Crèche et école

Comment se jouent les relations, les actions, les nombreux petits riens qui font les grands touts dans ou autour de l’établissement de nos enfants ? Comment faire en sorte que tout soit plus fluide et apaisé dès la rentrée ? Voyons ce qu’en pensent nos trois segments.
► Une vie scolaire avec ou sans parents ?
Côté parents - Il y a une chose que j’aimerais savoir, c’est ce que l’école pense du fait que les parents soient mis à distance. Ne peut-on pas trouver autre chose pour ne plus tomber là-dedans ? On parle de plus en plus d’école du dehors, est-ce que ça ne peut pas permettre à la fois de cesser de faire des cours à distance avec les élèves et remettre le parent dans l’équation ?
Côté profs - Je comprends la frustration de certain·e·s. Qu’on les rassure, il n’y a aucune volonté de mettre le parent à l’écart. En revanche, il est évident que l’on s’est rendu compte de certains bénéfices à laisser les adultes devant l’école (commencer les journées plus vite, limiter les demandes individuelles, permettre à l’enfant de s’immerger plus rapidement...).
Ça ne veut pas dire que l’on veut éjecter les parents. On est beaucoup à croire qu’on peut les impliquer autrement, à d’autres moments. Pourquoi pas en soutien scolaire après les cours pour celles et ceux qui veulent ou peuvent, en renfort pendant l’extrascolaire pour des activités. Définir des temps précis des parents, pourquoi pas ?

« Quelle est la place de nos parents pendant notre scolarité ? Assurer le contre-pouvoir, bien sûr. »
► Épanouissez-nous
Côté parents - À chaque fois qu’un de mes enfants entame son parcours scolaire, je me dis : « Quel long chemin plein d’embûches à parcourir ! ». On devrait se dire, au contraire, « Génial, ils vont découvrir beaucoup de choses, s’y épanouir, en ressortir complets ». C’est dommage d’associer la vie scolaire à quelque chose de potentiellement problématique.
Côté élèves - L’école bouge en ce moment. C’est donc maintenant qu’on doit la reconstruire pour ne plus tomber dans les mêmes défauts. Il faut qu’on s’y sente bien. Qu’on s’y sente protégé. Qu’on lutte contre les violences qui y sont faites. On pourrait réfléchir ensemble en début d’année à la façon dont on veut travailler. On pourrait établir un contrat qui définirait des objectifs, des envies, des rêves. Autres que celui d’être classé, de passer ou doubler.
Côté profs - C’est la période la plus compliquée pour être enseignant·e. Notre légitimité est sans cesse contestée. Notre métier change, la société change. On attend du prof qu’il soit non seulement bien dans son époque, qu’il soit le reflet de la réalité et en même temps qu’il joue un rôle un peu intemporel tout en étant plein de hauteur. Tout ça, sans filet, huit heures par jour, sans aucun moyen. Ça fait envie, hein ?
► Démocratie illusoire
Côté parents - Vous trouverez toujours des interlocuteurs/interlocutrices qui vous diront qu’il existe plein d’outils démocratiques pour faire fonctionner la relation parents-profs. Genre association des parents (AP), conseil de participation (CP), délégué·e·s, etc. Au final, il y a toujours des freins. Le budget, la Commune, la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il y a toujours un niveau de responsabilité pour se renvoyer la balle. Exactement comme en politique.
Côté élèves - Et nous, alors, qu’est-ce qu’on devrait dire ? Pourquoi on ne peut pas d’avantage avoir la possibilité de faire entendre nos voix entre ces quatre murs où nous passons le plus clair de notre temps ? On doit avoir nos représentant·e·s. Un comité des élèves, loin de toute hiérarchie adulte.
Côté profs - Paradoxalement, le lieu qui forme des citoyen·ne·s en vue d’en faire des artisans démocratiques ne l’est absolument pas et pour personne. C’est la célèbre citation sur les écoles-casernes dont parlait le philosophe Michel Foucault. C’est aussi vrai pour les profs, nous avons nous aussi l’impression d’être seuls. Alors, je rétorque de façon très sérieuse également, pourquoi pas un comité des profs, aussi. Ça ferait certes plein de communautés
L'ARBITRE
Ce qu'en pense Christophe Buststraen
Un syndicat ou un comité des élèves, des profs ? Voilà bien la preuve qu’il est grand temps de penser l’école de demain. Seulement, l’école est un gros paquebot, difficile à manœuvrer, il faut beaucoup de temps pour la changer. Je partage l’avis des un·e·s et des autres : il est impératif de multiplier les structures participatives.
