Vie pratique

La vie de papa et maman

La vie de papa et maman

Un papa. Une maman. Deux mamans. Deux papas. Quoi qu’il en soit, une combinaison d’adultes, ça interroge toujours les gamins. Pourquoi ? Parce qu’au final, tout tourne toujours autour de l’amour. Et que l’on ait 2 ans, 15 ans ou plus, cette drôle de maladie intrigue. Au-delà du quotidien, de la relation, de l’organisation et de la filiation, il est toujours bon de rappeler que la parentalité, c’est d’abord l’amour.

2-5 ans : ce monde singulier qui m’entoure

► Joachim, 3 ans - Lucas, il vit tout seul avec sa mère ?

Pourquoi cette question ? Bien sûr, il faut lire entre les virgules. La vraie question, c’est surtout : « Il est où le papa ? », histoire de souligner une certaine forme de différence. À cet âge-là, un papa, une maman, c’est le socle. Une autre forme de combinaison les intrigue. Du même acabit, on nous a également rapporté des remarques du type « Pourquoi il a deux mamans ? ». Ils sont très formatés, nos petits.

Comment répondre ? En réalité, toute la question tourne autour de la différence entre un parent et un concepteur. Évidemment, il n’est pas question de l’expliquer en ces termes-là. « Il me semble très important, tant pour les situations monoparentales qu’homoparentales, de ne jamais évincer l’autre. Il faut être cohérent et ne pas laisser l’enfant avec l’idée qu’une femme peut concevoir un enfant seule », nous dit Anne Richebois, psychologue.
On peut revenir avec la fameuse histoire de la petite graine dont nous parlons en page 14. Pour deux mamans, par exemple, on peut expliquer qu’un homme a donné sa graine aux femmes. Et pourquoi ne pas utiliser les propos de la psychologue Myriam Monheim et évoquer le trio symbolique : deux parents, quels qu’ils soient, et un enfant. Que ce triangle soit composé d’une femme et d’un homme, de deux femmes, de deux hommes, de grands-parents, d’un parent seul et d’un autre proche, peu importe. Élargissez la question de l’enfant et expliquez la différence entre faire un bébé et élever un enfant.

► Alina, 3 ans - Pourquoi vous vous criez ?

Pourquoi cette question ? Mignonne petite formule, dans un contexte qui l’est peut-être moins. « Il y a manifestement un témoignage d’inquiétude », soulève Anne Richebois. Et pour cette question-là, il va falloir faire un peu d’introspection et se demander pourquoi elle ressort. L’enfant peut interroger autre chose, du style : « Êtes-vous certain que vous vous aimez encore ? ». Et c’est peut-être important de l’entendre.

Comment répondre ? Si c’est parce que votre enfant vient juste de vous entendre vous disputer et qu’il a été saisi par le caractère soudain et inédit, vous pouvez le rassurer avec des phrases du type : « Ne t’inquiète pas. Ça arrive. On crie parce qu’on est en colère. Avec papa, on n’est pas d’accord, ça ne veut pas dire qu’on ne s’aime pas ».
Cependant, soyez un peu juste. Il faut savoir pourquoi votre enfant vous questionne. C’est facile aussi de se cacher derrière un : « Mais si, on s’aime » qui n’est peut-être plus très sincère. « Parfois, une séparation peut soulager certains enfants », explique la psychologue. Au cas par cas, donc. Mais soyez attentifs aux remarques de votre enfant. Et n’oublions pas que derrière toutes ces petites questions innocentes, il y a peut-être aussi un effet miroir.

6-9 ans : moi au milieu de vous

► Gabriel, 6 ans - Maman, tu préfères papa ou moi ?

Pourquoi cette question ? Là encore, question classique, mais déroutante. Ce petit garçon - une petite fille aurait pu aussi la poser - essaie de se situer dans la hiérarchie de la tribu. C’est une interrogation très juste qui pourrait se résumer à : « Est-ce que je suis tout pour toi ? ». Et, au fond, il connaît la réponse. La preuve s’il en fallait que, parfois, poser une question, c’est y répondre.

