Vie pratique

« Oui, je m’y mettrais bien, mais… ». Stop, n’allons pas plus loin, il se cache souvent tout un tas de mauvaises raisons derrière cette hésitation. Chacun des freins évoqués par les un·es et les autres est aussi l’occasion de dépasser les craintes et de montrer tout le potentiel collectif autour de la bicyclette. Montez derrière, on vous conduit.

« Un cargo ? Oh ouais, ce serait génial, mais avec un coût de 6 000 balles, j’ai pas les moyens. Et si je les avais, j’aurais trop peur qu’on me le vole »
Quoi de plus légitime que ce genre de remarques ? Conscient de ces deux limites, Benjamin François, membre actif de la communauté cycliste de Bruxelles, formule un vœu : « Tous les parents devraient rouler en cargo ». Il se renseigne à droite, à gauche. Observe les bonnes pratiques chez nos voisins, en Allemagne, en Hollande. Et lance un service de partage de vélo-cargo
Premier tour de roue en juin 2021 : Monkey Donkey voit le jour. Monkey pour le côté vélo longtail, ces montures qui peuvent transporter plusieurs enfants avec des sièges à l’arrière. Donkey pour le côté backfiets, un gros module à l’avant qui permet d’embarquer les enfants, les courses et le chien... soit une capacité de 250 litres. L’offre est adaptée aux besoins des familles selon Benjamin François, quoi de plus étonnant chez ce papa convaincu qu’un vélo-cargo est adapté pour 75 % des déplacements privés et familiaux en ville.
- Tous les renseignements sur monkeydonkey.bike
- Tester un cargo avant de se lancer dans un achat conséquent ? C’est ce que propose Pro-Vélo à Bruxelles via l’opération Cairgo Bike et partout dans le Brabant wallon. On connaît bien les vélos que font tester l’association, le Ligueur les a testés et approuvés.
- bikeyourcity.be propose aux parents et aux enfants de tester des vélos ensemble.

« Faire du vélo avec mon enfant en ville… et la sécurité, alors ? »
On comprend les réticences à l’idée de se lancer dans de grandes chevauchées à travers la ville avec ses enfants. Les critères des parents en matière de sécurité ? « Un vélo qui tienne la route, qui protège les enfants en cas de chute ou d’impact ».
Des crash-tests ont été effectués sur les deux types de transports les plus plébiscités par les parents : longtails ou bi-porteurs, appelés plus communément les cargos. Une première bonne nouvelle : les sièges de vélo que l’on adapte aux montures et le plus souvent vendus avec les cargos passent haut la main les tests. Des marques comme Yepp, Thule, Bobike sont un atout sécurité indiscutable.
C’est dans la conception des vélos eux-mêmes que la sécurité a ses limites. Ces vélos répondent à des normes, certes, qui n’incluent pas les enfants en cas de choc. Les recommandations des expert·es sont simples : toujours se déplacer avec un siège fixé au vélo ou dans un backfiets avec une ceinture de sécurité, même si celle-ci ne répond pas spécifiquement à une norme.
Des tests ont été réalisés en Allemagne par l’Adac (une association spécialisée dans les questions automobiles). Ils sont peu concluants. Dans des collisions à 25 km/h avec des voitures, les ceintures ne tiennent pas.
« D’où l’importance des infrastructures. Le problème, ce n’est pas la conception du vélo, mais le risque de collision avec une voiture, explique Benjamin François. L’intérêt d’investir dans une mobilité partagée est plus qu’urgent. Le cycle vertueux est là : piétonisation, infrastructures, vitesse limitée à 30, c’est plus de parents confiants, donc plus de mobilité douce. »

« J’aimerais me déplacer, mais je ne suis pas assez confiant. Est-ce qu’il existe des formations ? »
C’est un des freins que l’on entend le plus chez les parents. Dès lors, le moindre déplacement apparaît comme un acte inconséquent. On vous le répète chaque fois qu’on parle vélo, les formations via Bike Brussels ou Pro Vélo sont un bon moyen de poser un premier pied sur les pédales. D’autant que les formateurs et formatrices vous accompagnent dans vos déplacements quotidiens, maison-école ou école-boulot.
Autre possibilité proposée par Pro Vélo (seulement en Région bruxelloise), la possibilité d’inscrire l’école de vos enfants au Vollenbike Challenge, qui incite un max de déplacements à vélo et propose des déplacements groupés. Des sortes de vélobus, histoire de se lancer à plusieurs dans la jungle de la mobilité. Une fois terminée, chaque école établit un décompte du nombre de déplacements à vélo et est invitée à battre son record l’année suivante.
Côté école toujours, on aime beaucoup l’initiative « Trace ton chemin », lancée par un papa qui propose de rendre la ville aux enfants. Son idée : donner une grosse craie à chaque enfant à la sortie de l’école pour qu’il puisse tracer son chemin de l’école à la maison. L’objectif consiste à montrer la présence fragile des enfants sur la commune et les espaces qu'ils traversent au quotidien. Visibiliser la présence des enfants dans l'espace public et leur besoin de plus de sécurité et d'un environnement plus sain, intéressant, non ?

