Vie pratique

1988-1997 : entre deux eaux dans un monde devenu fou

À la fin des années 80, le monde change, le Ligueur s'adapte

Fidèle à ses principes de base, le Ligueur traverse la fin des années 80 et une grande partie des années 90 en naviguant entre des sujets belgo-parentaux et de nombreux articles consacrés à l’international. Le tout mâtiné d’actu chaude, dont la terrible affaire Dutroux, et d’un vrai changement de tendance au niveau consommation.

Si on devait jouer au jeu des ressemblances entre les sujets des Ligueur version 88-97 et ceux d’aujourd’hui, deux grands thèmes seraient vite repérés : les allocations familiales et les rythmes scolaires.
Côté allocations familiales, le combat est porté aussi bien par la Ligue des familles avec ses revendications que par la rédaction qui n’hésite pas à appuyer le propos en se glissant jusque dans le portefeuille des familles. À quel point le sujet occupe une place prépondérante dans les colonnes ligueuriennes ? Quelques chiffres pour évaluer l’ampleur : en 1990, la Ligue des familles lancera une grande pétition relayée notamment par le Ligueur.  Résultat : 75 000 signatures récoltées. Puis, en 1993, les accords de gouvernement à propos de ces allocations occuperont pas moins de sept numéros d’affilée, un véritable roman journalistique et politique ! Et ne croyez pas que les journalistes de l’époque finiront par lâcher cet énorme os à ronger. Leurs investigations se poursuivront encore en 1994, 1995 et 1996.
En ce qui concerne les rythmes scolaires, là encore, la thématique s’étale durant de longs mois entre 1990 et 1992 (les quatre premiers numéros de l’année y consacreront au moins un article). Le cœur de ce sujet fait bien évidemment écho à la réforme mise en application à la rentrée 2022. Dès ce début des nineties, on y parle du respect du biorythme des enfants, de la nécessité de vacances plus longues tout au long de l’année scolaire et plus courtes en période estivale. Si vous faites le compte, vous ne rêvez pas, il aura ainsi fallu trente ans avant que le pas soit franchi…

Des murmures aux bruits du monde

Si ces sujets très belges occupent une partie des pages, une très large part est laissée à l’international. On sent la rédaction du Ligueur de l’époque curieuse de l’actualité internationale, attentive à mettre en avant des pays, des peuples méconnus, notamment ceux d’Afrique ou de l’Asie du Sud-Est. Les journalistes prennent aussi à bras-le-corps la thématique européenne. L’élargissement de l’UE à douze, puis quinze est l’occasion d’un « LiguEurope », une longue série de portraits des pays voisins ou plus lointains qui constituent cette nouvelle Europe. Et puis, la géopolitique vient jouer les trouble-fêtes dans cette vision un peu « touristique » du monde.

À la fin des années 80, le monde change, le Ligueur s'adapte

De la chute du bloc de l’Est à la guerre des Balkans, en passant par celle du Golfe et les nombreux conflits armés en Afrique ou en Amérique du Sud, le Ligueur est de toutes les batailles. D’analyse en décryptage, on sent une farouche volonté d’informer les lecteurs et lectrices autant que de donner des clés de compréhension de ce monde qui devient de plus en plus fou. En toute honnêteté, si certain·es journalistes ont parfois pu légèrement se prendre les pieds dans le tapis de l’objectivité, on peut dire que celles et ceux qui ont feuilleté ce magazine à l’époque ont eu beaucoup de chance. En particulier, celle de ne jamais voir tomber leur publication dans la facilité devant des sujets aussi complexes et difficiles à traiter.

Voiture, vacances… j’oublie tout

Si côté international, la facilité n’est donc pas de mise, le versant consommation du Ligueur a sacrément pris du plomb dans l’aile. Jusque-là très attachée à dénouer avec rigueur les fils du marketing et de la consommation de masse, la rédaction perd clairement espoir devant l’individualisation de la société. La conséquence ? Si les mêmes grands thèmes, comme les vacances ou la sacro-sainte bagnole, sont toujours traités, c’est avec beaucoup moins d’esprit de contradiction. Sans parler de compromission, on pourrait sans doute évoquer ici un compromis avec la régie publicitaire qui décroche à la pelle des annonces de voyagistes ou de constructeurs de voitures.

