Vie pratique

Quelle place pour chacun dans une maison, un appartement ? Comment organiser l’espace pour qu’enfants et parents se sentent chez soi ? Entretiens croisés entre spécialistes de l’intérieur et psychologues.
Vivre en famille, sous un même toit, ce n’est pas tous les jours le bonheur. Cela implique de partager des espaces, d’établir des règles communes, de faire des compromis. Mais cela suppose aussi que chacun trouve un lieu pour soi. Pour se retirer, pour jouer ou pour souffler. Les petits comme les grands.
Il y a la chambre, bien sûr. Mais pas seulement. Le salon, la cuisine se transforment parfois en salles de jeux. Il arrive que l’espace des uns empiète sur l’espace des autres et l’harmonie domestique est alors mise à mal. Certes, « parler-communiquer-être à l'écoute » est le triptyque sacré censé faciliter la vie. Mais cela suffit-il vraiment ? La gestion de l'espace, en maison ou en appartement, joue un rôle important. Si certains ont tendance à négliger cette dimension, d'autres estiment qu'elle est essentielle. Car derrière les aménagements concrets, la décoration, le mobilier, c'est bien le « vivre ensemble » qu'on tente d'agencer.
Sandrine Devos, architecte d'intérieur : « Imaginer des espaces durables et évolutifs »
« La couleur peut permettre de travailler le volume, affirme Sandrine Devos. Mais elle influence aussi l'être humain. Les couleurs chaudes, comme le rouge, sont des couleurs d'extraversion. Mais dans la chambre des enfants, il faut respecter le choix individuel. Si un enfant très tonique veut du rouge, je dirai : ‘OK pour le rouge, mais peut-être pas devant le bureau'. Il pourra peut-être s'agir d'une pastille rouge au bout du lit. L’aménagement de l’espace est un enjeu essentiel au fonctionnement de la famille. Si on n'y pense pas, cela peut générer des conflits, des tensions. Souvent, lorsqu'on fonde une famille, on ne pense pas à l'avenir. On change tout pour les petits. Puis les espaces deviennent étriqués, on ne pense pas aux ados en devenir. Il faut imaginer des espaces durables et évolutifs. »
La durabilité et la simplicité sont les maîtres-mots de cette apôtre de l'épure : « Les gens s'encombrent, comblent le vide. Je dis qu'il faut des zones de vide, de souffle, pour mettre en valeur ce qu'on apprécie le plus. Pour les enfants, j'insiste sur le fait que le mobilier dans une chambre de bébé - à part le lit cage - doit être bon pour un jeune de 18 ans. Les couleurs, les accessoires peuvent changer en fonction de l'âge, mais la structure doit être durable. Ces questions sont loin d'être insolubles, même pour les petits budgets, à condition d'être créatif et en réfléchissant bien à ce qu'on fait. »
Karima Méliani, psychologue : « Ne pas déborder sur l’espace de l’autre »
Les architectes d'intérieur sont convaincus de l'importance de l'aménagement des espaces. Logique ! Chez certains psychologues, l'avis est plus nuancé. Karima Méliani porte un regard sévère sur les coachs d'intérieur, surtout accessibles à ceux qui ont des ressources. À ses yeux, cela fait partie des modes qui ne sont pas forcément nécessaires.
« Je ne nie pas l'importance de la gestion de l'espace - distinguer son espace propre de l'espace d'autrui, dès les premiers mois, c'est fondamental - mais il suffit d'un peu de bon sens, de dialogue et d'ouverture pour s’en sortir sans intervenant extérieur. D’autre part, d’accord pour organiser, dans une maison un espace viable pour tout le monde, mais je regrette qu'une certaine hiérarchie se perde. Dans certaines familles, tout le monde déborde sur l'espace de l'autre. C'est aux parents alors de mettre le cadre afin que chacun respecte les espaces de l’autre, l'expression de la sphère privée sans laisser faire tout et n'importe quoi. »
Quand l'espace est réduit et que les parents n'ont pas les moyens de vivre dans une grande maison, alors il devient nécessaire de recourir à des « aménagements pratiques », Les parents peuvent définir des zones en choisissant des objets qui appartiennent à tel ou tel enfant. Une armoire, par exemple, peut devenir l’espace d'un ado. Il pourra l'agencer comme il le souhaite, avec ses affaires, dans le respect des règles discutées auparavant.
Cette idée est partagée par Véronique Lebe, psychothérapeute également : « Quand la place manque, le dialogue peut permettre de dépasser les tensions. Pour moi, l'aménagement n'a pas beaucoup d'importance. La couleur des murs, la taille de la chambre, le mobilier, ce n'est pas essentiel. Ce qui compte pour le développement de l’enfant, c’est qu’on l’écoute. »
C. V
LA CHAMBRE D’ENFANT EN PRATIQUE
- À partir de 7 ou 8 ans, l’idéal est que chaque enfant ait sa chambre. Mais ce n’est pas toujours possible. Il faut alors zoner la chambre en posant de légères cloisons ou mettre des tentures. Et surtout établir des règles discutées avec les enfants pour qu'ils respectent l'espace de l'autre.
- Pour délimiter l'espace pour que chacun ait son territoire, une frise sur le mur, des stickers ou une couleur peuvent suffire.
- Le mobilier de la chambre doit être adapté à la taille de l'enfant.
- Mieux vaut ne pas mettre le lit et le bureau dos à la porte d'entrée pour ne pas susciter, chez l’enfant, un sentiment d'insécurité.
- Imaginer des plages horaires pour laisser de l'espace et de l'autonomie à son enfant est une autre manière de faire. Car le temps qu'on s'accorde à soi-même et qu'on lui accorde est plus important que l'espace.
- À partir de 10 ans, l’enfant aime afficher des écriteaux qui portent une interdiction d’entrer. C’est sa manière de rappeler que sa chambre est son espace privé. À respecter !