Loisirs et culture

Prix Bernard Versele 2021 : découvrez les 25 titres de la sélection

C’est quasiment devenu une tradition : à peu près au même moment que les élèves, le prix Versele fait sa rentrée. Il dévoile les pépites qui seront lues, scrutées, passées au peigne fin par les jeunes lectrices et lecteurs. Ces petit·e·s et grand·e·s chanceux/chanceuses vont se régaler d’aventures, de mystères, de découvertes… et bien plus encore.

1 CHOUETTE
(dès 3 ans)

► On y va papa !

Praline Gay-Para - Rémi Saillard (Didier Jeunesse - Les P'tits Didier)

Jo Junior est très en colère parce qu'il en a assez d'attendre que son père soit enfin prêt pour partir à la pêche. Jo Junior en a tellement assez d'attendre qu'il est prêt à disparaître dans la cacahuète oubliée devant sa porte. Aussitôt dit, aussitôt fait. Mais la cacahuète est avalée par une poule. Et la poule est avalée par un renard. Et le renard est avalé par un loup. Et le loup…
Mais où donc se terminera cette randonnée gourmande dans laquelle Jo Junior est embarqué bien malgré lui ? Vous donnez votre langue au chat ? Vous ne croyez pas si bien dire… À la fois dans la verve de Praline Gay-Para et dans les illustrations énergiques de Rémi Saillard, humour et malice sont au rendez-vous de cette histoire tirée d’un conte d'origine congolaise.

► Brille encore, soleil d'or

Raconté par Véronique Massenot, d'après une idée originale de Guo Zhenyuan et Zhu Chengliang (HongFei - Vent d'Asie)

Observer le lever du soleil, guetter son retour de derrière les nuages et, surtout, l'empêcher de sombrer, le retenir à tout prix, voire même le remonter et le faire rebondir, c'est ce que tentent de faire oiseaux, pandas, chat, kangourou, écureuils et j'en passe. Mais puisqu'il s'obstine à s'enfoncer dans la terre, pourquoi ne pas creuser le sol ? Peine perdue et tout le monde finit par s'endormir. Est-ce que l'astre d'or sera de retour le lendemain ? Oui, et le coq l'aperçoit en premier. Et il le crie bien fort.
Cette histoire va fasciner les petit·e·s. Mais sûr que les grand·e·s ne se feront pas prier pour la leur raconter.

► Moi, j'ai peur du loup

Émilie Vast (MeMo - Tout-petits memômes)

Est-ce qu'il est nécessaire et suffisant de crier, d'avoir de grandes dents, de grands yeux, une grande queue, de grandes oreilles, de grandes griffes, un museau pointu et un poil noir et hirsute pour faire un loup ? Sur le fond noir des pages, deux lapins conversent au milieu des fleurs, des feuilles et des branches, chères à Émilie Vast. L'un dit qu'il a peur du loup. L'autre veut en savoir davantage, interroge et rectifie ici ou là. Le résultat est inattendu. Comme quoi, il est toujours utile de mettre les choses au point. Et lorsque l'humour s'en mêle, c'est encore mieux.

► Pablo

Rascal (Pastel)

On vous a sûrement dit, un jour, qu'il était temps de sortir de votre coquille. Gardez-vous le souvenir de ce moment crucial ? Sortir de sa coquille, c'est la décision que vient de prendre Pablo. Il se sent à l'abri dans son œuf noir, au milieu de la page blanche. Il a sûrement un peu peur de mettre une patte dehors. Mais il a tout de même fort envie de découvrir le monde. Donc, petit trou après petit trou, pour voir, écouter, humer et voler aussi, le voici prêt à prendre le large.
Un album cartonné, avec juste ce qu'il faut de mots et de détails. À lire ensemble à haute voix.

