Droits et congés

Violences conjugales : le partenaire ne peut pas s'opposer au divorce

Philippe Hensmans, président de l’aile francophone belge de l’organisation internationale d'Amnesty International, présentait son rapport annuel. Parmi le lot de nouvelles mesures insuffisamment évaluées, on retient les points soulevés à propos des violences faites aux femmes. L'occasion de revenir dessus, encore et encore, par le biais d'un rapide petit rappel juridique.

Commençons tout de même par une bonne nouvelle : la Belgique a fait un pas en avant dans la lutte contre la violence conjugale. Comment ?  En en faisant une priorité pour la police et le parquet. Mais, Philippe Hensmans insiste : « II reste beaucoup de travail ».
Dans le nouveau rapport d'Amnesty International, on apprend que 70 % des actes de violence domestique signalées n’ont pas donné lieu à des poursuites pénales, en 2016. Il y a donc encore pas mal de boulot à faire. En premier lieu, expliquer aux victimes que le premier reflexe, consiste à partir. Elles vous rétorqueront qu'elles ont besoin de  l’accord de leur mari pour pouvoir divorcer. Insistez. C'est totalement faux.

Ne pas avoir peur de partir

Aujourd’hui encore, beaucoup de femmes victimes de violences conjugales ont peur de quitter leur foyer. Pourtant, l’abandon du domicile conjugal n’est plus une faute. Ce départ n’a aucune conséquence sur la procédure de divorce, ni sur l’autorité parentale, ni sur l’hébergement des enfants. Si l’épouse part avec les enfants, elle avertit la police et veille également à organiser rapidement la séparation (Qui occupera la résidence conjugale ? Qui paiera le loyer ? Qui aura la garde des enfants ?, etc.). Le juge compétent est soit le juge de paix, soit le président du tribunal de première instance qui siège en référé si la victime est certaine de vouloir divorcer.

Nul n'est tenu de rester en couple

Tous les couples mariés peuvent mettre fin à leur union par un divorce. Il existe deux manières de divorcer :

► par consentement mutuel. Dans ce cas, les deux époux veulent divorcer et organisent de commun accord toutes les modalités de leur divorce (hébergement des enfants, pensions alimentaire, sort du logement familial, etc.). Ils introduisent ensemble la demande de divorce.
► pour cause de désunion irrémédiable. Cette demande peut être introduite par un seul époux même si l’autre s’y oppose. Le tribunal de première instance du dernier domicile conjugal ou du domicile du conjoint qui n’a pas introduit la demande est compétent.

Le divorce par consentement mutuel est souvent impossible car les époux doivent être d’accord pour divorcer et régler ensemble tous les aspects de leur divorce. Les rapports entre conjoints étant généralement déséquilibrés, ce type de divorce est même déconseillé.
On privilégie donc le divorce pour cause de désunion irrémédiable. Il peut être introduit par un seul conjoint.

Comment prouver la désunion irrémédiable ?

Le juge prononce le divorce quand le caractère irrémédiable de la désunion est prouvé par l’époux qui demande le divorce. Il peut se baser soit sur une période de séparation, soit sur des circonstances qui rendent la poursuite ou la reprise de la vie commune impossible. La période de séparation peut être prouvée par un changement de domicile, un contrat de bail ou des factures de consommation d’énergie concernant une habitation différente du logement familial et adressées à l’époux qui est parti.
Les circonstances qui rendent la poursuite de la vie commune ou sa reprise raisonnablement impossible sont plus difficiles à prouver. Une cause de discorde ne suffit pas. Il faut encore que le juge la considère comme déterminante. Il est parfois plus facile de fonder son divorce sur une période de séparation.
L’existence de violences conjugales implique généralement une cause de divorce. Ces violences sont prouvées au moyen de plaintes, de certificats médicaux, de témoignages. À titre d’exemples, l’infidélité, un comportement dépressif, une addiction aux jeux peuvent également être invoqués.

Le délai pour prononcer le divorce

Si le divorce se base sur un délai de séparation : lorsque les époux sont d’accord pour divorcer, le juge prononce le divorce dès que six mois de séparation sont constatés. Si le divorce est demandé par un seul d’entre eux, le divorce est prononcé après un an de séparation.
Si le divorce se base sur une cause de désunion irrémédiable : aucun délai n’est prévu. Le juge prononce le divorce une fois que la preuve de la désunion est établie.
Dans les deux cas, le juge a, en principe, un délai d’un mois pour prononcer son jugement une fois qu’il a constaté que les conditions sont remplies.

Et au pénal ?

Parallèlement à ces démarches, la victime de violences conjugales peut également porter plainte. La police va transmettre la plainte au parquet. Dès lors, la victime n’est plus maîtresse de son action. Le parquet décide des suites à réserver à la plainte. Il peut ainsi poursuivre l’auteur et demander une condamnation pénale ou classer le dossier sans suite ou encore proposer une médiation, etc.
Le dépôt de plainte est utile dans plusieurs situations, notamment pour fonder une demande de divorce sur base de la désunion irrémédiable suite à des violences conjugales.
Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2013, le procureur du roi peut éloigner l’auteur de violences conjugales de la résidence commune pendant dix jours. Il faut que l’auteur représente une menace grave et immédiate. Le délai peut être prolongé par le juge de paix. Cette mesure peut également servir si la victime de violences conjugales demande au juge l’attribution préférentielle provisoire du logement familial. Le juge peut l’octroyer si des indices sérieux de violences conjugales existent. Peu connue, cette attribution est trop rarement appliquée.



Ingrid Plancqueel - Asbl Droits Quotidiens

Autant savoir

Le parquet, ou ministère public, est le nom donné à l’ensemble des magistrats chargés de représenter les intérêts de la société et des mineurs dans certaines procédures civiles spécifiques, et de poursuivre les auteurs d’infractions dans le cadre des procédures pénales. Il s’agit de l’ensemble des procureurs du roi et de leurs substituts.

En savoir +

Qu’en est-il de l’attribution préférentielle du logement ?

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Une écoute téléphonique 24 h/24 pour les victimes de violences conjugales.
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