Développement de l'enfant
Il n’y a pas de recette toute faite pour ne pas rater ses possibles, mais il y a quelques clés pour aider son ado à franchir le dernier pas vers l’âge adulte. En positivant la valeur de la transgression, par exemple, en l’encourageant à savoir qui il est et où il va, en n’éludant pas non plus ses convictions. Autant de messages qui peuvent passer par le truchement du jeu.
Sylvie Van Lint, chercheuse en sciences de l’éducation :
Changer et réapprendre…
L’adolescence, c’est le temps des changements, mais aussi de tous les possibles. Des changements au niveau de ce corps qui grandit subitement, qui se transforme et que l’adolescent ne parvient plus à maîtriser. Il doit réapprendre à fonctionner avec ce nouveau corps, réapprendre la coordination des mouvements, ce qui est problématique notamment pour le sport. Dans ses activités comme dans ses relations, il va aussi prendre des risques : à vous à l’aider à mettre des garde-fous car il n’est pas encore en mesure de se rendre compte de tous les dangers.
Autre changement de taille au niveau de sa pensée, c’est aussi ce nouveau passage à l’abstraction avec le développement de la pensée hypothético-déductive qui consiste à formuler des hypothèses afin d’en déduire des conséquences. C’est la base de la démarche scientifique qu’il expérimentera à l’école, mais que l’ado prendra aussi plaisir à développer en jouant avec des jeux abstraits, d’énigmes ou de logiques.
Enfin, et cela a aussi des conséquences sur ses activités, l’adolescent va progressivement ne plus avoir la famille comme seul centre d’intérêt, même s’il a toujours besoin de se poser et de se ressourcer dans le nid familial.
« Au début de l’adolescence, mon aîné était terriblement mal dans sa peau. Il était en surpoids et, en plus, le plus petit de sa classe. Jusqu’au jour où son meilleur ami lui a fait découvrir un peu par hasard le hip-hop. J’étais sceptique : il n’avait jamais dansé, jamais fait de musique non plus. Et ce fut comme une révélation pour lui. Dès qu’il est sur la piste, il est comme un poisson dans l’eau. Il a trouvé là aussi un moyen d’accepter son corps. »
Maria, maman de Lio, 3 ans, Sam, 9 ans, et Jason, 15 ans
« Pour leur 12 ans, j’embarque chacun de nos fils quatre jours dans les Ardennes. Ils ont le choix du moyen de transport : l’aîné avait opté pour le VTT, le second pour le canoë. On prévoit notre itinéraire, on embarque tout le matériel et on se débrouille pour planter la tente, voire même pour dormir à la belle étoile. Comme un voyage initiatique pour eux, un retour en arrière pour moi, du temps où je roulais ma bosse aux quatre coins du monde. Un beau moment de partage aussi ‘entre hommes’, qui nous soude encore davantage. »
Gil, papa de Marty, 10 ans, Léandre, 12 ans, et Raphaël, 15 ans
En pratique, que faire ?
• L’organisation des vacances. Une belle manière d’explorer tous les possibles, tout en responsabilisant votre ado : lui proposer d’organiser avec vous les prochaines vacances en famille, voire les siennes s’il est en âge de partir seul. À cet âge, vous pouvez mettre à plat toutes les contraintes : le calendrier (y compris, par exemple, celui de son demi-frère qui vit en partie chez son papa), l’argent, la destination, l’itinéraire, les activités selon les goûts et les envies de chacun. S’il en a très envie, il trouvera le moyen, autrement dit il développera une stratégie, pour aller au camp scout, repartir en vacances avec vous (ou avec ses potes) et, entre les deux, prévoir du temps pour se plonger dans son éventuel examen de passage.
• La responsabilité du souper familial. Pourquoi ne pas confier régulièrement à votre ado la préparation du repas du soir ? Libre à lui de choisir le menu, de faire les courses en respectant un budget déterminé et… d’être prêt à temps ! Sympa - une autre manière de jouer - à condition que ce soit un plaisir, un défi pour votre ado et non une corvée.
• Les plages d’ennui. Votre ado a la flemme… et c’est normal. Son corps se transforme et tout cela le fatigue, il a un énorme besoin de dormir et, tout comme l’enfant d’ailleurs, de ne rien faire. Surtout, respectez ses plages d’ennui : il en a besoin pour mettre de l’ordre dans sa tête, pour rêver et créer aussi. Important cependant : assurez-vous qu’il ne broie pas du noir.
• Du sport quand même. Il (elle) était mordu de basket depuis l’enfance et voilà que votre ado vous déroute en décidant d’envoyer balader sa passion de toujours : la faute principalement à ce corps qui se transforme. À cet âge-là, le sport, ça passe ou ça casse ! Suggérez-lui une autre activité physique, toujours avec en tête la quête du plaisir en toile de fond. Et si votre jeune se dirige vers un sport riche en sensations fortes (skate, escalade, BMX, roller, trampoline, char à voile, randonnée en montagne), rappelez-vous, même si votre estomac se noue, qu’adolescence rime avec prise de risques. Difficile de lui interdire formellement (dans ce cas, c’est comme si vous ne lui faisiez pas confiance !), mais sensibilisez-le aux dangers. Pensez aussi aux stages Adeps et surtout à ceux de l’UCPA dont la réputation n’est plus à faire et où votre jeune sera encadré par des moniteurs diplômés.
• Ensemble encore un peu. Même si la plupart des activités de votre ado se passent désormais en-dehors de la maison, continuez à lui proposer de faire des choses ensemble : une balade à vélo, un ciné, un restaurant. Particulièrement rassembleur et efficace, notamment si vous venez de vous embrouiller, proposez-lui une activité qui est le ciment de la famille depuis toujours : une partie d’Uno ou de combat naval, regarder Shrek comme quand il était petit, ouvrir l’album photos des dernières vacances qui vont permettre à tous de retrouver ce plaisir d’être ensemble. Comme si cette toile relationnelle tissée autour du jeu depuis la petite enfance de votre ado devenait à nouveau un outil pour entrer en relation, comme une manière de boucler la boucle !
A. T.