► Dans l'œuf

Emma Lidia Squillari (Seuil Jeunesse)

Il faut vous dire, tout d'abord, que dans cette histoire délicieusement cruelle, il n'y a pas qu'un seul œuf. Ils sont une douzaine, tous prêts à éclore. Vous rappeler aussi qu'il n'y a pas que les oiseaux qui naissent dans des œufs. Vous pourrez même vous amuser à nommer tous les animaux qui trouvent place sur la page après s'être extirpés de leurs écailles.
Parmi eux, voici le python. Pas le plus volumineux au départ, mais déjà la langue bien pendue et un énorme appétit. À tel point qu'au fur et à mesure que le temps passe, lui qui était svelte, occupe de plus en plus d'espace. Quant aux autres, ils sont de moins en moins nombreux à sourire à la vie. Mais gare à toi, Python ! Ne dit-on pas que qui est pris qui croyait prendre ?
 

2 CHOUETTES (dès 5 ans)

► Le jardin d'Evan

Brian Lies (Albin Michel Jeunesse)

Le titre de cet album exceptionnel est particulièrement bien choisi. Car plus qu'un décor, le jardin est ici un élément central, reflet des humeurs des protagonistes de l'histoire. Tout en rondeurs et en luxuriance dans le bonheur. Tout en épines et en nuances glauques dans l'amertume.
Quand son chien meurt, la tristesse d'Evan est si grande qu'il saccage le jardin dont tous deux s'occupaient. Il laisse pousser ce qu'on appelle les mauvaises herbes et finit même par en prendre soin. C'est un plan de citrouille infiltré du dehors - la citrouille est certes une plante potagère, mais dotée de feuilles velues et de vrilles tordues - qui l'aidera à renouer avec la vie.
Jusque dans les moindres détails, tout fait sens dans cet album où il arrive que les mots se taisent pour laisser toute la place aux images.

► Le repaire

Emma Adbåge (Cambourakis)

D'accord, la cour de récréation est un lieu appréciable au sein de l'école. On peut y comploter, jouer aux billes, danser à la corde, dessiner une marelle. Dans le meilleur des cas, on peut même y frapper un ballon. Mais, imaginez, juste à côté de la cour de récréation, une sorte de terrain sauvage, un « repaire », avec des montées et des descentes, des graviers et des pierres, des branches et des racines. Là on peut jouer à tout ce qu'on veut. Les enfants adorent. Les adultes rarement. C'est d'un tel paradis - dont, quel que soit votre âge, vous conservez sûrement le souvenir - dont parle cet album qui nous vient du nord de l'Europe.

► Le bon côté du mur

Jon Agee (Gallimard jeunesse)

Nous, les lecteurs et lectrices, sommes aux premières loges : page de gauche, page de droite et juste à la pliure du livre, un mur de brique. Le titre original - l'album nous vient de Grande-Bretagne - évoque simplement un mur au milieu du livre. La version française prend parti. Elle se range à l'avis du mini-chevalier un peu benêt, persuadé qu'il est du bon côté du mur.
Mais, distrait ou myope, ce mini-chevalier reste ignorant de ce qui se passe tant d'un côté que de l'autre. Perché sur son échelle, il ne voit pas que l'eau monte à ses pieds et que les gros poissons y dévorent les plus petits. Il ne voit pas que de l'autre côté, les grosses bêtes curieuses sont débonnaires et que même une souris les fait fuir. Quant à l'ogre de la couverture… eh bien, heureusement qu'il était là. Lisez l'album, vous comprendrez pourquoi.

► La maison de brique

Paula Scher et Stan Mack (La joie de lire)

Une solide bâtisse à deux étages et six appartements. Il n'est pas inutile de préciser que l'hiver approche, car l'un des appartements est occupé par une famille d'ours. Or, les ours hibernent, ce qui n'est le cas ni de la famille kangourou, ni de la famille cochon, ni de la famille souris, et encore moins de mademoiselle Chat. Pour tout ce petit monde, la vie continue. Et la vie est parfois bruyante. Et le bruit empêche les ours de dormir.
Heureusement, la maison de brique a un propriétaire en la personne de monsieur Hibou, une espèce qui en connaît un bout en matière de silence nocturne. Il va s'en suivre une succession de permutations, un peu comme dans un jeu de taquin. De déménagement en déménagement, la maison de brique retrouvera-t-elle sa tranquillité avant les frimas ?

