Loisirs et culture

Pas de côté : l'art brut expliqué aux parents et aux enfants

L’art brut s’expose à Namur, à la Galerie du Beffroi, jusqu’au 7 janvier dans Pas de côté. L’événement est organisé en collaboration avec le « Art et marges musée » de Bruxelles où se tient aussi une exposition-chantier (jusqu’au 21 avril) qui propose de découvrir un large éventail d’œuvres récoltées auprès d’artistes autodidactes, d’ateliers artistiques pour personnes porteuses d’un handicap mental ou organisés en milieu psychiatrique. À cette occasion, le service médiation de la Culture de la Ville de Namur a réalisé un support pédagogique qu’il nous a semblé intéressant de partager. Car l’art brut est un art qui interpelle les enfants tout autant que les parents. Et demande un brin d’explication.

Art brut, art outsider, art différencié : la multiplication des étiquettes !

Art brut, art outsider, art des fous… les manières de désigner le travail de ces artistes se multiplient et évoluent sans jamais se fixer. Car l’altérité (mot qui définit ce qui est « autre ») dont ils et elles témoignent est toujours située par rapport à des normes qui bougent, elles aussi, en permanence.

L’ART OUTSIDER

Le terme outsider désigne celui qui est étranger, celui qui « se trouve au-dehors ». Le concept anglais d’art outsider créé en 1972 se veut alors plus large que celui d’art brut et englobe les réalisations de personnes qui sont étrangères aux milieux et aux codes artistiques. Elles sont autodidactes, ont peu ou pas de formation académique ou s’en libèrent volontairement pour créer des œuvres sans tenir compte de l’évolution du monde et du marché de l’art. Plus tard, l’appellation art brut englobera également ces artistes autodidactes.

L’ART DIFFÉRENCIÉ

L’art différencié est un terme né en Belgique dans le cadre des ateliers du Créahm de Liège (1979). Les œuvres réalisées dans ces ateliers créatifs accueillant des personnes handicapées mentales ont d’abord été rapprochées de celles de l’art brut, mais très vite, Luc Boulanger − initiateur du Créahm et de ces ateliers − s’est rendu compte que cela ne correspondait pas à la définition donnée par Dubuffet.
En effet, ces ateliers, accueillant plusieurs personnes encadrées par un animateur/une animatrice, créent un contexte qui influence la création individuelle. Luc Boulanger, a donc proposé le terme d’art différencié pour qualifier ces œuvres et leurs spécificités.

Ça part dans tous les sens!

Il est impossible de caractériser l’art brut comme on le ferait pour un autre courant car il est constitué d’expressions artistiques individuelles très différentes. On peut trouver des éléments communs entre des créateurs et des créatrices mais ils ne sont jamais valables pour l’ensemble. Voici quelques-unes de ses spécificités…
La première est la liberté : les artistes vont créer sans avoir appris à le faire, sans être au départ influencé·es par des écoles d’art. Il n’y a pas de règles à respecter.
De plus, ces artistes créent parce qu'ils ou elles en ont besoin, pas pour être reconnu·es. L’objectif − au départ − n’est pas d’exposer, la plupart ne l’envisagent même pas. On parle de la pulsion créatrice de l’artiste : ça veut dire qu'il ou elle obéit à une urgence intérieure qui l’incite à créer. Certains s’adonnent par exemple au dessin automatique : c’est-à-dire en dessinant de manière continue, sans réfléchir au résultat final. L’artiste fait évoluer le crayon, le stylo-bille ou le pinceau sur le support en suivant ses impulsions, sans la moindre retenue.
Un autre élément récurrent chez certain·es artistes, c’est la répétition. On retrouve le même dessin qui se répète dans des déclinaisons infinies de formes et de couleurs, c’est ce qu’on appelle des séries.
Le temps passé à la création est souvent important. Les artistes y consacrent des journées entières, et ce pendant de longs mois. Ces œuvres sont alors très intenses car constituées de nombreux détails, de couleurs très profondes ou de traits tracés lentement mais en appuyant avec beaucoup de force, allant parfois jusqu’à déchirer la feuille.
Enfin, les matériaux utilisés peuvent être inattendus et de toutes natures. On trouve du papier d’emballage ou des chutes de bois pour remplacer les toiles. Des dessins sont faits avec du matériel d’écolier comme les pastels, crayons ou stylo-bille… Des objets du quotidien peuvent être utilisés, détournés ou accumulés : coquillages, bouts de tissus, ficelles, bouchons en liège ou encore papier collant, tout est bon pour nourrir la créativité débordante de ces artistes.

Dubuffet et le rejet des règles

Né au Havre en 1901, Jean Dubuffet est un artiste français. En 1918, il part étudier l’art à Paris, mais, en 1924, n’étant pas satisfait de l’art populaire à cette époque car il le trouvait trop « ennuyeux », il arrête toute activité artistique pour travailler dans l’entreprise familiale de commerce de vin. L’appel du monde de l’art reste malgré tout présent et, après quelques tentatives, Dubuffet décide de se consacrer exclusivement à la peinture à partir de 1942.
L’oeuvre de Dubuffet est constituée de milliers de peintures, dessins, sculptures, qui s’étendent de 1942 à sa mort en 1985. Son art est marqué par le rejet des règles artistiques.

CONCLUSION

L’art brut se caractérise par sa radicalité car il nous invite à observer une œuvre en mettant de côté toutes les règles que l’on peut avoir intégrées sur le sujet de l’art. La beauté ou les émotions que suscite la création s’imposent à notre regard. Il ne faut pas avoir suivi de cours pratiques ou théoriques pour l’apprécier, l’analyser et en parler. Tout le monde est légitime à poser un avis sur ces productions.
De cette manière, l’art brut permet de combattre bien des préjugés sur l’art en général car il constitue une porte d’entrée accessible et joyeuse vers l’analyse d’œuvres. Se prêter au jeu de l’art brut, c’est apprivoiser les singularités de ses productions artistiques et permettre d’ouvrir le regard sur celles de l’art contemporain qui suscite lui aussi, bien souvent, l’incompréhension et le rejet.

COLLABORATION

Remerciements

Merci à Sophie Domet (responsable de médiation de la culture de la Ville de Namur), Marine Libert et Mathieu Roquet (attaché·es de la médiation) ainsi qu’à Amélien Ledouppe (graphiste) de nous avoir laissés adapter le fruit de leur travail.

Avec les oeuvres de : Yassir AMAZINE · Inès ANDOUCHE ·
Umberto BERGAMASCHI · Ariane BERGRICHTER · Ignacio CARLES
TORLA · Sylvain COSIJNS · Philippe DA FONSECA · Michel DAVE
· Heide DE BRUYNE · Serge DELAUNAY · Paul DUHEM · Cécile
FRANCEUS · Jill GALLIENI · Irène GERARD · Juanma GONZALEZ
· Jean-Marie HEYLIGEN · Jeroen HOLLANDER · Ezechiel MESSOU
· Michel NEDJAR · Rémy PIERLOT · Fernanda REYNS · Tomoaki
SAKAI · Nouzha SERROUKH · Daniel STERCKX · Dominique THEATE

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