« Le vélo, ça ne marchera que quand tout le monde s’y mettra et pas que les bobos »
C’est toute l’idée de ce dossier. Montrer au plus grand nombre que c’est possible. On en est convaincu, le vélo, outil indispensable de la mobilité douce, doit être prisé par toutes les catégories sociales. Mieux encore, il doit servir d’émancipation. Comment en faire un moyen de transport populaire dans tous les sens du terme ?
L'étude Impact économique et potentiel de développement des usages du vélo par l’urbaniste et économiste des transports Frédéric Héran (auteur de l'ouvrage Le retour de la bicyclette - Une histoire des déplacements urbains en Europe, de 1817 à 2050) explique que le vélo est encore trop bobo et que les classes populaires le boudent. Fort de ce constat, le collectif MolemBIKE a lancé l’initiative les hirond’ELLES, adressée aux mamans qui ne savent pas rouler.
Depuis leur création, ces cours de déplacements durables au féminin ont permis à une centaine de mamans - qu’on pense à tort désinvesties des activités cyclopédiques ou, pire encore, à qui on prête des prétextes inventés (« leur religion leur interdit de faire du vélo » ; « leurs traditions les éloignent de la bicyclette ») - de goûter au joie de la petite reine.
Chaque module de formation est animé par des femmes et les enfants peuvent participer. De quoi donner plus d’assurance à ces mères pour conduire parfois la marmaille à l’école. Et plus encore, ces cours leur donnent la possibilité de voler de leurs propres ailes, de sortir de leurs zones assignées et de s’envoler pour de nouvelles destinations. Quand le vélo se fait instrument de dé-ghettoïsation.
- Les Hirond'elles, l’initiative a créé un véritable effet boule de neige puisque d’autres structures proposent des modules similaires : l’Institut de la vie à Anderlecht, Molenwest (lieu d’occupation temporaire), La maison des femmes (Schaerbeek), Le Foyer (Molenbeek). N’hésitez pas à faire passer le mot.

« La Wallonie ? Inroulable ! »
Le tour d’horizon de toutes les initiatives mises en place est principalement bruxellois. Avec ses 280 km de pistes cyclables, la capitale rassure les parents même les plus récalcitrants. La vélorution est en marche. Mais la Wallonie, alors ? À chaque fois que l’on pose la question à tel interlocuteur ou telle interlocutrice, c’est le manque d’inspiration qui est pointé. Même les associations militantes déplorent la situation.
Mettre la Wallonie à vélo, mission impossible ? Bien sûr que non. Il existe ici ou là des initiatives citoyennes tout aussi enthousiasmantes que dans la capitale. Par exemple, comme les communes bruxelloises en organisent, il existe des kidicalmass partout dans le pays. Comme les mass critiques, ce mouvement cycliste qui, une fois par mois, oblige les voitures à rouler à la vitesse des vélos, l’action a son pendant jeunesse, bien plus festif encore.
L’idée ? Montrer que c’est possible, même dans les territoires que l’on pense uniquement réservés à la bagnole. Coup de chapeau donc aux joyeux lurons des Pédales de Marcinelle qui mobilisent les troupes à Charleroi. Mais aussi à La Cyclerie et à Karma Wheels qui fédèrent autour du vélo à Liège en organisant des évènements familiaux pour grossir les rangs. On profite de l’occasion pour vous inciter à vous servir de leurs réseaux sociaux et vous organiser entre vous pour organiser des évènements festifs, militants et familiaux autour du vélo.

« Rouler à la campagne ? Vous êtes sérieux ? »
De nouveau, on insiste sur le manque d’infrastructures qui annihilent les bonnes volontés. Toutefois, les différents témoins de ce dossier en sont convaincus, vélo et zones rurales, loin d’être incompatibles, sont la clé de voûte d’un quotidien plus respectueux de l’environnement.
Alexis, auteur de plusieurs blogs et à l’initiative de groupes de balades sur Facebook, dresse le constat. « On prend de plus en plus sa voiture pour des petits trajets : c’est là où il faut agir. Plutôt que de ressortir avec son 4x4 pour acheter du pain ou une brique de lait à quelques kilomètres, on prend son vélo et on embarque les enfants pour leur enseigner les bases ».
Autre argument qu’il entend, celui de nombreux dénivelés pour arriver jusqu’au village ? Il y répond avec ironie « Ah, oui, donc avant l’arrivée de la voiture, personne n’y accédait ? C’est comme l’argument des commerces de proximité. Le supermarché est trop loin de la maison ? Si les personnes qui vivent à la campagne n’utilisaient pas la voiture à outrance, les fameux commerces inexistants à proximité finiraient par… exister. À chacun d’établir son équilibre entre ses convictions, son projet de société et son confort ».
- Rappelons que tout le pays est équipé d’un formidable réseau, les Points-nœuds. L’occasion de redécouvrir les environs à vélo et à votre rythme.