► Classe de lune

John Hare (Pastel)

Publié pour fêter le cinquantième anniversaire des premiers pas des humains sur notre satellite, voici un « tout images ». Autrement dit, un album sans texte qui pourtant raconte mille et mille choses. Classe de Lune nous projette dans un temps où les voyages scolaires sur notre satellite sont devenus monnaie courante.
Dans un groupe classe en promenade, il y a toujours un rêveur ou une rêveuse, qui reste à l'arrière, qui observe ce que les autres ne voient pas et qui risque de se faire oublier. C'est ce qui arrive ici à un enfant cosmonaute, accroché à ses marqueurs et à son bloc de dessins. Il (elle ?) a fini par s'endormir derrière une dune lunaire. Et quand il (elle ?) se réveille, le vaisseau est parti. L'occasion de faire connaissance avec les discrets habitants de cette lune de fantaisie : ils sont gris comme le sol dont ils émergent et particulièrement ravis de découvrir la couleur des marqueurs.
 

3 CHOUETTES (dès 7 ans)

► Une échappée de Bartok Biloba

Lolita Séchan (Actes Sud BD)

Pour Bartok Biloba, une jeune taupe le plus souvent confinée sous terre, quel bonheur de se laisser aller dans le courant de la rivière, de faire des rencontres inattendues pour rire, bavarder et aussi avoir un peu peur, de parcourir les espaces interdits de la grande vallée. Qu'il est délicieux ensuite de rentrer à la maison par les voies souterraines en observant sans être vu. Et quel soulagement (pour lui et pour le lecteur/la lectrice) de ne connaître au retour que la joie des retrouvailles sans aucun discours sur les dangers du monde et le respect des règles.
Tout est léger dans cette échappée. À commencer par les illustrations au trait fin, les dialogues et les onomatopées qui se glissent dans le récit. Mais chaussez vos lunettes si - comme la famille taupe - vous n'avez pas une bonne vue. Car vous risqueriez de ne pas apercevoir le minuscule hérisson conteur et un peu mêle tout, qui donne avis et conseils et dont l'humour imprègne toutes les pages.

► Le fabuleux désastre d'Harold Snipperpott

Beatrice Allemagna (Albin Michel Jeunesse - Trapèze)

Le titre interpelle : « fabuleux » et « désastre » ne sont-ils pas des mots qui s'opposent ? Oui et non. Lisez cet album à la fois cocasse et tendre. Vous constaterez que pour Harold et ses parents, le désastre sera suivi d'un après fabuleux.
Avant, la vie est morne pour Harold, 7 ans, doté de parents un rien grincheux. Mais voici que pour la première fois son anniversaire est fêté. Surprise pour tout le monde : une foule d'animaux, de toutes tailles, de toutes formes et de toutes couleurs envahit la maison. Tous sont joyeux, bienveillants… mais pas très soigneux. Et surtout tous sont bien décidés à faire la fête. Bref, la maison en sort complètement ravagée et les parents enfermés dans un coffre. Voilà pour le désastre. Le fabuleux… vous le découvrirez dans l'album. Harold vous dira lui-même que « des choses extraordinaires peuvent naître d'une catastrophe ».

