Crèche et école

La vie dans les crèches ? Précieuse, unique ! Laurence Rameau, puéricultrice et formatrice, évoque l’évolution et l’importance des pratiques professionnelles en faveur d’un accueil de qualité. Encourageant pour les parents et essentiel pour les tout-petits !
La crèche est le lieu où le tout petit passe le plus de temps. Mais que s'y passe-t-il en fait ?
Laurence Rameau : « Il se passe la vie que les enfants ont envie de vivre à l’âge de la petite enfance : une vie d’explorateur et d’inventeur. Ils vont faire des expériences, inventer des tas de manipulations qui leur permettent d’apprendre. La journée en crèche, c’est le temps des repas, des câlins, de la sieste, des rapports affectifs avec les professionnels de la petite enfance. La vie y est différente de celle à la maison, car il y a beaucoup d’enfants du même âge, de 3 mois à 3 ans. Le bébé a l’occasion d’apprendre que l’autre existe et qu’il va pouvoir - devoir - en tenir compte. Avec les autres, il va pouvoir créer des jeux, s’amuser ensemble, avoir des interactions multiples. Tout n’est pas toujours rose : il peut y avoir des moments d’agressivité. Les professionnels sont là pour contenir, arrêter ces gestes négatifs comme les griffures, les morsures. Parfois, le geste agressif part trop vite. Le professionnel intervient en parlant afin que les enfants cherchent des solutions à travers la négociation. Le professionnel va consoler l’enfant qui a mordu et celui qui a reçu la morsure, ce qui est normal à cet âge-là. »
Comment gérer la séparation avec les parents ?
L. R. : « Il y a toujours une séparation qui s’opère que ce soit à la crèche, avec les grands-parents ou en d’autres situations. Beaucoup de crèches proposent des temps d’adaptation qui permettent de se séparer doucement. Il s’agit tirer l’élastique entre les parents et l’enfant sans avoir à le casser. Il importe de maintenir le lien, car la séparation est un temps important. Le seul souci, c’est quand les pratiques deviennent des procédures trop rigides. Les parents ont aussi besoin qu’on tienne compte d’eux, de la manière dont ils veulent se séparer de leur enfant. Ils souhaitent être entendu sur leur histoire personnelle. Des enfants ont déjà vécu la séparation, certains ont besoin de plus de temps, de plus de mots…d’autres moins. Il faut éviter toutes les procédures systématiques et pouvoir s’adapter à chaque famille. Il faut bien prévenir les parents et leur demander comment ils ont envie de se séparer de leur enfant. Cette une histoire entre eux et l’enfant et pas une histoire de crèche. »
Dans votre ouvrage (voir En savoir +), vous préconisez de nouvelles pratiques d’accueil. Quelles sont-elles ?
L. R. : « Les pratiques des crèches évoluent, elles s’adaptent aux représentations sociales et aux avancées des connaissances sur le jeune enfant, sur la manière de voir le monde, sur sa façon de se l’approprier. Ces pratiques reposent sur l’attachement, les repas, les relations avec les parents, les jeux, l’agressivité, l’aménagement des espaces ludiques, les critères de qualité…Nous proposons notamment un nouveau type de formation sur la théorie de l’attachement, 'la niche sensorielle' comme dit Boris Cyrulnik, et sur les premiers apprentissages dans un univers ludique. Le principe de base de la théorie de l'attachement est qu'un jeune enfant a besoin, pour connaître un développement social et émotionnel équilibré, de développer une relation d'attachement avec au moins une personne qui prend soin de lui de façon cohérente et continue. L’enfant en bas âge est capable d’attachements multiples avec les autres enfants, car ils ont besoin de se voir, de se toucher, de jouer…. L’attachement au(x) professionnel(s) est évidemment nécessaire. La crèche peut être cette niche sensorielle pour peu que l’équipe de professionnels soit mieux formée - principalement dans le domaine de la psychopédagogie - et suffisamment stable. Trop de turn over du personnel -absences, remplacements répétitifs, manque de personnel - est néfaste. L’enfant a besoin de stabilité et de sécurité. Il est important de valoriser la période de la petite enfance avant les mots parce qu’il existe un langage primordial qu’on ne peut passer sous silence. Et l’homme n’est jamais aussi grand que quand il est dans sa petite enfance. »