Comment répondre ? « Question complexe et en même temps très simple », souligne Isabelle Taverna, notre observatrice des 6-12 ans. Complexe, parce qu’aimer papa ou ses enfants, ce n’est pas comparable. Pourquoi ? Il y aurait plusieurs amours ? Et simple, parce qu’il faut être clair dans la réponse. « Toi, tu es mon petit garçon », une façon de remettre les choses à leur juste place.
On peut même évoquer l’amour d’une maman et l’amour d’une femme. Dans Mon amour (voir encadré), l’héroïne dit à son fils : « Je t’aime parce que tu es mon enfant / mais que tu ne seras jamais à moi ».

► Ève, 6 ans - Pourquoi tonton a le même nom que moi ?

Pourquoi cette question ? Première prise de conscience de la filiation. Là encore, il faut se mettre à hauteur d’enfant : non, ce n’est pas clair. L’histoire du nom, des frères de papa, des enfants de papy et mamie… Et sa place là-dedans, alors ? Parfois, même les adultes ne s’y retrouvent pas.

Comment répondre ? Allez-y lentement. À cet âge-là, la question des tontons et des tatas est acquise. C’est la question du nom, du clan qui est plus ambiguë. « Il est important de remettre tout à plat et de prendre son temps pour bien expliquer », recommande Isabelle Taverna.
Son conseil ? Un dessin. Un petit arbre généalogique vaut toutes les longues évocations. Vous partez des grands-parents pour arriver à lui et à sa fratrie. « Maman-papa, et toi, tu es là ». Vous pouvez même expliquer, une fois que tout est plus clair, la signification du nom et son origine.

► Luna, 7 ans - Papa est parti parce qu’il ne nous aime plus ?

Pourquoi cette question ? De nouveau revient cette question d’amour. « Est-ce que papa est capable de ne plus nous aimer ? », peut-on entendre. Ce qui va être très compliqué pour vous, c’est de bien démêler ce que les enfants vivent de ce que vous vivez. Et là, plus que jamais, votre enfant a besoin d’entendre des choses rassurantes.

Comment répondre ? Il est important de bien remettre les choses à leur place. « Papa m’a quittée, pas vous ». Dans cette situation, tout le monde est pris dans une émotion. La grande force qu’il faut trouver, c’est de faire un pas de côté pour entendre les inquiétudes de l’enfant. Même triste. Vous êtes là. Dites-le. « On ne quitte pas ses enfants, même si les parents se séparent ».
Pourquoi est-il parti ? Inutile de tout dire, de déverser ses rancœurs. « Il est parti pour des raisons de grands. On a décidé de ne plus vivre ensemble, mais on reste vos parents. Pour toujours. Ça ne change rien au fait qu’on vous aime ».
Et que ressent-il, cet enfant ? « De la peine. De la détresse. Mais, plus que tout, il a besoin de savoir qu’il peut continuer à s’appuyer sur l’amour de ses deux parents », analyse Isabelle Taverna.

10-15 ans : En gros, tu te débrouilles !

► Zaineb, 11 ans - Ça dure combien de temps l’amour ?

Pourquoi cette question ? Elles sont merveilleuses, ces questions qui n’ont aucune réponse, auxquelles même les adultes continuent à se cogner, pas vrai ? Au-delà de la situation personnelle, elle est peut-être posée par rapport à la vitalité amoureuse des parents. En gros, ce que l’enfant a dans la tête quand il la pose, c’est de savoir si ça tient. Et il est certainement inquiet parce que, sur 25 élèves de sa classe, 10 ont des parents qui sont séparés. Et puis, elle est peut-être amoureuse, notre petite Zaineb ? Voyons voir.