► Taupe et Mulot. Les beaux jours

Henri Meunier et Benjamin Chaud (Hélium)

En regardant vivre Taupe et Mulot, on ne peut s'empêcher de songer à Ranelot et Bufolet, les célébrissimes batraciens imaginés par Arnold Lobel. Comme eux, ils partagent leurs journées avec appétit et posent sur le monde un regard bienveillant. Mulot prête ses yeux à Taupe. Taupe conseille Mulot de manière avisée. Cela donne, par exemple, des tableaux exposés à l'envers après une séance de peinture en plein air, une partie de pêche où il est davantage question de bottes que de poissons et une cérémonie de fiançailles où l'on constate une fois de plus que l'amour est aveugle.
Manifestement, les auteurs eux aussi ont œuvré en symbiose : un monde selon Taupe dans les mots et selon Mulot dans les images. Deux autres titres sont à présent parus dans la série : La tarte aux lombrics et Notre part de ciel.

► Les aoûtiens

Olivier Douzou et Frédérique Bertrand (Rouergue)

Pour Olivier Douzou, « dans un livre pour enfants, il y a peut-être mille lectures possibles ». Tout porte à croire que sa complice Frédérique Bertrand est d'accord avec lui. Gardons ces mots en tête en ouvrant Les aoûtiens. Réel, imaginaire et fantaisie s'y conjuguent. Du titre à la 4e de couverture, l'humour y est omniprésent. On nous dit que le grand-père de Pierre a été maçon, mais qu'ensuite - à la retraite ? -, il a décidé de faire un grand potager. Mais on ne se débarrasse pas aisément d'un passé rempli de briques et de maisons. Le labyrinthe de murs en briques rouges au sein duquel se déroule l'histoire en est un indice. L'alignement des petites maisons-cloches protégeant les courgettes, un autre. Ainsi que la variété de tomates-maison, sur la peau desquelles apparaît un curieux motif, et qui finissent par être habitées.
Le petit Pierre, les yeux grands ouverts, est attentif à tout ce qui l’entoure. Le grand-père, quant à lui, multiplie les clichés sentencieux et pérore sur l'importance de l'observation, mais ne capte rien de ce qui se trame. Même pas le débarquement de ces extraterrestres qui enlèvent la vache Geneviève, plongent progressivement la scène dans l'obscurité, et s'attaquent aux mots du livre. Est-ce d'étonnement que des animaux de la ferme en marchent sur deux pattes ? Vous avez deviné que ces envahisseurs sont les aoûtiens du titre : courgettes et tomates mûrissent au mois d'août, pas au mois de mars.

► Coyote et le chant des larmes

Muriel Bloch et Marie Novion (Seuil Jeunesse)

Pour écrire cette étonnante histoire, Muriel Bloch s'est inspirée d'un conte amérindien (là-bas, Coyote est aussi célèbre que Loup chez nous.) Un jour, Coyote entend un chant qui l'émerveille. En réalité, ce sont les gémissements d'une colombe qui s'est blessée en ramassant des graines. Mais Coyote n'en démord pas. Peut-être n'a-t-il pas tort : dans la liste des cris d'oiseaux, ne dit-on pas que la colombe roucoule et gémit ?
Bref, cette « mélodie », il veut l'apprendre et décide de l'emporter. Mais à chaque essai, l'air finit par s'échapper. Coyote a peut-être l'oreille musicale, mais il n'a guère de mémoire. Colombe, quant à elle, devant le harcèlement et les menaces, commence à craindre le pire. Heureusement que cette oiselle ne manque pas d'esprit et qu'à la fin, d'une certaine manière, Coyote trouve plus fort que lui !
 

4 CHOUETTES (dès 9 ans)

► D'ici, je vois la mer

Joanne Schwartz et Sydney Smith (Didier Jeunesse)

Une ville minière canadienne. C'est l'été. Un jeune garçon raconte sa journée, les jeux avec les copains, une course chez l'épicier, une visite au cimetière où est enterré son grand-père. Et aussi cet océan Atlantique omniprésent, la première chose qu'il voit en se levant.
Or, sous cette mer, il y a la mine de charbon. C'est là où travaille son père, où a travaillé son grand-père et où, peut-être plus tard, il travaillera lui aussi. Cet album si bien traduit par Michèle Moreau pourrait être accompagné, en bande-son, d'une de ces chansons de travail dont le refrain ramènerait de façon lancinante à ces mineurs trimant dans l'obscurité.
Joanne Schwartz, qui connaît bien les lieux pour y avoir passé son enfance, précise que cette histoire se déroule dans les années cinquante. On pourrait en déduire que rien n'y est encore d'actualité. Ce serait une erreur. Aujourd'hui encore, il reste des mines de charbon en activité dans la région de Cap-Breton.

