Développement de l'enfant

Tous les enfants sont créatifs. Faites le test

Créativité et imagination : voilà bien deux mots qui interpellent bon nombre de parents, convaincus que ces aptitudes aident à faire grandir leurs marmots, sans parfois trop savoir comment les encourager. Tour de la question avec la psychologue Mireille Pauluis. Et pour titiller la créativité des enfants, les animatrices Aurore Berger et Laure Gengoux du Tilt de Rixensart nous donnent des pistes et un jeu, à mettre en pratique avec deux fois rien.

4 à 6 ans : il/elle invente sans cesse des carabistouilles

Votre enfant fait preuve à tout instant d’une imagination débordante. Une faculté qui a le don de vous épater lorsqu’il vous embarque dans un récit sans fin avec pirates et princesses ou qu’il met en scène ses Playmobil ou ses poupées. Mais ce foisonnement de la pensée peut aussi s’avérer déstabilisant si, par exemple, votre gamin(e) revient de l’école en racontant des scènes abracadabrantes vécues en classe ou à la récré. Jusqu’à ne plus savoir démêler le vrai du faux.
Mireille Pauluis, psychologue, explique ce phénomène : « Vers 4 ans, l’enfant découvre que l’autre n’a pas la même chose dans sa tête que lui, donc que l’on pense tous différemment. Étonnant : contrairement à la majorité des autres apprentissages, cette découverte se fait quasi du jour au lendemain. Rapidement, l’enfant va jouer avec cela. L’étape suivante est de découvrir que ce qu’il a dans sa tête lui appartient. Et quoi de mieux que raconter des carabistouilles ? L’enfant se dit alors : ‘Si on me croit, génial, ma pensée m’appartient et je suis autonome’ ».
Un super pouvoir dont certains enfants vont jouer en s’inventant aussi un ami imaginaire. Car avoir pour alter ego un éléphant ou un fantôme est l’alibi idéal pour masquer ses bêtises, mais aussi une formidable parade pour ne jamais être seul.

A vos pinceaux ! Un jeu pour développer la créativité (voir encadré, ci-dessous)

Comment réagir face à ces bêtises ?
Surtout, ne brimez pas cette créativité qui s’exprime, mais canalisez-la en ramenant votre enfant au principe de réalité lorsque c’est nécessaire. Non, vous n’êtes pas dupe, ce n’est pas Arthur l’éléphant qui a renversé le verre sur la table. Et non, les Martiens n’ont pas débarqué ce midi dans la cour de récré pour distribuer des glaces aux enfants.
L’important, c’est que l’enfant fasse bien la différence entre la réalité et l’imaginaire. Par contre, dans un espace-temps déterminé, n’hésitez pas à jouer le jeu avec lui, voire à inventer vous-même des carabistouilles. Comme le précise Mireille Pauluis : « Mettre des règles et du cadre, cela donne de la sécurité. Et c’est cette sécurité qui permet de créer ».

4 à 10 ans : il/elle dit tout le temps qu’il/elle s’ennuie

Quel enfant n’a jamais tourné en rond en vous glissant plaintivement qu’il s’embête ? Un comportement qui a de quoi vous irriter, surtout s’il surgit au moment où vous êtes sur-occupé. Et puis, comment peut-il s’embêter alors que vous passez le plus clair de votre temps à le stimuler ? Pas d’inquiétude ! Comme le rappelle Mireille Pauluis, le fait de s’ennuyer est fondamental pour grandir.
« Dès qu’on laisse du temps et de l’espace à un enfant, son imagination et sa créativité peuvent se développer. Ce mécanisme se met en place dès les premiers mois de la vie. Le nourrisson qui pleure parce qu’il a faim et que l’on fait patienter quelques instants apprend à penser en imaginant que sa mère va arriver pour le nourrir. D’où la nécessité de ne pas tomber illico sur son dos en répondant à ses besoins primaires. L’important est évidemment d’adapter le temps de réponse en fonction de l’âge du bébé. C’est la même chose lorsque votre enfant grandit : en l’occupant sans cesse à la maison et en remplissant son calendrier à l’extérieur, on coupe sa capacité de penser, d’imaginer et de créer. »
Autre avantage : en s’occupant seul, votre enfant reprend les rênes et devient actif. C’est lui qui décide ou non de sortir de sa torpeur. Et ce, en faisant le choix de jouer, de dessiner, de lire, de bricoler, de rêver… Une liberté et une créativité qui vont aussi alimenter sa réflexion.