Une énergie de tous les instants

Le rêve américain a donc encore de belles années devant lui. Et tant qu’à parler de futur, le Ligueur ne faillit pas à sa mission de (se) poser les bonnes questions. En 1990 et 1995, le GIEC (groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a remis ses premiers rapports, alertant notamment sur les gaz à effet de serre et les limites des énergies fossiles.
Dès juin 1996, une « une » pose la question : Le nucléaire, stop ou encore ? Puis l’année suivante, la petite bande rédactionnelle se lance dans un exercice de prospective avec comme point de départ une autre question : 2025 : sans pétrole ? Il y est beaucoup question de transports en commun efficaces, d’utilisation du vélo comme règle bien établie pour les trajets courts, tout comme on croit très fort au chemin de fer, au contraire de la voiture électrique. On notera aussi dans cet article que l’expert, Michel Wauthelet de l’Université de Mons, indique que l’évolution des transports en commun pourra notamment être liée « au télé-achat et au télé-travail ». Visionnaire, non ?  

ZOOM

Le Ligueur et l’actu chaude

Deux gros événements vont venir traverser l’actualité belge dans les années 90 : la mort de Baudouin 1er suivie de l’accession au trône d’Albert II et l’affaire Dutroux. Ces deux faits sont traités dans les colonnes du Ligueur, bien évidemment, mais tous les deux de façon finalement assez limitée.
Dans son numéro du 4 août 1993, la mort inopinée du roi couvre certes l’entièreté de la « une ». On y trouve une simple rétrospective et un hommage signés de la Ligue des familles. Une semaine plus tard, c’est une grande photo de Baudouin et d’Albert qui illustre la « une », avec là encore un petit mot d’encouragement estampillé Ligue des familles. Pas plus, pas moins.
En 1996, l’affaire Dutroux défraye la chronique dans toute la presse… sauf dans le Ligueur. Le 21 août, un simple encart en fin de magazine, signé ici de la vice-présidente de l’époque de la Ligue des familles, se réjouit du sauvetage in extremis de Sabine et Laetitia. Une semaine plus tard, là encore, un simple encart de la Ligue des familles titré La joie avant l’horreur revient sur la découverte des corps sans vie de Julie et Mélissa.
Pourquoi un tel traitement de ces deux événements dans nos colonnes ? Tout simplement parce qu’ils se sont déroulés en plein cœur de l’été… à l’heure où votre magazine était en configuration minimale. L’affaire Dutroux reviendra plus tard dans les pages du Ligueur, mais à la lumière de son impact sur la vie des familles, notamment sur la peur de laisser sortir les enfants sans surveillance.

LA VIE DU LIGUEUR

Une décennie en quatre faits notables

  • Le 11 novembre 1988, le Ligueur change temporairement de nom et se transforme en la Ligueuse pour un numéro spécial consacré à la voix des femmes. Ceci vient en réaction à un sondage du Soir qui montre que les femmes ont encore et toujours une place trop réduite dans la société.
  • Le décès en 1990 de l’emblématique rédacteur en chef Marc Delepeleire. Arrivé en 1974, il a ancré le Ligueur dans une véritable démarche journalistique, entre traitement de l’actualité et éducation aux médias.
  • Un changement de logo en avril 1992. Jusque-là tout en majuscules, le nom arbore désormais des minuscules (hormis les deux L). Il quitte sa livrée rouge pour une bleue et voit apparaître la première baseline, « l’hebdomadaire du quotidien des familles ».
  • Le Ligueur arrive dans les boîtes aux lettres le mercredi à la place du lundi à compter du 1er janvier 1993. En cause, des ajustements de la distribution par la poste.
En novembre 1988, à l'occasion d'une enquête sur la place des femmes dans la société, le Ligueur devient la Ligueuse