► Mon frère et moi

Yves Nadon et Jean Claverie (Gallimard Jeunesse)

C'est l'été. Deux enfants - deux frères - retrouvent leur lieu de vacances, au bord d'un lac. Comme chaque année, l'aîné plonge hardiment d'un imposant rocher. Comme chaque année, le cadet l'encourage et l'admire, mais n'ose l'imiter. Sauf que cette fois, l'aîné lui fait remarquer qu'à présent, il est grand. Il doit sauter lui aussi.
C'est ce premier grand saut, ce moment crucial dans la vie des deux frères, que raconte l'album. L'enfant va grimper comme un chat jusqu'en haut du rocher, se lancer dans le vide comme un oiseau et se débrouiller dans l'eau comme un poisson. Mais que de sentiments et d'états d'âme vont accompagner cet exploit.
Pour les adeptes de mots clés, il y aurait l'embarras du choix : refus, anxiété, hésitation, décision, audace, soulagement, fierté… Et aussi amitié, admiration, fratrie… Il faut souligner la simplicité poétique du texte et la beauté expressive des pastels. Sans le talent conjugué de deux créateurs exceptionnels, cet album exemplaire aurait peut-être glissé dans l'édifiant.

► Hamaika et le poisson

Pierre Zapolarrua et Anastasia Parrotto (MeMo - Petite Polynie)

Hamaika, une petite poule en quête de savoir et de découvertes, fait la connaissance d'un poisson voyageur et déjà fort savant. La rencontre a lieu en terrain neutre, dans une flaque peu profonde du bord de mer. Ils se revoient, se lient d'amitié et se mettent bientôt en tête de partager cette expérience avec leurs congénères. « Ils ne savaient pas que c'était impossible alors ils l'on fait », comme disait Mark Twain. Eh oui, ils l'ont fait. Mais ce fut un fiasco, car les poules n'ont rien à cirer d'un poisson. De même qu'un gallinacé ne présente guère d'intérêt pour un banc de sardines.
Ne soyez pas déçus, car l'histoire n'est pas finie. Ce n'est pas toujours le cas dans la vie, mais, ici, dans ce roman joyeusement illustré, ouverture d'esprit et fantaisie finiront par avoir le dessus.

► La face cachée du prince charmant

Guillaume Guéraud et Henri Meunier (Rouergue)

Au regard d'un tel titre - et sous la signature de Guillaume Guéraud -, on pourrait s'attendre à un conte subversif, imaginant un prince d'apparence aimable, mais capable en réalité de commettre les pires turpitudes. Il n'en est rien. Dans son texte, notre auteur pare le jeune homme de beaucoup de qualités. Mais - car il y a un mais -, il s'empare ensuite d'un feutre noir pour supprimer certaines lettres et certains mots. Vous devinez qu'un quel « caviardage » modifie grandement le sens de l'histoire. D'autant plus que les illustrations d'Henri Meunier suivent le mouvement avec une fausse bonhomie.
Le prince charmant n'en devient pas un horrible dictateur pour autant. Non, à la fin, il se retrouve juste « comme toi et moi »…

► Nous avons rendez-vous

Marie Dorléans (Seuil Jeunesse)