Comment répondre ? Si vous voulez une réponse scientifique, sachez que les spécialistes cognitivo-comportemantalistes estiment que l’amour dure très précisément un an et trois mois ! Bien sûr, il s’agit d’une blague plus que d’un élément de réponse. Mais ça montre quelque chose d’intéressant. Un an et trois mois, c’est le temps où l’on est envahi par la passion, nus sur une plage à ne rien faire d’autre que se dévorer. Après, c’est fini ? Non. Après, ça se transforme. Comment ? Ça s’entretient.
Vous pouvez expliquer qu’il ne faut pas se laisser envahir par l’habitude. À la passion amoureuse, on peut substituer la surprise, l’humour, la découverte. N’hésitez pas à parler de l’amour en termes de défi. Évidemment, la réponse dépend aussi de votre situation amoureuse. Si vous êtes en couple, expliquez peut-être pourquoi ça fonctionne. Pourquoi vous y croyez. Si vous ne l’êtes plus, vous pouvez juste dire, sans plus de transparence : « Bah, oui, tu as raison, ça peut s’éteindre ».
N’hésitez pas à expliquer pourquoi ça n’a pas marché, sans tout mettre sur la faute de l’horrible en face. « C’est important parce que les enfants détestent l’instabilité. Ils ne peuvent être stables que si les parents le sont. En cas inverse, ça fait peur. C’est eux qui vont devoir être raisonnables. Ils n’ont pas envie de devenir le parent du parent », développe le psychologue Thierry Lebrun.

► Tara, 15 ans - Est-ce qu’on peut aimer plusieurs personnes ?

Pourquoi cette question ? « Là encore, derrière l’interrogation sommeillent plusieurs petites formes d’angoisses », constate Thierry Lebrun. La question peut résulter de l’instabilité amicale. Surtout chez les filles où les disputes font rage, là où les garçons se tapent dessus et c’est réglé. Peut-être qu’il s’agit aussi d’une vraie question amoureuse. « J’ai aimé Cédric plus que tout. Et aujourd’hui, j’en aime un autre. Est-ce que je suis une pute ? ». Et bien sûr, ça peut-être aussi une question qui concerne les parents ? « Est-ce que vous avez eu des petits amis, des amants, vous-même, avez-vous aimé plusieurs personnes à la fois ? ». Le contexte est capital à établir pour pouvoir répondre.

Comment répondre ? On sent notre expert partagé. « La réponse découle tellement de sa propre expérience personnelle. On ne peut pas apporter un élément universel, dans ce cas présent ». Et pourquoi ne pas utiliser la ruse de Socrate et lui répondre par des questions ? « Qu’en penses-tu ? ». « Crois-tu réellement que l’on peut répondre par oui ou par non ? ».
Si vous la sentez embêtée, expliquez (et comprenez) qu’à cette période de la vie, on est amoureux de l’amour. Passer d’un amoureux à un autre, c’est une façon de comprendre la force du sentiment. Votre rôle va encore être très précis. En bon funambule que vous êtes, il va s’agir d’être disponible, mais aussi de rester à votre place de parent.

EN PRATIQUE

Ce qui peut m’aider

  • 3-5 ans : Mon amour, Pauline Martin et Astrid Desbordes (Albin Michel Jeunesse). Pour les enfants qui ont besoin d’être rassurés à propos de l’amour, voici un tendre inventaire entre une mère et son enfant, où tout devient prétexte à s’aimer. Attendrissant.
  • 6-9 ans : Katkout, Garennabi Elhalou et Hilmi Touni (Le port a jauni). Là aussi, notre petit narrateur adore sa maman. Jusqu’au jour où elle se prend de passion pour… un poussin. Cette belle histoire sur l’affection maternelle, l’amour filial, l’amitié, les coups de cœur et le temps qui passe est un bon résumé de tout ce que l’on vient d’évoquer.
  • 10-15 ans : Je suis trop cool. Petit package composé d’un cahier de jeux et d’un dépliant. Il y est question du développement et du l’épanouissement de votre enfant.