Que faire si votre enfant ne sait pas jouer seul ?
S’ennuyer, c’est donc tout un art, qui s’apprend dès le berceau. Votre petit a raté cette étape ? Il est encore temps de lui faire découvrir qu’il est possible de s’occuper tout seul. Durant quelques minutes d’abord, avant d’augmenter la durée. En lui donnant dans un premier temps quelques idées, avant de le laisser seul face à lui-même. Piège à éviter autant que possible : la télé. Certes, on peut y apprendre et y découvrir beaucoup de choses. Mais face à l’écran, votre enfant est passif, ce qui est un frein à sa créativité.

5 à 12 ans : il/elle prétend qu’il/elle ne sait pas dessiner

Vous avez beau étaler crayons, gouaches, pastels et feuilles de papier sur la table, rien à faire : votre gamin ne mord pas à cette activité en prétendant qu’il ne sait pas dessiner. Un manque de confiance en soi ? Ou peut-être sent-il votre peu d’enthousiasme pour ce genre d’activité ? Ces paroles, Aurore Berger et Laure Gengoux les entendent tous les jours au Tilt (Rixensart) où elles proposent des animations pour des mômes de maternelle et de primaire.
« Quand un enfant arrive chez nous en disant qu’il ne sait pas dessiner, c’est qu’il associe le dessin à un talent, ce qui n’est pas juste. Exprimer sa créativité, c’est autre chose que d’être un artiste. Qui nous dit que la fleur ou la maison que l’on dessine doit ressembler à la réalité ? Ou même que notre dessin doit ressembler à quelque chose ? Tous les enfants ont, au départ, le même potentiel créatif. C’est juste une question de stimulation et d’éveil dès le plus jeune âge. L’important étant que chaque enfant découvre le domaine où il est le plus à l’aise pour développer sa créativité. Cela peut être le dessin, la musique, l’écriture, la parole, le mime, le chant, la danse… »
Tout est donc une question de plaisir. Et qu’importe finalement si le dessin de votre enfant a l’air d’un « scraboutcha ».

Que faire pour stimuler son imagination ?
Astuce imparable pour (re)découvrir le plaisir d’être créatif : transformer cette activité en jeu (voir nos idées, page 8), ce qui devrait faire comprendre à votre enfant (et à vous aussi) que dessiner, chanter ou danser n’est en rien lié à un don. Et nos deux animatrices du Tilt de conseiller de développer au maximum les « réservoirs d’images » de votre enfant : ces banques d’images, mais aussi de sons, d’odeurs, de sensations… qu’il stocke dans sa tête en feuilletant un bouquin, en se baladant, en écoutant de la musique, en visitant un musée ou tout simplement en regardant par la fenêtre un jour de pluie sont des alliés précieux dans lesquels il va puiser quotidiennement pour développer sa créativité.

4 à 8 ans : il/elle veut toujours qu’on le/la regarde jouer

Votre enfant a déversé ses bacs bourrés de rails en bois sur le parquet. Même s’il a pris l’habitude de jouer seul, il vous supplie quand même de jeter un œil au train qui prend forme dans le salon. Une activité qui, l’air de rien, fait aussi appel à sa créativité.
Mireille Pauluis explique : « Les enfants adorent que l’on s’assoie à côté d’eux et qu’on les regarde s’amuser, sans pour autant intervenir. Pourquoi ? En jouant tout seul, l’enfant reste maître du jeu, ce qui n’est pas le cas si un adulte joue avec lui. Le fait de sentir un regard bienveillant posé sur eux les aide à être plus créatifs, plus audacieux aussi. Ils se sentent rassurés et dans cet espace où ils se sentent en sécurité et en confiance, ils vont pouvoir créer. Et c’est la même chose lorsqu’ils dessinent ou qu’ils bricolent. »
Et la psychologue d’ajouter qu’il est parfois bon de résister à la tentation de montrer comment emboîter les rails ou les blocs, par exemple, pour le laisser découvrir par lui-même, au fil de ses expériences.

Comment l’accompagner sans l’encombrer ?
Idée sympa qu’Aurore Berger et Laure Gengoux expérimentent quotidiennement dans leurs animations au Tilt : pour accompagner votre enfant dans ses jeux sans interférer dans sa créativité, soyez son « assistant » et annoncez-le. Il a besoin de blocs supplémentaires pour rehausser le pont ? Hop, vous êtes-là pour les lui apporter. La tour s’écroule inopinément sur les voies ? Vite, dégagez ces dernières pour qu’il puisse recommencer une nouvelle construction. Un principe à décliner au cours d’autres activités : peinture, dessin, bricolage… voire même en préparent une recette, la cuisine étant une autre activité créative par excellence. Amusant aussi : inverser les rôles, votre enfant devenant l’assistant de vos jeux.