Je constate dans toutes les discussions qu’il faut être clair sur le jeu que chacun·e a en main. On établit des délégués de classe, des représentant·e·s chez les parents, ces personnes devraient être des porte-paroles. On devrait les écouter. Les consulter. Seulement sur le terrain, leur rôle et leur pouvoir sont extrêmement limités. Comme avec les associations de parents (AP).
Ce n’est même pas une question d’étiquettes ou d’instances politiques comme dit plus haut, mais juste une question de personnes. On fédère les parents plus impliqués, on les laisse s’épuiser ou se lasser au bout de quelques années. Comme on le fait avec les profs les plus enthousiastes et motivé·e·s.
La démocratie à l’école est une notion très, très biaisée. On n’ose pas bouger. Peut-être parce que l’élève est devenu une valeur marchande ? Un établissement scolaire est remis en question s’il n’attire plus suffisamment d’élèves et se trouve en dessous des quotas. C’est ce que l’on appelle les normes de maintien. En dessous d’un certain chiffre, on ferme l’école.
JE VEUX FAIRE CE MÉTIER
Ce tour de table montre combien les un·e·s et les autres font le pari de l’épanouissement. Et c’est beau d’y prétendre. Pourquoi ne pas partir de ce que veut l’enfant, plus que de la case dans laquelle on veut le mettre ? À la rentrée, on le met devant un immense tableau. Comme un hall de gare qui serait un menu d’orientation. L’élève prend le temps de le regarder. Seul. Et il dit : « Je veux faire ce métier ». Vous voyez ?
Qu’on parle de métier, plus de filières. Que l’on positive les écoles et les choix d’éducation. Que ce ne soit plus un drame d’être orienté. Que l’on arrête d’imposer, que l’on propose, que l’on favorise.
Pour cela, demain, chaque école monte des partenariats avec des entreprises pour qu’elles permettent aux élèves de pousser leurs portes. Permettons à nos enfants de chercher. Laissons-les avoir une idée plus précise. On ne peut plus se permettre d’avoir une école à dix vitesses.
ET APRÈS...
Les solutions qui émergent de ce tour d’horizon
La création d’un syndicat ou d’un comité des élèves est une idée inédite, vue au moment du forum Tak-Tik. On veut en savoir plus. Qu’en est-il ? C’est Léna, 17 ans, qui nous répond comme si elle travaillait sur le projet depuis des années.
« Ce serait un espace pour qu’on puisse se rassembler autour d’idées, de revendications. Ce qui serait même génial, c’est qu’il soit le tremplin pour des débats à mener régulièrement autour du ROI, de la vie à l’école, des enjeux de société pourquoi pas ? Que ce soit un forum soutenu par des adultes extérieurs, mais ni des profs, ni des parents. »
Ah bon, mais qui alors ? Elle reprend. « Je ne sais pas, ça pourrait être une certification externe professionnelle. Un psy… Euh, je ne sais pas… Un·e intellectuel·le… Ou un·e journaliste ! ». Quelle politesse, cette jeunesse…
ET LES PROFS ALORS ?
Une solution revient chez beaucoup, tant profs, élèves que parents, celle qui consisterait à peser pour créer des Pouvoirs Organisateurs (PO) participatifs. En y incluant des élèves et des parents, membres d’AP et des enseignant·e·s.
La question du comité des profs, la coalition de parents de milieux populaires, sans qu’on ne leur souffle l’idée, l’a évoquée également, nous expliquant que c’est une façon de renforcer leur territoire. De sentir et de transmettre de l’intérêt. Ce qui n’empêche pas aux trois segments de notre triangle d’œuvrer dans en même sens. Imaginez si ces trois comités, cette triangulation, menaient des combats convergents. Ce serait là une façon de rendre l’école bigrement plus redoutable et de l’inscrire comme levier démocratique de la société. À méditer quand même.