écrites par des petits-enfants à leurs grands-mères.