Développement de l'enfant

Elle dit quoi, l’image ?

Impossible de bouger sans être attaqué par des informations visuelles en tous genres. Tant pis, tant mieux. Vos enfants y sont aussi exposés et ce n’est pas toujours évident de leur expliquer. Comment les aider à décrypter ces images ? On ne va pas vous faire un dessin, on préfère vous donner quelques astuces.

L’affaire Charlie Hebdo a ébranlé le monde et est sans doute entrée dans votre foyer. Les images ont défilé. Toutes sortes d’images. Et vous vous retrouvez à devoir expliquer à vos enfants - non sans mal - leur contenu, leur symbolique.
Michel Poivert, historien de la photographie et professeur à l’Université Paris I, explique : « L’enfant perçoit l’image comme une information. Il sait qu’il y a un sens. Vous devez l’aider à le trouver. Il est important de ne surtout pas commencer par l’explication tout de suite. Il faut rester très premier degré. »
Aussi, il y a une relation immédiate entre l’image qu’il a sous le nez et son imaginaire. Vous pouvez donc combiner avec son petit univers : ses héros préférés, ses dessins animés, ses jeux...

Passe, vois, regarde

Parce qu’ils ont besoin de tout comprendre, nos chers bambins aiment décrypter. Mais faut-il systématiquement expliquer ? « C’est capital, nous répond l’expert. Sans quoi une image est vue, mais elle n’est pas regardée. Il existe trois étapes lorsqu’un enfant découvre une illustration : l’inconscient optique, tout ce qui défile dans son champ de vision. Puis le fait de la voir, elle l’attrape. Et enfin, il la regarde. »
Autre conseil : ne jargonnez pas. Expliquez simplement. Vous pouvez même raconter une histoire, faire parler l’image : « On peut faire dire plusieurs choses à un contenu, il n’a pas qu’un sens ».
Important à savoir : le dessin est de l’ordre du jeu, du geste. Votre petit est plus à l’aise avec, c’est son langage, puisqu’il passe son temps à s’y adonner. La photo, en revanche, fait office de morceau de réalité pour lui.
« J’ai remarqué que les petits ont intégré ce qui peut être un ‘fake’, une photo truquée. Quand cela leur semble bizarre, ils doutent. Leur rapport est différent avec les images de la télé. Elles font office de vérité », observe Michel Poivert. De plus, ils ne se disent pas forcément qu’il y a quelqu’un derrière. Or, un humain est toujours derrière une image. C’est important de le leur dire, car eux aussi en produisent. Ce lien les rassure.

Petite mise en œil

Vous pouvez vous exercer chez vous et présenter l’analyse de l’illustration comme un jeu. Commencez avec un ou plusieurs dessins, puis des photos. Le professeur préconise : « L’enfant ne hiérarchise pas, cependant j’aurais tendance à privilégier ce qui leur parle : nature, animaux, etc. Finalement, ils sont moins familiers avec l’illustration, ils n’en regardent pas tant que ça. Ils voient beaucoup de dessins, beaucoup d’animations, de jeux vidéo, de graphismes. »
L’image d’actualité, elle, les attrape un peu par accident. Souvent en cas de choc, comme ça a pu être le cas récemment et sans qu’enfants et adultes puissent mesurer son impact. Comment réagir alors ? Tout d’abord en se demandant ce qu’on apporte, nous, en tant qu’adultes.
« Si un enfant a conscience des différents symboles, c’est déjà très bien. L’ambivalence inquiète les parents, tout comme les enfants. C’est là où il est important d’avoir un sens de la nuance. Apaiser, donner une stabilité », conseille Michel Poivert.
En cas d’image choc, il faut donc bien analyser les besoins de votre petit. « Par exemple, il m’est arrivé de donner des pistes à mon fils de 10 ans qui ne comprenait pas une illustration. J’ai vu que ça ne lui allait pas. J’ai continué. Puis, à un moment, il dit : ‘Ah, O.K. !’. Il a pris ce qu’il voulait. Il faut être patient et à l’écoute. »

Les contes de l’angoisse

Les photos chocs, d’accord. Mais il y a aussi la symbolique du conte. Un dessin peut être terrorisant. Quoi qu’il en soit, il faut surtout ne pas mentir ou amoindrir le contenu. Et répondre avec des choses simples. « Quand on a fait le livre (voir encadré), on a fait des tests auprès des enfants, pour voir ce qui marchait ou pas. Une chose nous a frappé : une image peut dialoguer avec une autre. »
Un loup fait très peur sur un dessin ? Montrez-en un plus sympathique et dites qu’il s’agit de la même chose, mais d’un autre point de vue. Car, au final, la conclusion précieuse du spécialiste est que rien ne parle mieux d’une image qu’une autre image.



Yves-Marie Vilain-Lepage

En savoir +

Michel Poivert est historien de la photographie et docteur en histoire de l’Art contemporain et professeur à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Il a été président de la Société française de photographie pendant quinze ans. Il met son expertise au service de la pédagogie dans son ouvrage Histoires de la photographie, coécrit avec Julie Jones (coédition le Jeu de Paume/Le Point du Jour). Il s’agit du premier livre expliquant la photographie aux enfants, en six thèmes-clés et près de cent illustrations. À partir de 8 ans.

Des parents en parlent...

La stratégie du choc 

« Nous n’avons pas la télé et avons beaucoup suivi dans les journaux les attentats chez Charlie Hebdo. Beaucoup de photos chocs, de dessins et de contenus inadaptés aux petits. Nous avons tenté d’expliquer le contexte, mais le plus dur était de relier les photos aux évènements. « Pourquoi le monsieur est encagoulé ? », « Pourquoi on voit des policiers partout ? ». Je pense que la stratégie du choc, c’est ça : créer la confusion dans les foyers. Impossible d’expliquer ce que l’on ne comprend pas nous-mêmes. »
Lisa, mère de Téo, 12 ans, et Alba, 9 ans

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