Développement de l'enfant

Comment ça s’apprivoise un smartphone ?

Donner un gsm ou un smartphone à un enfant de 10-12 ans ne devrait jamais être un acte anodin. Pour encadrer cela, il existe autant d’outils que de manière de faire. Voyons comment le parent s’y retrouve.

Aux lecteurs et lectrices qui s’attendent à dénicher dans cet article l’application la plus adaptée à une navigation raisonnée de leurs ados sur leur smartphone, ne perdez pas votre temps, ce papier ne contient aucune solution miracle. Aux parents qui cherchent des pistes pour assembler cet épineux puzzle, installez-vous confortablement, on étale toutes les pièces.

Tour d’horizon

La consommation des ados quant à leur « Précieux », le smartphone, attention, ça ébouriffe. Selon les résultats de l’enquête #Génération2020, menée par l'asbl Média Animation et le Conseil supérieur de l'éducation aux médias (CSEM), aujourd’hui, 94% des élèves en secondaire possèdent un smartphone. Ils sont 87% en 6e primaire. En primaire, 42% de celles et ceux qui n'ont qu'un accès à cet appareil sans le posséder l'utilisent tout de même plus d'une heure par jour.
Ça, c’est pour planter le décor. Que se passe-t-il à partir du moment où l’on refile cet objet hautement technologique dans les mimines de son ado ? Il y a plusieurs écoles. Le cas le plus fréquent : le « gé » » est accompagné d’une béquille numérique. C’est-à-dire que le parent contrôle à distance, via une ou plusieurs applications, la consommation de son enfant. Le ou les logiciels permettent de superviser et de contrôler l’activité en ligne.
L’autre école, celle des parents qui ne mettent aucune bride. Généralement, ils jettent un œil sur le gsm. Ils trouvent cette solution moins intrusive et comptent sur l’auto-régulation à moyen terme de leur usager d’enfant. Enfin, dernière catégorie, celles et ceux qui ouvrent à fond les vannes du tout nouvel univers numérique qui s’offre à leurs enfants. Ils et elles glissent de temps à autre à leur enfant que : « Allez, il est temps de lâcher son téléphone ». Une méthode est-elle meilleure qu’une autre ?

Angoisse et projection

Pour y répondre, on tape à la porte de Valérie Dubost, psychologue, qui guide les parents dans les usages du vaste univers numérique. Alors, laquelle de ces trois typologies fonctionne le mieux ? Réponse typique de psy : toutes. « Aucune application ne remplacera jamais la vigilance parentale. Un parent qui parcourt les comparatifs d’offres, qui fait la démarche de se renseigner autour de soi et qui va paramétrer l’utilisation avec son enfant, c’est un super départ. Un autre qui dit à son enfant : ‘Tu vas apprendre à réguler ton usage seul·e’, est un parent qui fait confiance, mais garde tout de même un œil sur le temps de navigation de son enfant. Idem, c’est donc un bon début et un bon apprentissage. Enfin, les derniers, qui laissent faire, sont peut-être moins soucieux que les deux autres types de parents. Ils ne projettent pas les mêmes angoisses et placent les enjeux de l’éducation numérique à un autre niveau. Pour toutes et tous, l’enjeu, à chaque fois, c’est de réussir à vivre ensemble avec ça. Un·e adulte qui ne supporte pas la vision de son enfant happé, perdu dans l’écran ou celui qui ne chronomètre pas les heures de navigation de son enfant - sans qu’elles ne soient excessives, bien sûr - c’est d’abord une question d’angoisse et de projection ».

« On trouve toujours de quoi contourner l’app. Si Sacha a dépassé ses heures d’écrans, pas de problème, on va sur le téléphone de Juliette »

Notre psy de préciser que pour les 10-12 ans, il est recommandé maximum une heure et demie de consommation d’écran par jour, soit dix heures par semaine.
Si toutes les approches parentales diffèrent, un mot revient, celui de « paramétrage »

Comment le parent s’y prend ?

