Société

On vous présente un super athlète que nous mettons sur le podium de nos plus belles rencontres : André Schepers, champion assoiffé de records et de performances sportives inédites. Il nous parle de sport unifié, de l’importance de se mélanger. Il retrace son parcours, livre ses conseils et évoque ses défis.
On ne vous présente plus les jeux paralympiques, cette compétition olympique qui rassemble des champions de tous bords, majoritairement handicapés physiques, et mentaux sur trois disciplines. Sur le papier, tout le monde est pour. Mais lorsque l’on voit l’exposition médiatique minuscule de l’évènement dans les grilles de diffusion des châines de télévision, on peut se poser quelques questions.
Quoi de plus normal - rétorquerez-vous - dans une société qui ne parle que de ses champions mâles et bien portants. Les autres ? Quels autres ? Les championnes, par exemple ? C’est moins intéressant. Essayez de citer le prénom d’une de nos footballeuses nationale. Une seule. Allez… Dur, hein ?
Alors, des champions amputés ou présentant une déficience mentale, n’en parlons même pas ! Et pourquoi ne pas regarder ce spectacle en famille pour changer de perspective ? Allons plus loin encore. Pourquoi ne pas ouvrir le club sportif de son petit aux différences. Impossible ? C’est pourtant le rêve d’André Schepers et il nous explique pourquoi.
Un tabou familial
Comme la tradition l’exige pour chaque sportif, présentons l’athlète André Schepers, 42 ans, par son palmarès. Il détient le record européen du 10 000 mètres et du semi-marathon. Il est médaillé d’or du 4 x 100 mètres en 2011 aux Special Olympics d’Athènes, où il a fini également 4e aux épreuves de 1 500 et de 5 000 mètres. Il a aussi terminé sur le podium de sa catégorie à la Lotto Cross Cup. Il ne s’arrête pas de courir, comme pour rattraper des débuts difficiles.
Il n’y a pas une once de regret chez André. Surtout pas quand il évoque son handicap et le fait que sa famille souhaitait le taire. « De 10 à 33 ans, je suis le seul à savoir qu’il y a quelque chose qui cloche, mais on ne met pas de nom dessus. Voilà pourquoi je recommande à chaque parent qui nous lit de ne pas se mentir. Brisez le tabou, mieux vaut savoir tout de suite. Une fois que l’on a le diagnostic, on est tellement soulagé. »
La discipline qui aide le plus André, c’est le sport. « Depuis tout petit, je suis un battant avec ma tête, mes jambes, mais pas mes poings », plaisante t-il. Son père multiplie les expériences sportives pour voir où il sera le plus à l’aise. Aujourd’hui, ces formules se multiplient, il existe même un listing des complexes sportifs dressé par bruxellespourtous.be ou handisport.be qui décrit l’accessibilité selon les types de handicap et favorise les rencontres entres tous les sportifs. Une formule qu’André adore.
« Depuis mes débuts, je cours avec des valides. On ne me met pas sur le côté avec des entraînements spéciaux. Du coup, j’apprends plus. Et je pense que, de leur côté, eux aussi développent des compétences comme le travail d’équipe, la pédagogie. »
Sports unifiés
André se sent comme un poisson dans l’eau au A.C. Lebbekke. Il est motivé par son idole, le coureur de fond belge Vincent Rousseau. « L’accueil que l’on nous réserve dans les clubs est vital. Et j’encourage les parents dont les enfants sont en situation de handicap à en pousser les portes. Il existe plein de choses intéressantes comme le sport unifié qui se joue dans le basket, le football et le volley. On mélange athlètes handicapés et valides. Ces derniers ne peuvent pas scorer. C’est important, c’est comme ça qu’on progresse. »
Ce genre d’initiatives existe dans le club schaerbeekois du Tc Terdelt où les joueurs de tennis jouent en tandem. La salle omnisport Albert Tricot à Laeken est également un espace mixte pour sportifs valides et handicapés. Pour André, c’est l’association Parantee à Gand et surtout les Special Olympics qui lui ont fait faire des pas de géant et lui ont permis d’accéder à un tel niveau. « Ce sont les gens les plus importants que j’ai rencontrés dans ma vie », confie André, enthousiaste.
Mais concrètement, comment surmonter les appréhensions des uns et des autres ? Le champion nous confie un secret très important : « Les gens ‘normaux’ ne devraient pas avoir peur. C’est nous qui avons peur d’eux ». Pour l’heure, les clubs multiplient les expériences, les jeunes adorent, les parents sont émus. Tout le monde s’y retrouve. Chacun d’entre nous peut puiser dans ces Special Olympics une idée ou un enseignement à travers ces rencontres.
Dans chaque série, les lauréats remportent une médaille d’or, d’argent ou de bronze. Les autres reçoivent une médaille de participation pour leur courage et leur détermination. « Mais ils méritent plus que ça, ils méritent votre attention », recommande André. Que peut-on lui souhaiter, à lui qui semble tellement épanoui (comme le souligne sa vidéo ci-dessous) ? « De trouver des sponsors, parce que j’ai de l’or en médaille, mais ça n’a aucune répercussion sur mon compte en banque ! »
Yves-Marie Vilain-Lepage