Loisirs et culture

Quatre bibliothécaires et quatre jeunes lecteurs et lectrices de Bruxelles, voilà pour les acteurs et actrices de ces pages. Les un·es expliquent comment il et elles s’affairent pour produire la rencontre entre l’enfant et le livre. Les autres partagent les coups de cœur qui les ont mis sur la voie du livre.
À l’école du Sacré-Cœur de Linthout
« Il y a plusieurs chemins pour amener l'enfant à la lecture. Pour celles et ceux qui aiment déjà lire, le fait d’avoir accès à une bibliothèque dans l’école suffit. Pour celles et ceux qu’il faut encore conquérir, je participe à trois projets qui associent lecture et plaisir. Chacun, à sa manière, participe à mettre les enfants en contact avec les livres. C’est le cas lorsqu’ils votent pour leur livre coup de cœur avec le prix Bernard Versele. La Petite Fureur propose aussi une belle sélection. Tous ces livres sont ensuite disponibles en prêt et les enfants se les arrachent ».
Autre appât pour harponner les élèves les plus réfractaires : la bataille des livres, « un grand quiz interclasses autour de trente livres » précise Marie-Cécile Talbot. Certain·es se prennent au jeu comme Sophie, qui vient justement emprunter les trois derniers titres qui lui manquent. « Elle n’avait quasiment jamais rien lu. Cette année, elle s’est prise au jeu et a enchaîné trente livres en quelques mois ».
► Ses valeurs sûres
- Pour les jeunes lecteurs et lectrices : les collections comme Geronimo Stilton, Max et Lili, Tom-Tom et Nana, Mademoiselle Zazie.
- Pour les plus grand·es : les auteurs Roald Dahl, Jean-Claude Mourlevat, Marie-Aude Murail, Erik L’Homme, Anthony Horowitz, la série Cherub.
► Un conseil aux parents : « Conservez l’habitude de lire avec vos enfants, même quand ils sont plus grands. »
Regard espiègle, boucles en fanfare, teint halé, Alexandre estime lire les trois quarts de son temps. Plusieurs centaines d’ouvrages sont déjà passés sous l’œil de ce jeune lecteur.
L’origine du coup de foudre ? « Ça a commencé quand j’étais petit, vers l’âge de 7 ans, je venais de déménager et je ne connaissais encore personne. Mon bon-papa m’a conseillé de lire Le Seigneur des anneaux, j’ai adoré. Ce que j’aime surtout, ce sont les personnages attachants. Quand je lis un Harry Potter, je suis à ses côtés, je vis les aventures avec lui, même chose avec Frodon ».
► Ses livres fétiches : « Les livres d’Harry Potter et ceux de Jules Verne ».
Dans une maison de jeunes des Marolles
« Notre bibliothèque a la particularité d’être située dans une maison de jeunes en milieu populaire. Elle reçoit la visite de nombreux enfants, beaucoup pensent qu’ils n’aiment pas lire ou qu’ils n’en sont pas capables », entame Antonio Moyano dans son courrier adressé aux ami·es du prix Versele, auquel l’animateur participe chaque année.
« Pour certains enfants, c’est la première fois qu’ils tiennent un album entre leurs mains. Paradoxalement, les milieux de vie où le livre est peu présent ont un immense respect du livre. Quand on est issu d’un autre contexte culturel, le livre est aussi un moyen de se familiariser avec la vie en Belgique et d’intégrer de nouveaux codes. »
Les mercredis après-midi, les devoirs sont bannis au Club de Jeunesse. Place aux livres. « Certains enfants ne louent jamais rien ». Antonio ne se décourage pas pour autant. L’histoire lui donne raison. En ce mardi après-midi, un garçon d’une dizaine d’années l’attend au comptoir avec une demande précise : « J’aimerais un livre sur les planètes ». Soudain, un engouement. Voire une passion. Ni une, ni deux, Antonio embraye et sort le grand jeu.
« En tant que bibliothèque, on ne peut pas tout non plus. Il faut travailler en réseau, pour amener l’enfant à la lecture. L’idéal, c’est d’avoir un·e enseignant·e qui instaure une habitude de lecture, un rituel à la maison et, nous, on alimente la machine ».
► Ses valeurs sûres
Antonio dispose un petit panier à suggestions sur le comptoir avec des titres susceptibles de parler aux enfants. En ce jour, on y trouve : Lucas s’est fait traiter de fils de lute, Tom se fait du souci avec son zizi, Elle a dit non, un Sami et Julie et Le plat du loup plat, un livre de Michel Van Zeveren.
► Un conseil aux parents : « Le livre est un excellent média pour parler du quotidien, mettre un sujet sur la table. Utilisez-le. »
► Son livre fétiche : ce sont les livres animés qu’Eshaal affectionne le plus. Toucher, tirer, faire tourner, comme une surprise, elle ne sait jamais sur quoi elle va tomber.
