Santé et bien-être

« De notre temps, on jouait au docteur. Aujourd’hui, on joue à la partouze ». Provoc ou réalité ? Le préado n’a-t-il pas toujours été attiré par les choses de la sexualité, même si les outils pour l’appréhender ont bien changé ? Jean-Pierre Lebrun, psychiatre, nous parle des conséquences de cette hypersexualisation de la société à portée de mains dans la vie quotidienne des enfants.
Jean-Paul Lebrun : « Pourquoi est-ce que papa et maman ferment la porte de leur chambre ? Pourquoi s’embrassent-ils ? Qu’est-ce qui fait que maman porte des sous-vêtements comme ça ? Avant même qu’il n’atteigne l’adolescence, l’intérêt de l’enfant, son intelligence sont stimulés par la recherche de réponses à une série de questions. Si ces réponses lui tombent toutes cuites et si, en plus, il est attiré vers une excitation d’ordre sexuel là où il n’y en a pas vraiment, l’enfant est dévié de son propre chemin, sabordé dans son parcours qui l’aurait naturellement amené un jour ou l’autre à la sexualité. Comme s’il n’avait plus le droit de trouver son propre rythme. Lui faire du bourrage de crâne trop tôt dans ce domaine risque de l’empêcher de rechercher, de savoir par lui-même… »
Comment ce « saut en avant » dans l’âge adulte se matérialise-t-il sur le développement de l’enfant ?
J.-P. L. : « Il va déjà se trouver investi d’une position d’adulte. C’est un problème beaucoup plus général que la sexualité. Beaucoup de parents, à leur insu, considèrent trop tôt leur enfant comme un sujet à part entière. Et ils en oublient qu’ils doivent assumer une place qui est simplement celle qui fait que c’est à eux de décider pour lui. Certes, interdire certaines choses, ne pas être d’accord fait que ces parents courent le risque d’avoir les enfants sur le dos, de les voir se rebeller. Il faut pourtant qu’ils les protègent de cette banalisation de la sexualité. Il y viendra quand il sera prêt, inutile de le mettre trop tôt dans le coup. »
Construire des digues
Comment le parent peut-il le protéger quand tout est hypersexualisé autour de lui ?
J-P. L. : « Jadis, on mettait l’enfant en garde pour qu’il n’accepte pas de bonbons d’un inconnu dans la rue. Aujourd’hui, avec internet, le monsieur qui propose des bonbons est dans votre living. D’une certaine manière, l’enfant doit faire ses expériences dans tout cela, c’est son histoire à lui. La sexualité, avec la vie et la mort, ne se vit que par rapport à soi-même, on ne vit pas la sexualité du voisin. Toute personne, adulte ou enfant, doit faire face à ses propres interrogations. Le mieux pour le jeune serait de le laisser trouver par lui-même. Et être au bon endroit pour essayer qu’il ne fasse pas d’expériences trop négatives… mais qu’il en fasse malgré tout, de telle sorte qu’il puisse tirer des leçons et avancer. Les exigences pulsionnelles de l’enfant sont normales. Mais c’est tout un travail de lui faire construire des digues qui vont lui permettre à la fois de reconnaître les limites et en même temps de ne pas vouloir les franchir tout de suite. »
Mais depuis 1968, époque de la révolution sexuelle, le parent n’a-t-il pas lui aussi perdu ses balises ?
J.-P. L. : « Les parents n’ont pas eu à renoncer à certaines choses, comment voulez-vous qu’ils amènent leurs enfants à y renoncer ? La dissociation entre la procréation et la jouissance sexuelle depuis les années 1960 a de grandes conséquences. Par exemple, aujourd’hui, vous pouvez penser avoir un enfant de manière programmée. Mais, par ailleurs, vivre pleinement la jouissance sexuelle. Avant, ces deux choses étaient intimement liées. Cela obligeait les hommes et les femmes à ne pas faire n’importe quoi dans le domaine de la sexualité. Aujourd’hui, il y a, d’un côté, la jouissance pour la jouissance qui vous permet de faire ce que vous voulez et, de l’autre, l’enfant programmé, qui doit venir à l’endroit et au moment où on l’attend. Auparavant, si vous risquiez un acte sexuel, vous risquiez d’office une série de choses. Nous ignorons encore ce que toute cette révolution des mœurs va impliquer au niveau psychique. Il faudra attendre la troisième génération pour voir apparaître les premiers effets d’une telle transformation de la société. Mais je suis certain que des garde-fous seront très bientôt mis en place… »
C. V. N.
LA QUESTION
Que lui dire par rapport à la masturbation ?
Il ne suffit pas de dire au préado : « Ces choses-là, tu le fais dans ta chambre ». On peut aller un pas plus loin et lui dire qu’il a mieux à faire. Non pas par souci moral, mais parce que la masturbation est une jouissance auto-érotique continue et qu’il y a plus intéressant que soi-même dans la vie !
WEB
Pour trouver de l’information claire et précise, une bonne adresse : loveattitude.be