6 à 10 ans : il/elle découvre que la Reine des neiges n’existe pas

Avec l’entrée en primaire, l’âge d’or des jeux « On disait que… » touche doucement à sa fin. Jouer à papa, à maman ou au docteur, se mettre dans la peau d’une princesse ou d’un superhéros, voilà une autre activité qui a permis à votre petit de développer sa créativité.
Et puis, patatras : coup sur coup, votre enfant découvre que saint Nicolas, la petite souris ou encore la Reine des neiges n’existent pas. Un signe qu’il grandit. Votre cœur de parent saigne un peu (c’était si attendrissant !) et vous vous demandez si son imagination galopante ne va en prendre un coup.
Mireille Pauluis vous rassure : « Au début des primaires, les enfants font le grand saut et passent de saint Nicolas… aux tables de multiplication. Mais non, il n’y a pas de cassure au niveau de leur imaginaire lorsqu’ils réalisent que la Reine des neiges n’existe pas. Il y a juste un détachement, une distance qui se met en place. Avant, votre fille se prenait pour une princesse, désormais, elle se déguisera en princesse, ce qui est différent. »
Évolution logique aussi, côté créativité : alors que jusqu’à la fin des maternelles, toutes ces activités passaient principalement par le corps (bouger, manipuler, toucher…), elles vont se faire plus abstraites via l’écriture, les jeux de mots ou encore les jeux de société dont il est amusant de détourner les règles.

Comment l’encourager à continuer à jouer ?
Jouer, ce n’est pas que pour les « petits » de maternelles ! Après 6 ans, votre enfant a plus que jamais besoin de jouer et de bricoler : des activités créatives qui stimulent son cerveau droit (siège de l’imagination, de l’intuition, de la fantaisie) alors qu’en classe, c’est avant tout le cerveau gauche (logique, parole, déduction) qui est sollicité. Une idée parmi d’autres étant de lui mettre une caisse en carton entre les mains : alors que plus jeune, votre enfant en aurait fait un garage pour ses autos, voilà qu’il la transforme en couveuse pour élever des poussins ou en sous-marin avec un périscope. Et c’est gagné. Il jouera encore quelques années…



A. T.

À vos pinceaux !

Vous n’êtes pas créatif pour un sou, mais cet article vous a donné envie de développer l’imagination de vos enfants ? Le Ligueur et Le Tilt (Genval) ont concocté pour vous un jeu à faire à la maison avec deux fois rien.

► Sur un bout de papier, recopiez chacun des mots de trois catégories ci-dessous (autrement dit : un bout de papier par mot).

Catégorie 1 - Les mots qui désignent avec quoi on dessine : un coton-tige, mes doigts, un ustensile de cuisine, une éponge, un morceau de tissu, une veille brosse à dents, un bout de bois, un vieux jouet.
Catégorie 2 - Les mots qui désignent ce qu’on dessine : la colère, quelque chose qui fait du bruit ou qui me fait peur, une ville volante, une friandise, un jardin souterrain, un ami, une maison de campagne au fond de la mer, ce que je vois à travers la fenêtre du salon.
Catégorie 3 - Les mots qui désignent comment on dessine : à deux mains, avec ma « mauvaise » main, en fermant les yeux, debout, en dansant, dans le noir, en chantant, en regardant dans un miroir, couché…

► Retournez les bouts de papier sur la table. Vous avez donc 3 petits tas, 1 par catégorie. Demandez à votre enfant de piocher un papier dans chacune des 3 piles. Il en tirera la consigne à suivre. Exemple : je dessine… la colère avec un vieux jouet et en fermant les yeux.
► Étalez une grande feuille sur la table et rassemblez peinture (gouache), pastels, crayons et autres craies. Soyez imaginatifs : pourquoi ne pas utiliser aussi du marc de café, du jus de betterave…

En bref

Toutes les activités sont prétextes à stimuler la créativité et l’imagination. Petit aperçu, pour aller au-delà des activités artistiques.

  • Art : dessin, peinture, collage, pâte à modeler et autres techniques pour laisser libre court à son imagination.
  • Déguisements : se mettre dans la peau d’un personnage ou jouer avec des marionnettes pour faire des spectacles.
  • Mouvement : danses et mimes pour s’exprimer avec son corps.
  • Jeux : blocs, poupées, figurines… pour s’inventer des histoires. Et aussi les jeux de société si on détourne les règles.
  • Mots : oralement ou sur papier, à la maison, dans la voiture ou dans la nature, jouer avec les mots pour imaginer des récits.
  • Cuisine : créer sa propre recette et troquer un aliment contre un autre.
  • Nature : faire d’un bout de bois une baguette magique, construire des cabanes ou des jardins japonais.
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