Vie pratique

Un moment de complicité, les devoirs à domicile ? Certains d’entre vous les voient comme une chouette opportunité, d’autres estiment avoir assez donné. Et, puis, au-delà des devoirs, il y a l’école, ce deuxième lieu de vie de vos petits-enfants, dont vous passez parfois aussi la porte, comme lors de cette matinée des grands-parents imaginée par une institutrice…
Il n’en reste pas moins qu’ils sont nombreux, ces moments de complicité avec les petits-enfants. Autour de la table, d’un bon livre, du lit quand ils passent une nuit chez vous ou enfoncés dans le divan face à un bon dessin animé. Ou lors de balades en pleine nature ou dans un parc, lorsque le printemps pointe le bout du nez et que vous avez mille choses à leur raconter sur cette nature qui les fascine bien souvent. De quoi faire oublier les devoirs et leçons parfois pesants !
► Jacqueline, 61 ans, un petit-fils, infirmière retraitée
Mon mari et moi accueillons notre petit-fils le mardi après 16h. Quand vient l’heure des devoirs, mon mari prend toujours la fuite...
Et ce n’est pas plus mal : il est loin d’être pédagogue et il lui arrive de s’énerver sur Matthieu lorsqu’il ne comprend pas, malgré ses explications. Alors, c’est moi qui le guide dans ses devoirs.
Béatrice, femme au foyer, 58 ans
J’ai élevé cinq enfants et j’avais bien l’intention de ne pas m’occuper de mes petits-enfants. Finalement, ma fille et mon beau-fils tiennent un commerce et nous ont demandé de reprendre leur garçon après l’école, car ils ont des horaires très compliqués et n’avaient pas le cœur de le laisser à la garderie. Moi non plus, à vrai dire. Je n’ai pas eu tellement le choix, ce qui m’a pesé alors que je l’adore. Je venais à peine d’avoir mon dernier qui sortait de secondaires et question devoirs, j’ai l’impression de ne pas avoir eu de coupure. Mon petit-fils a des difficultés et je dois trouver des trucs pour le motiver à se mettre au travail.
Serge, pharmacien, 60 ans, dépité
Ma fille m’avait demandé d’entraîner Marie pour sa dictée. Je lui ai fait recopier vingt fois une phrase car elle n’arrivait pas à l’écrire sans faute. Ma fille m’a dit que ce n’était pas une manière de faire !
Élise, grand-mère conteuse, 69 ans, enthousiaste comme à 9 ans
J’adore m’occuper de mes petits-enfants lorsqu’ils font leurs devoirs. La semaine passée, alors que je l’aidais à faire ses devoirs, Mathilde m’a raconté que « C’était la semaine du « i » et que c’est Dimitri, son camarade de classe, qui avait dû aller au tableau pour dessiner un pis (avec s !) de vache, parce qu’il y a beaucoup de « i » dans son prénom et qu’il y a aussi un « i » dans le mot « pis » ». J’avais l’impression d’être dans la classe. Les devoirs, c’est un moment privilégié !
Jean-Paul, ex-journaliste, 62 ans
Je suis séparé et je ne vois ma nouvelle compagne que le week-end. J’ai mes petites-filles trois jours par semaine. Un vrai plaisir. Je vais les chercher à l’école, j’adore les aider dans leurs devoirs, car j’ai un contact particulier avec l’enseignant qui était le chef-louveteau d’un de mes fils. C’est une petite école et on a le temps de parler, quand c’est possible. Je me rends compte qu’avoir un contact avec l’instituteur aide beaucoup dans le suivi scolaire des enfants et, comme grand-père à la pension, j’ai cette chance d’avoir du temps.
Christiane, libraire, 63 ans
Le jeudi, à 16h, je vais chercher mes petits-enfants à la sortie de l’école. Ils sont quatre à la maison. Après le goûter, qui se passe devant les dessins animés, c’est les devoirs pour tous. Chaque enfant a son coin de table et moi, je vais de l’un à l’autre pour aider en cas de difficultés. J’avoue que c’est un très bon moment pour moi !
Colette, ancienne institutrice primaire, 66 ans
Quand mon fils m’a annoncé que lui et son épouse attendaient un bébé, il m’a demandé si j’étais d’accord de le garder deux jours par semaine. J’ai accepté avec joie et, bizarrement, j’ai pensé de suite aux devoirs. À l’âge de mes enfants, j’étais plongée dans le métier et je n’en ai pas vraiment profité. Moi qui ai donné tant de devoirs à tant d’enfants, je me réjouissais de découvrir ceux de mon petit-fils, d’autant que je connais personnellement son institutrice et que nous pouvons avoir des échanges sur ses méthodes. Malheureusement, il y a eu des frictions avec ma belle-fille qui, depuis, préfère s’occuper des devoirs du petit.
