Loisirs et culture

Bruits
Marion Bataille (Éditions Thierry Magnier)
Une journée dans la vie de Louis - l'ouïe ? - dont la tête a la forme d'une grande oreille et qui, aujourd'hui en tous cas, ne supporte pas le bruit. Ni en ville, ni au bord de la mer, ni à la campagne. Quant au silence de la forêt, il est sans doute assourdissant car il le met mal à l'aise. De retour chez lui, une surprise l'attend. Et une autre surprise attend le lecteur.
Célèbre avant tout pour ses travaux sur les lettres et les chiffres et pour ses pop-up, Marion Bataille transpose ici un univers sonore en un univers visuel. À partir des bruits qui font tant souffrir Louis, l'artiste crée des onomatopées et avec ces dernières, elle bâtit ses illustrations. En variant les couleurs, les polices de caractères, les dimensions, les angles de vue, les répétitions, elle imprime des rythmes à la cacophonie, construisant même des motifs. À écouter en bruit de fond, grâce aux pages de garde, la respiration paisible de notre Louis, avant ou après le vacarme.
Tout sur les tremblements de terre
Perceval Barrier et Matthieu Sylvander (l'école des loisirs)
Ne vous méprenez pas. Ceci n'est pas un docte ouvrage documentaire, mais un petit bijou de fantaisie mordante signé par deux compères qui n'en sont pas à leur coup d'essai (Rappelez-vous Trois contes cruels qui fut plébiscité par les enfants !). Le cadre : une grande plaine avec une rivière, des cactus et un tipi. C'est là que vivent Tablette Tactile et Aigle Tremblotant. Ce dernier a passé sa vie à compter les tremblements de terre. Il en est à 2 556 761. Et le nombre augmente vite. Or voici que débarque Bob dans son camion. Bob, un promoteur plus blanc que blanc, assez ignare, mais qui ne doute de rien. Les conseils de Tablette Tactile et la sagesse pince sans rire d'Aigle Tremblotant seront-ils suffisants pour que grandisse dans la grande plaine déserte la ville immense que Bob a décidé de construire ?
Ma grand-mère est une terreur
Guillaume Guéraud (Rouergue)
Les grand-mères sont légion dans les romans pour enfants. Mais celle-ci ne ressemble à aucune autre. Comme dit son petit-fils, le seul point commun entre elle et la grand-mère du Petit chaperon rouge, c'est qu'elle vit dans une maison isolée au milieu des bois, dans un endroit paumé que personne ne connaît. Elle a de la suite dans les idées, un énorme pouvoir de persuasion, un sens aigu de la justice et du bien commun… et accessoirement un marteau et une faucille qu'elle garde pour les grandes occasions. Bref, les Autorités qui ont décidé de faire abattre des centaines d'arbres afin de construire une route à travers la forêt n'ont pas mesuré leur imprudence.
Laissez-vous aller dans ce roman où tout est dérision, caricature mais aussi bonhommie et chaleur humaine. Laissez-vous porter par son rythme. En admirant au passage la manière dont l'auteur manie les mots, passant avec aisance du langage oral à la prose poétique.
D'entre les ogres
Baum et Dedieu (Seuil Jeunesse)
Dans une forêt enneigée, un ogre trouve un bébé abandonné. Son ogresse et lui décident de garder l'enfant, une petite fille, qu'ils prénomment Blanche et qu'ils élèvent comme une princesse. En grandissant, Blanche se pose des questions. Genre, pourquoi elle ne mange pas la même chose que ses parents, pourquoi elle ne chasse pas avec eux la nuit et aussi quelle est cette odeur dans la cave ? Pour nous, lecteurs, les réponses semblent évidentes : un ogre reste un ogre tout de même ! Mais quand les nouveaux parents se décident à ramener Blanche au village et que l'ogre est condamné à mort, le doute s'installe en nous : qui est une bonne personne et qui ne l'est pas ?
Un doute qui ne nous quittera plus jusqu'aux dernières pages en forme de coup de théâtre. D'autant moins qu'en reprenant l'album au début, on se dit qu'il n'est tout de même pas très humain d'abandonner un bébé dans une forêt enneigée…
De la terre à la pluie
Christian Lagrange (Seuil Jeunesse)
Rien de fabriqué, de moralisateur ou d'édifiant dans cet album qui évoque le sort des migrants, ces milliers de femmes et d’hommes chassé·e·s de leur pays par la guerre, les persécutions, la pauvreté ou les violences climatiques. Trois femmes d’âges différents marchent vers la mer car le désert avance. Au dessus d’elles, un oiseau semble les guider. Peut-être même qu'il les protège : la sécheresse n’est pas la seule ennemie.
Moulés en terre glaise et photographiés ensuite, les personnages s’inscrivent dans un décor gris et noir réalisé en diverses techniques, où l’ordinateur a sa place. On aurait pu se passer des mots, tant le récit et l’émotion sont dans les images, les décors évocateurs, les jeux entre ombre et lumière, l’utilisation des nuances de gris et dans cet ocre couleur terre s’effaçant sous le noir avant de réapparaître, éclatant, à la dernière page. De la terre à la pluie est un livre qui fait confiance à la vie.
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