Loisirs et culture

Des livres mots pour maux

Pas toujours simple de dire ce que l’on a sur le cœur, que l’on soit un enfant ou un parent. La littérature jeunesse s’est emparée depuis longtemps de ces non-dits, qu’ils soient des secrets compliqués à exprimer ou des émotions qui nous submergent. Voici trois albums récents, axés sur les petit·e·s, qui abordent ces vécus.

► Les petits et les (trop) gros secrets

Un article récent sur les secrets expliqués aux parents démarrait à juste titre sur ce livre. Mylen Vigneault et Maud Roegiers creusent leur sillon d’une littérature jeunesse qui aborde les grandes questions de la vie. Elles l’avaient fait précédemment avec Le sais-tu ? Que tu ne dois pas tout savoir ! et La Liste. Pour garder son cœur d’enfant même quand on sera grand (à voir sur leligueur.be/2020-21). Des livres pour les parents, donc, et pour un échange intime avec son enfant, car ils demandent un accompagnement.
Cette fois, un ouistiti habillé en garçon, flanqué d’une tortue, nous introduit dans le monde des secrets. Les auteures distinguent les secrets bulle, qui rendent heureux ou font rêver, et les secrets brique, lourds à porter. La suite déroule le même genre d’oppositions entre secrets chanson ou citron, bonbon ou poison, fusée ou bélier, fleur ou peur, etc. avec des exemples puisés dans le vécu des marmots.
Le texte, bienveillant, encourage les enfants à faire la part des choses et à se débarrasser des secrets encombrants en les partageant avec une personne de confiance. Les illustrations expressives et colorées de Maud Roegiers sont poétiques et métaphoriques. Elles traduisent l’émotion qu’un secret peut susciter, une vitre brisée pour un secret canon par exemple. Bref, une autre manière de dire les secrets par le texte, l’image et l’échange.
Les petits et les (trop) gros secrets, de Mylen Vigneault et Maud Roegiers (Alice jeunesse/coll. Histoires comme ça). À partir de 6 ans.

► Émotions

Il fallait oser ce livre carré : un trait blanc sur fond noir en cover, un trait noir sur fond blanc à l’intérieur, presqu’un seul mot par page. Les éditions Pastel et le Belge Rascal qui ont déjà publié Pablo et Le petit chaperon rouge dans un registre similaire ont relevé ce défi de la sobriété : un objet minimaliste incroyable pour évoquer la complexité des émotions.
On sait que les tout-petits ont un faible pour le noir et blanc. Ici, il est augmenté d’un trait vif et prononcé. S’ajoutent à ce jeu graphique des détails et de la nuance dans l’énoncé des émotions : timide, triste, fier, amoureux, en paix, etc. À l’accompagnant·e de tisser des mots sur ces ressentis, en laissant l’enfant élaborer son propre schéma à partir du trait proposé. Le livre peut d’ailleurs servir de support pour évaluer une situation, une activité, une journée et aider à mettre des mots sur un vécu indicible.
Émotions, de Rascal (Pastel/L’école des loisirs). Dès 3 ans.

► Pourquoi tu pleux ?

D’emblée, le titre Pourquoi tu pleux ? suscite le sourire chez le lecteur ou la lectrice. Le ton est donné, le texte poursuit sur cette lancée inventive : « Tu bruines, tu pleuvines, tu pleux averse ou… tu pleux comme vache qui pisse ? », « Tu pleux d’avoir trop plu ? » : autant de questions d’un chat imaginatif et complice à une petite fille rousse armée d’un parapluie, de bottes et d’un ciré jaune pour affronter toutes les déclinaisons d’une météo émotionnelle capricieuse. Du coup, celle-ci lui répond : « Je pleux d’oraaage ! Ça me gronde, ça me tonnerre en dedans (…) ça me bourrasque la tête (…) ». Oui, il est possible de rire de ses tristesses et colères quand on peut les évacuer.
Les illustrations de notre compatriote Anne Crahay mêlent crayons de couleur, peintures et papiers découpés pour décrire ce tsunami. Des images… parlantes. Tendres et amusantes. Notez l’histoire parallèle et discrète d’une chenille spectatrice.
Pourquoi tu pleux ?, d’Anne Crahay (Didier Jeunesse). Dès 3 ans.



Michel Torrekens

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