Développement de l'enfant

Il était malade, c'est vrai. Mais personne n'imaginait qu'il partirait tout à coup très vite. Bien sûr, les parents sont très affectés. Comment, alors, en parler aux petits-enfants ? A-t-on le droit de pleurer devant eux ? Faut-il les emmener dire au revoir à papy ? Doivent-ils être présents à l'enterrement ? Ne vaudrait-il pas mieux les laisser chez leur marraine ? Toutes ces questions, alors qu'on a soi-même l'émotion au bord des yeux…
À l’occasion d’un décès dans la famille, on entend parfois les adultes dire qu'il faut absolument protéger les enfants. Les protéger de quoi ? De nos émotions à nous ? De nos propres questions ? De nos peurs personnelles ? Ce n'est pas mal d'être triste et de pleurer. Ce n'est pas mal de se poser des questions. On ne protège pas les enfants en les tenant à l'écart ou en ne leur dévoilant qu’une infime part de la vérité.
Les petits ont besoin de mots
Les enfants les plus jeunes ont un rapport simple à la mort. Les questions qu'ils posent sont généralement très concrètes, ce qui peut nous désarçonner, nous, les adultes. Quel que soit leur âge, il faut leur répondre, avec des mots qu'ils comprennent et de la manière la plus juste possible. « Non, Papy ne reviendra plus, il est mort. Oui, c'est un départ définitif. Oui, nous sommes tristes… »
Ce n'est pas la peine d'aller au devant de leurs questions, mais il faut être attentifs à ce qu’ils disent. Et prendre le temps de répondre, pas de reporter nos réponses à un « plus tard » qui ne viendra peut-être pas. Avant 5-6 ans, les enfants n'ont pas la notion de l'irréversibilité de la mort. Pour eux, il y a un retour possible un jour. Il suffit d'être patient.
Pour les plus grands, c'est différent. Le départ du grand-père peut raviver de vieilles angoisses de séparation ou d'abandon. Les difficultés d'endormissement réapparaissent, les réveils nocturnes sont plus fréquents, les maux de ventre du dimanche soir aussi. Ils ont besoin d'être rassurés quant à la bonne santé de leurs parents et des autres adultes proches : les parrains et marraines, les oncles et tantes, les amis de la famille... Et plus tard, quand ils seront ados, ils auront encore besoin de ce réconfort, même s'ils le manifesteront autrement que les plus jeunes.
À chacun sa théorie sur l’après
Autour de la dépouille de leur papy, les enfants vont avoir des attitudes très différentes en fonction de leur âge, mais aussi en fonction de ce que nous leur aurons dit. Il faudra par exemple les prévenir que Papy ne répondra plus à leur bonjour. Nous pouvons leur parler de notre tristesse : les grandes personnes aussi peuvent pleurer et ce n'est pas grave de pleurer.
Chaque famille, en fonction de son histoire, de ses liens, de son habitude - ou pas - de communiquer, peut trouver sa voie. Par exemple, cette famille qui, à la mort du grand-père, a proposé que tous les cousins se retrouvent, tous ensemble, lors de la première soirée de visite au funérarium.
Les petits n'ont pas du tout été impressionnés. Ils ont constaté que la vie avait quitté le corps de leur grand-père, qu'il était tout froid et parfaitement immobile. Ce n'était plus lui. Il avait quitté son corps. Les enfants d'une dizaine d'années se sont tenus un peu à l'écart, nettement plus impressionnés, plus émus aussi, conscients de l'aspect définitif de ce départ. Et les ados sont restés à l'entrée de la pièce, des larmes plein les yeux.
Et puis, il y a toutes les questions sur l'après : « Que se passe-t-il après ? Que devient-on ? Où donc est passée la vie de Papy ? ». Bien compliqué de répondre à ces questions ! Il y a toutes sortes de croyances à ce sujet. Ainsi, certains croient à une autre vie après la mort, à un autre monde ; d'autres croient qu'après cette vie-ci, on revient sous une autre forme ou pour une autre vie.