Des fonctionnalités, il en existe presque autant qu’il existe de marques de smartphone. Des plus rassurantes (Parentaler, Kidsafe, Parents dans les parages…) aux flippantes qui transforment les parents en espion (mSpy, EyeZy, Spyzie…). Les fonctionnalités restent à peu près les mêmes. L’appli star chez les parents interrogés ? Google Family Link, appelée couramment Family Link. Elle est gratuite. Notre rapide tour d’horizon auprès des parents usagers nous fait dire que c’est la plus fiable. Si tant est qu’un outil numérique puisse l’être et qu’on accepte d’utiliser un produit estampillé GAFAM.
« Elle permet de bloquer aisément les sites réservés aux adultes et ceux inappropriés aux enfants. En plus, on peut rentrer un peu plus dans le détail et établir une liste personnalisée de sites que l’enfant peut visiter », détaille Amélie*, maman d’une petite geek de 12 ans qui découvre les joies du « Gé » depuis la rentrée.
Autre mesure privilégiée par les parents, celle de gérer paramètres et filtres de recherche sur son navigateur préféré. Plusieurs fonctionnalités existent, Safesearch, intégrée à plusieurs apps, semble la plus sûre.
Grande marotte des parents, là aussi, celle de configurer les usages. « Nous, on remet ça régulièrement à jour, nous dit JC, papa d’un ado de 14 ans. C’est un boulot à plein temps. De temps en temps, je reçois des appels de copains de mon fils pour lui redonner un peu de temps de navigation sur telle ou telle app. Je trouve ça drôle. Il suffit de modifier les limites, suivre les instructions appli par appli ». Voire à verrouiller en un clic, et priver notre petit·e accro de l’utilisation de son téléphone, sauf pour répondre au téléphone ou passer un appel en urgence.
Enfin, certains parents sont friands de la fonction de localisation à distance. Hélène* s’en sert « parcimonieusement » - aucun parent ne nous a affirmé l’inverse… - parce qu’elle sait son petit étourdi et veut être assurée qu’il pense bien à se rendre en temps et en heure aux différents rendez-vous. « Un coup d’œil sur la fonction position permet de voir en temps réel où se trouve l’appareil connecté de mon fils. Je reçois une notification, je suis rassurée, je passe à autre chose ».
Tout ceci semble miraculeux. Sauf qu’à ce moment du tour d’horizon des bonnes pratiques, voilà que des (pré)ados sont venus tout démolir.

Utilisation des smartphones par les ados

On trouve toujours de quoi contourner l’app

Toute une bande de mignons et mignonnes de 11-12 ans avec qui on discute du sujet nous explique le plus naturellement du monde que tout cela, c’est bien gentil, mais qu’il y a toujours matière à tout contourner. « Si Sacha a dépassé ses heures d’écrans sur YouTube, pas de problème, on va sur le téléphone de Juliette. Victoria ne peut pas aller sur TikTok, mais les parents d’Émily sont O.K., alors on gratte le sien ».
Aux solutions, somme toute, très individualistes de géants hightech, nos apprentis geeks trouvent toujours des solutions collectives et presque solidaires pour contourner les règles. Aussi amusant qu’alarmant, pas vrai ?
Tout cela ne nous renvoie-t-il pas au monstre que l’on a créé ? Une société dans laquelle on remplace la vigilance adulte par des substituts 2.0. « Rien ne remplace une discussion autour des bons usages, agrée Valérie Dubost. Expliquez à votre enfant que, plutôt que de dresser des interdits, vous préférez gagner sa confiance. Qui va se gagner étape par étape, dans la durée. C’est un enjeu clé pour les parents de voir les ados eux-mêmes réguler l’usage du virtuel par eux-mêmes. Ça doit se faire avec, plutôt que contre ».
Les meilleures armes ? S’illustrer soi-même comme parent usager raisonné de l’univers virtuel et privilégier le plus possible des longues plages coupées des écrans. Vous savez : pour profiter de ce monde tout aussi intéressant que l’on appelle le réel.

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