L'autrice dédie cet album grand format à son père, « marcheur infatigable ». Dans le bleu nuit des pages, on se faufile sans peine à la suite de cette famille - père, mère, garçon et fille - qui quitte la maison, traverse à la queue leu leu le jardin avant de cheminer dans les rues désertes du village. La voici qui marche sur la grand-route, bifurque dans la forêt, et escalade une colline pierreuse après s'être reposée un temps près d'un lac.
C'est la nuit, mais chaque page de l'album offre une source de lumière - lampes de chevet du réveil, lampe de poche, fenêtres éclairées et surtout clarté des étoiles. On imagine les chuchotements, les cris des oiseaux, le chant des sauterelles, le bruit des essieux d'un train, le bruissement des feuilles, le craquement des branches mortes, le coassement des grenouilles. On a même l'impression de respirer le parfum des iris et des chèvrefeuilles, de l'herbe sèche, de la mousse, des écorces…
Depuis le titre, nous savons que la famille a rendez-vous. Mais avec qui ? Si vous n'avez pas deviné, guettez cette dernière page où vient d'apparaître à l'est, au-dessus des crêtes, un halo jaune doré.
 

5 CHOUETTES (dès 11 ans)

► Bienvenue

Raphaële Frier et Laurent Corvaisier (À pas de loups)

Bienvenue, quel joli nom pour une maison. Au début, elle était entourée d'un jardin que l'autoroute a fini par manger. Les propriétaires ont déménagé. Et, longtemps, la maison est restée vide. Mais ce n'est pas parce qu'une maison est vide qu'on laisse s'y installer des gens qui cherchent un toit. Même quand cette maison se nomme Bienvenue.
L'histoire est racontée par une jeune voisine. Et se termine sur une note d'espoir. La recherche d'un logement quand on n'a plus de chez-soi est un sujet essentiel par les temps qui courent. Mais y consacrer un livre destiné à de jeunes enfants ne conduit pas nécessairement à un bon album. Ici, pas d'émotion factice, pas de paroles sentencieuses, pas de discours fabriqué. Par contre, un énorme talent dans les mots et les illustrations. Bienvenue est une réussite !

► Foot et radeaux à gogo

Maria Parr (Thierry Magnier)

« Notre porte d'entrée a claqué, faisant trembler toute la maison, et un vacarme effarant et des cris n'ont pas tardé à suivre ». Ces premières lignes du roman laissent bien augurer de son rythme. Et la suite tient ses promesses. Ce qui n'est guère étonnant pour celles et ceux qui ont lu les œuvres précédentes de l'autrice norvégienne.
On retrouve ici les inséparables Trille et Léna, dont on avait fait la connaissance dans Cascades et gaufres à gogo. Ils sont à présent un peu plus âgés ce qui élargit le lectorat aux préados. Mais la jeune Léna est toujours prête à relever tous les défis et à se lancer dans toutes les bêtises. Trille est plus que jamais enclin à la suivre ou même parfois à la devancer. Et en plus, voici que débarque Brigitte, une jeune Hollandaise installée avec sa famille non loin de chez eux.
Autour de ce trio, les personnages adultes - de la famille, de l'école, du monde du foot - sont tout aussi bien campés. Avec Maria Parr, l'esprit d'Astrid Lindgren et de sa Fifi Brindacier n'est vraiment pas loin.

► Le Trésor de Barracuda

Llanos Campos et Nicolas Pitz (l'école des loisirs - Neuf)

La couverture nous met au parfum. Voici une histoire de pirates pour du vrai, avec jambe de bois, cache-œil, trésor et gros mots. Une histoire à nulle autre pareille. Tout d'abord parce que le roman semble commencer par la fin : dès les premières pages, l'équipage de La Croix du Sud repère l'île Kopra que Barracuda recherchait depuis une dizaine d'années.
Barracuda ? Un capitaine pirate craint dans toutes les mers du monde, y compris par les autres pirates. La Croix du Sud est son navire. Et c'est sur Kopra qu'est enfoui un coffre censé contenir le trésor de Phineas Crane, le plus célèbre pirate des mers du Sud. Seul souci, à l'ouverture du coffre, en lieu et place de l'or et des bijoux convoités, les marins ne trouvent… qu'un livre.
Mais, rassurez-vous, ce n'est pas la fin de l'histoire. Car un des marins sait lire. Un petit peu. Il va arriver à déchiffrer le livre. Petit à petit. Et l'aventure de commencer pour de bon. Car bien entendu le livre contient des renseignements précieux sur l'endroit où Crane a enfoui son trésor. Et, du coup, tout l'équipage, y compris le capitaine, va vouloir apprendre à lire.