Günther, deux petits-enfants de 10 et 12 ans, 87 ans
Ma fille ne cesse de répéter que les grands-parents sont très importants pour le développement des enfants, ce qui me plaît plutôt. Malheureusement, nous vivons à 200 km de nos petits-enfants. Et puis, notre fille et son mari sont des parents âgés ; par conséquent, nous sommes nous-mêmes des grands-parents très âgés de 80 et 87 ans. Mon petit-fils de 12 ans se plaignait des maths, qu’il n’aimait pas du tout et pour lesquelles il avait souvent de mauvaises notes. Ma fille me rappelle souvent que j’ai créé la surprise lorsque j’ai avoué avoir eu, moi aussi, de mauvaises notes en maths, quand j’étais enfant, alors que j’ai fait carrière comme ingénieur de construction mécanique. C’est grâce à une première formation comme serrurier que j’ai compris les maths. Cette simple anecdote les a beaucoup aidés : les parents n’étaient plus désespérés et mon petit-fils a repris confiance en lui.
Robert, informaticien, 55 ans
Sam est dans une école où on ne donne pas de devoirs. Je ne sais pas si c’est une bonne chose ! En tout cas, je sais que j’aurais aimé pouvoir l’aider à les faire ! C’est aussi une manière de se rendre compte de ce que nos petits-enfants font de leurs journées.
Catherine, secrétaire de direction, 61 ans
Je me suis toujours occupée des devoirs de mes enfants ! Par contre, pour les petits-enfants, c’est autre chose : je n’ai plus la patience ! Ils sont les bienvenus à la maison après l’école, mais les devoirs, c’est pour les parents. Quand ils sont là, je préfère profiter de leur présence.
Marc, ancien instituteur, 67 ans, dépassé
C’est toujours moi qui me suis occupé des devoirs de mes enfants. J’ai été instituteur et il était donc évident pour moi de les suivre. Aujourd’hui, il m’arrive d’aider mes petits-enfants lorsqu’ils reviennent à la maison après l’école. Je sens cependant que les choses ont évolué. Ma petite-fille, qui est en 5e primaire, devait faire une élocution sur les dinosaures. Je l’ai aidée pour ses recherches, mais elle m’a scotché en réalisant un super PowerPoint. Elle l’a emporté sur une clé USB pour le projeter sur le tableau blanc interactif de sa classe. Impressionnant !
Élise, maman de Lucas, 45 ans
J’ai un garçon de 16 ans et mon beau-père, néerlandophone, s’était proposé pour l’aider à préparer ses interrogations et faire ses devoirs de néerlandais. Quel ne fut pas notre étonnement de recevoir un mot du prof disant que ce n’était pas rendre service à notre fils de le confier à « Opa » dont le flamand est du patois. Je n’ai jamais osé le dire à mon beau-père !
⇒ À l’école des… Écoles de devoirs
Les écoles de devoirs (EDD) forment un réseau d'aides aux élèves de 6 à 18 ans en Fédération Wallonie-Bruxelles. Rencontre avec Anne-Sophie Locht, de la Fédération francophone.
Y a-t-il des grands-parents parmi vos bénévoles et quels sont leurs atouts pour l’accompagnement aux devoirs ?
Anne-Sophie Locht : « En EDD, nous comptons 50 % de volontaires, dont des grands-parents qui apportent leur soutien à l'apprentissage et participent aux activités ludiques et culturelles. Deux atouts à leur présence : l'échange intergénérationnel, qui apporte un autre regard sur la vie, et la relation avec l'enfant, porte ouverte pour l'accompagner dans ses apprentissages tant scolaires que culturels, sociaux et citoyens. Ni parent, ni enseignant, un grand-parent partage la découverte, sans devoir forcément jouer la carte de l'autorité ou du savoir. »
Est-ce que les grands-parents ne sont pas trop déphasés face aux attentes de l'école d'aujourd'hui ?
A.-S. L. : « Si la manière d'enseigner a changé, accompagner l'enfant n'est pas mission impossible. L'important est de rester ouvert au changement et de prendre le temps de comprendre les devoirs. Rappelons aussi que la pression du devoir n'est pas nécessaire, même si elle est souvent présente. L'important n'est pas de finir le devoir mais que la démarche aide l'enfant à apprendre. Si l'enfant n'a pas compris, dialoguer avec l'enseignant est intéressant. »
Auriez-vous des conseils à donner aux grands-parents qui ont envie d'aider leurs petits-enfants dans leurs devoirs et leçons ?
A.-S. L. : « Nous conseillons :
- de faire une transition entre école et devoirs, une bonne pause (goûter, mandalas, balade) qui détend et relance la concentration.
- de valoriser l'enfant, à partir de ce qu'il sait. En pratique, on peut commencer ou terminer par un devoir qu'il préfère.
- de dédramatiser l'erreur et l'échec, de les voir comme des étapes pour avancer.
- de jouer, car le jeu permet de développer d'autres approches des matières. Et les enfants mettent énormément d'énergie et de créativité dans le jeu. Il en existe qui abordent le vocabulaire, les maths, la géographie, etc.
- de prendre patience pour éviter de mettre la pression. »
Michel Torrekens
Le saviez-vous ?
« ‘L’école’, au sens large, participe de la vie de famille. Lorsqu’un enfant raconte sa journée scolaire, les apprentissages qu’il a faits, la culture et la diversité qu’il a découvertes, cela contribue à la discussion familiale qui s’en trouve enrichie. »
Marcel Rufo, Tu réussiras mieux que moi - Craintes et désirs d’école (Anne Carrière).