Bien souvent, les petits enfants ont leurs propres théories à ce sujet. Écoutons-les, sauf si elles sont trop perturbantes ou terrifiantes, genre fantômes, monstres ou autres morts-vivants. Il faut alors leur expliquer que les monstres et compagnie, cela n'existe pas, que ce sont des inventions pour jouer à se faire peur. Les théories des enfants, de même que nos hypothèses et croyances, sont une tentative de réponse à ce mystère qu'est la mort. On peut décrire le phénomène « mort » et les petits enfants le font très bien : « Papy est tout froid, tout vide... », mais impossible de décrire ce qui se passe, ce qui se vit à ce moment pour celui qui s'en va.
Les rituels ont du bon
Nous vivons dans une société où l’on a repoussé la mort loin de la vie. Il reste heureusement quelques rituels autour de la mort. Ils sont nécessaires, car ils aident à accepter cette séparation définitive et à passer à une autre manière d'être avec celui qui est parti. Passer au temps du récit est un de ces rituels : « Tu te rappelles quand Papy nous apprenait à rouler à vélo ou quand il nous racontait des histoires de lui à 10 ans... », « Papy n'est plus là, c'est vraiment vrai, mais on peut encore en parler ». Il nous reste tout ce que nous avons partagé avec lui, tout ce qu'il nous a transmis.
Et si, ici aussi, nous avons peur d'être débordés par nos propres émotions, nous pouvons demander l'aide de l’autre grand-parent, d'un oncle, d'un ami, de quelqu'un qui pourra répondre sereinement aux enfants. Mais n'ayons pas peur de nos émotions, elles sont signes de vie !
Mireille Pauluis
EN PRATIQUE
- N'éloignons pas les enfants de la mort de proches.
- N'ayons pas peur de répondre à leurs questions.
- Proposons-leur de dessiner, d'écrire un mot, de mettre un petit souvenir dans le cercueil.
- Sortons les albums-photos pour raconter la vie et raviver les souvenirs.
- Nous-mêmes, nous avons besoin d'être réconfortés pour pouvoir réconforter nos enfants.
AUTANT SAVOIR
À quel âge l’enfant comprend-il la mort ?
- Vers 3-4 ans, les enfants comprennent certains paramètres : le mort ne bouge plus, il est froid…
- Vers 6-7 ans, l’enfant comprend l’irréversibilité de la mort. La personne morte ne reviendra plus, même si on peut lui parler dans sa tête ou dans son cœur.
- À partir de 10 ans, l’enfant assimile l’universalité de la mort, c’est-à-dire que tout le monde va mourir un jour.
Ils en parlent…
Des questions par écrit, les réponses en face
« Lorsque leur grand-père est décédé, mes enfants avaient 8 et 11 ans. Ils sont allés le voir au funérarium, mais n’ont pas assisté à l’inhumation. Je sentais bien que ça les travaillait, alors j’ai pris les devants pour en parler. Devant leurs difficultés à trouver leurs mots ou la façon d’aborder cet événement, je leur ai dit de mettre par écrit tout ce qui leur passait par la tête. Il y avait de simples constats, mais aussi beaucoup de questions. J’ai pris un après-midi pour y répondre, face à eux. Ça les a beaucoup aidés, c’est clair. »
Nathalie, 37 ans, maman d’Antoine, 10 ans, et Maxime, 13 ans
Un mauvais souvenir
« Lorsque ma grand-mère paternelle est morte, j’avais 7 ans. On m’a emmené à son enterrement, mais sans rien m’expliquer. Le seul souvenir que j’ai, c’est qu’il y avait une voiture jaune sur le parking du cimetière. Alors, quand ma belle-mère est décédée, j’ai pris le temps de bien expliquer à ma fille de 6 ans ce qui allait se passer. Elle m’a posé des questions avant et après. Je n’ai pas répondu à tout, mais je sais au moins qu’elle a compris que Mamy Jeanne ne reviendrait pas mais qu’on pouvait encore penser à elle. »
Charles, 43 ans, papa de Lucille