► La chanson perdue de Lola Pearl : Hopper

Davide Cali et Ronan Badel (l'élan vert, Pont des arts - Les carnets)

Parmi ses pistes éditoriales, la maison d'édition l'élan vert s'efforce de parler d'art aux enfants, en y introduisant la fiction selon un concept original : un auteur et un illustrateur unissent leurs talents pour transporter le lecteur dans une aventure, avant de lui faire découvrir qu'il est entré dans un tableau.
Dans ce cas-ci - l'artiste cible étant le peintre américain Edward Hopper, né en 1882 et mort en 1967 -, la réussite est évidente. Interrogé à propos de son choix du polar pour accrocher les lecteurs, Davide Cali répond : « Pour moi, dans les tableaux de Hopper plane un air de polar. Dès qu'on regarde un de ses paysages, on se retrouve immédiatement dans un roman de Raymond Chandler. Je ne l'ai pas fait exprès, je me suis laissé guider par mon instinct ».
Le résultat : une histoire de détective amateur chargé de retrouver la vraie identité d'une certaine Lola Pearl. Discrètement, les croquis inspirés de Ronan Badel créent des liens entre les reproductions de quelques œuvres célèbres du peintre américain. L'album cartonné prend la forme d'un carnet d'artiste.

► Un été d'enfer !

Vera Brosgol (Rue de Sèvres)

Même si Vera Brosgol n'avait que 4 ans lorsque sa famille émigra vers les États-Unis, son œuvre reste habitée par la Russie, son pays d'origine. Ce n'est donc pas un hasard si la jeune héroïne d’Un été en enfer porte le même prénom que l'autrice.
Vera n'arrive pas à s'intégrer dans la petite ville américaine où elle a débarqué avec sa maman. Sans doute est-elle trop russe et pas assez riche. Comme l'été approche, elle rêve de partir en stage comme les autres filles de sa classe. Et voici qu'elle apprend - l'Église russe orthodoxe semble très active dans le coin - que des séjours de vacances sont organisés à l'attention des enfants venant de Russie. C'est parti pour le fameux été d'enfer !
Ce qui nous est raconté est tour à tour révoltant, drôle ou émouvant. Mais quiconque a fréquenté, une fois dans sa vie, une colonie de vacances, y retrouvera des moments vécus et finement observés. Le récit - 250 pages de BD pour petit·e·s et grand·e·s - est passé au filtre d'une unique couleur verte. Non pas le vert vivifiant de nos belles forêts de sapins et de feuillus. Mais un vert olive un peu glauque, tellement en accord avec les avatars de la petite Véra.

 


Maggy rayet

 

 

En coulisses

Le prix Versele, comment ça fonctionne ?

Une des spécificités du Prix Bernard Versele de la Ligue des familles, c'est le réseau de plusieurs centaines de volontaires qui s'y impliquent. Tout d'abord dans le choix des titres. Les vingt-cinq livres proposés à l'avis des enfants sont le fruit d'un long processus : de la prospection au sein de la littérature de fiction publiée chaque année jusqu'au vote final en séance plénière, en passant par des discussions au sein d'une quinzaine de comités de lecture régionaux en Wallonie et à Bruxelles.
Ensuite dans l'accompagnement des livres. Ce sont aussi des volontaires qui iront présenter, notamment dans les classes qui le demandent, les titres sélectionnés.
Pour tout savoir du prix Versele et voter en ligne : liguedesfamilles.be/prixversele

Avec le soutien de

Fifty-One International, du Fonds Marinette M. de Cloedt et de la Cocof

 

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