Société

Parent pauvre de l’enseignement ordinaire, l’enseignement spécialisé est souvent sur la touche. Coup de sonde auprès de parents et de professionnel·le·s pour cerner les préoccupations de cette rentrée scolaire particulière.
« Une journée d’école compte douze heures pour ma fille, le bus scolaire passe à 6h30 le matin et la dépose à la même heure le soir, je m’inquiète de la reprise de ce rythme soutenu après cinq mois d’absence ». « Mon enfant est sous traitement immunosuppresseur et présente un profil à risque, comment la reprise va-t-elle s’organiser pour lui ? ». « Mon fils nécessite des soins de change, quelles sont les mesures à prendre ? ». Voilà quelques-unes des questions qui taraudent les parents d’enfants qui fréquentent l’enseignement spécialisé en cette période de rentrée scolaire.
Des parents divisés quant à la reprise
Certains y aspirent, d’autres la redoutent. Selon Sophie Dubuisson, directrice de l’école fondamentale spécialisée La Marelle, à Amay, la franche positivité domine. Depuis quelques jours, la directrice ne ménage pas sa monture et appelle tous les parents de ses 173 élèves pour répondre aux éventuelles questions.
« Ils sont majoritairement satisfaits de cette reprise, car, depuis mars, la plupart a gardé ses enfants à la maison. Les parents que j’ai en ligne sont rassurés que leur enfant puisse fréquenter l’école à temps plein, reprendre les cours, avancer dans la matière et retrouver les copains et les copines. Je dirais que ceux qui craignent la reprise représentent entre 10 et 15% de la totalité. Leur crainte repose surtout sur les retours de vacances et certains seraient rassurés de garder encore leur enfant une quinzaine de jours. Pour ceux-là, j’essaye de me montrer rassurante tout en rappelant l’obligation scolaire. »
Transports scolaires et cantines : un vrai problème
Catherine Praillet est directrice de l’école secondaire spécialisée Le Chêneux à Amay et vient de recevoir l’actualisation des circulaires (7689 pour le fondamental, 7690 pour le secondaire, à retrouver sur enseignement.be/circulaires) avec les mesures et recommandations d’usage. « Le concept de bulle-classe est très compliqué à mettre en place, notamment en ce qui concerne l’organisation des repas de midi. Je me renseigne pour louer un chapiteau, car, avec quarante-quatre groupes-classes et un seul réfectoire, le respect des bulles est impossible. Autre pierre d’achoppement : les entrées et sorties d’école. Nous ne pouvons les différer, car 85% de nos élèves arrivent par bus scolaires. C’est le côté surréaliste du système : dans le bus, ils sont environ quarante, toutes classes confondues, et, à leur arrivée dans l’enceinte de l’école, le concept de bulle-classe prend effet ».
Du côté du fondamental, Sophie Dubuisson partage la même préoccupation autour du transport scolaire. « On met tout en œuvre pour que la rentrée se passe le plus normalement possible, mais l’enjeu, pour nous, c’est vraiment de récupérer un maximum d’enfants dans un contexte où le transport scolaire n’est pas organisé par l’école (et dont 80% des élèves dépendent). Les parents sont réticents sur la question des transports ».
Effets post-covid et distanciation physique
À l’école secondaire Claire-d’Assise de Bouge, l’inquiétude porte davantage sur les effets sociaux du confinement sur les élèves. « Tout ce qui concerne les gestes-barrières et mesures d’hygiène est intégré. Ce qui me questionne, c’est vraiment comment accompagner nos élèves qui ont décroché, qui n’ont plus fréquenté l’école depuis des mois et pour qui il va falloir retrouver un rythme, réapprendre à socialiser dans d’autres conditions ? », commente Didier Tierens, le directeur.
Michel Cosyn, directeur à l’école secondaire Jean Bosco de Chastre, attendait également l’actualisation de la circulaire pour se mettre en ordre de marche avec son équipe éducative. « L’enjeu pour cette rentrée va être d’adapter nos mesures à l’entièreté de nos élèves, car, entre mars et juin, le cadre institué était plus simple avec seulement un tiers d’élèves présent. Pour les groupes-classes, c’est relativement simple, là où ça se corse, ce sont tous les à-côtés : repas, accès aux sanitaires, circulation au sein des bâtiments. Avec certain·e·s élèves, le respect des distances va aussi être très problématique ».
À l’IRSA (Institut royal pour sourds et aveugles), la distance physique n’est pas possible à respecter pour tous. C’est d’ailleurs ce qui explique que les écoles de l’IRSA n’aient pas repris en présentiel en mai et juin, comme l’explique Caroline Tyteca, directrice de l’école fondamentale de type 6 et 8. « Dans notre école, l’enseignement est individualisé. C’est extrêmement rare que l’enseignant·e se retrouve face à la classe pour donner cours, vu les handicaps et niveaux différents au sein d’une même classe. Le port du masque est compliqué pour nos élèves, que ce soit du côté du déficit de l’audition ou de la vue. Notre établissement compte une centaine d’élèves réparti·e·s en treize classes, la distance est possible, mais, à nouveau, difficilement applicable dans l’enseignement individualisé. Il va falloir trouver des solutions sur mesure au cas par cas. Je pense aussi à des élèves immunodéficient·e·s, faudrait-il créer une bulle spécifique pour elles et eux ? Là aussi, il faudra se montrer créatif, car je ne dispose pas de personnel en plus ».
Clémentine Rasquin
Questions de parents
► « Mon fils fréquente l’enseignement ordinaire à temps plein et dispose de quatre périodes d’intégration. C’est un partenariat entre son école primaire et une école d’enseignement spécialisé de la région. Grâce à cela, il bénéficie de l’appui d’une logopède, soit en classe, soit en individuel. J’ai peur qu’il ne puisse en bénéficier cette année scolaire. »
Déborah, maman de Thomas, 10 ans, élève en intégration
► « Mon fils fréquente l’enseignement spécialisé de type 2, il souffre d’un retard scolaire sévère. Il est incontinent et nécessite des soins. Autant dire que la distance physique est impossible avec lui, comment les professionnel·le·s vont fonctionner ? »
Jacques, père de Samuel, 12 ans
► « Ma fille ne supporte pas le masque plus de vingt minutes. J’ai peur pour sa rentrée si elle doit le porter dans le bus scolaire pour les déplacements vers et depuis l’école et en classe toute la journée. C’est aussi anxiogène pour elle si les enseignant·e·s le portent en permanence. Comment cela va-t-il s’organiser ? »
Sabrina, maman d’Anna 14 ans, autiste dans l’enseignement spécialisé secondaire