► Le premier livre qui l’a marquée ? Grand-père est mort, de la collection Max et Lili. Eshaal se souvient l’avoir vu dans la chambre de sa grande sœur et avoir eu envie de le lire aussi.

« Conservez l’habitude de lire avec vos enfants, même quand ils sont plus grands »![]()
Marie-Cécile Talbot
Bibliothécaire
Dans le quartier Homborch à Uccle
« En tant que bibliothèque, notre rôle, c’est de proposer une diversité d’ouvrages pour le public le plus large possible. Dès le plus jeune âge, on essaye d’avoir des livres marionnettes, en carton, animés, avec des bacs à hauteur des tout-petits. Je me souviens d’une maman qui s’était étonnée qu’on lise à des enfants qui ne savaient même pas parler. Pour que l’enfant soit à l’aise avec l’objet livre, il faut qu’il lui soit accessible. La diversité, c’est important pour que chacun·e puisse y trouver son compte. Certaines bibliothèques sont réfractaires aux mangas. Pour moi, on ne peut pas avoir une bibliothèque sans manga aujourd’hui, sinon on passerait à côté d’un grand nombre d’enfants. »
► Ses valeurs sûres
- Pour les jeunes lecteurs et lectrices : la collection Lecture en duo (Nathan) permet aux parents de lire les textes et à l’enfant de lire les bulles, les BD d’Ariol.
- Pour les plus grand·es : la collection Tom Gates, Le journal de Gurty, Kinra Girls, Les royaumes de feu.
► Un conseil aux parents : « Laissez l’enfant aller vers ce qui l’attire. La lecture, c’est avant tout un plaisir. Si l’enfant se sent contraint par ses parents, le bénéfice est perdu. Pour les enfants dont la lecture est un exercice compliqué, sachez qu’il existe des collections dédiées aux enfants porteurs de troubles dys (ndlr : repérables avec les macarons ‘Dyscool’ ou ‘Spécial dys’). »
Le regard vert malicieux, Lily se dirige d’un pas affirmé vers les livres d’histoire et la collection Quelle histoire. Ce vendredi matin, elle emprunte deux nouveaux titres : Histoire de la Belgique et Les mousquetaires.
► Ses livres fétiches : « C’est l’histoire que j’aime le plus lire. J’adore savoir comment ils vivaient, mangeaient, se déplaçaient ». Récemment, Lily a loué un livre sur notre ancêtre Lucy qui l’a beaucoup marquée.
À la bibliothèque communale d’Etterbeek
« Tous les trois mois, nous changeons de ‘saison thématique’. D’avril à juin, c’est la magie qui est mise à l’honneur. On achète de nouveaux livres, on en ressort d’autres de la réserve. La bibliothèque sort de ses murs, c’est un moyen d’accrocher de nouveaux publics.
Je suis convaincue qu’il y a un livre pour chaque enfant, mais encore faut-il qu’il rencontre ce livre qui va le toucher et qui sera le point de départ pour aller vers d’autres ensuite. D’ailleurs, ça ne doit pas être un livre obligatoirement, ça peut être une BD, un manga, un magazine. »
► Ses valeurs sûres
- Pour les jeunes lecteurs et lectrices : les livres de Delphine Bournay, Catherine Valckx et Marie-Hélène Delval. Le format hybride entre le roman et la BD est fort apprécié : Tom Gates, Les cabanes à 13 étages, Les voyages de Théodore.
- Pour les plus grand·es : La guerre des clans, Les royaumes de feu, Gardiens des cités perdues.
► Un conseil aux parents : « Commencez à lire dès tout petit avec votre enfant, sinon c’est dodo, pipi, caca … On reste dans le vocabulaire du quotidien. Rien de tel que le livre pour enrichir le vocabulaire et nourrir l’imaginaire. »
► Son livre fétiche : « La légende de Podkin le brave, l’histoire d’un lapin dont le pays se fait envahir et il doit essayer de survivre ». Dans ses pépites, il glisse aussi Les royaumes de feu, Le Seigneur des anneaux et Le Hobbit. Ce qu’il aime particulièrement dans ce genre de livres ? S’identifier aux personnages et se demander ce qu’il ferait à leur place.
Strahinja aime aussi Le Petit Nicolas, parce qu’il est un enfant comme lui, qui vit une vie tout à fait normale. « Il va à l’école, fait ses devoirs, joue avec ses ami·es. Je me souviens quand j’ai commencé à porter des lunettes et que les copains trouvaient ça bizarre, j’ai lu une histoire à ce sujet dans Le Petit Nicolas ».
COULISSES
Les témoignages des enfants ont été choisis sur base de leur capacité à partager leur goût de la lecture. À noter : tout·es sont déjà des lecteurs et lectrices averti·es et leurs livres fétiches ne sont pas toujours représentatifs de leur âge.
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