Société

Février 1985 : pour Julie

L'histoire de Julie dans le Ligueur en 1985

L’ARCHIVE DU MOIS

C’est une histoire émouvante qui se partage en février 1985 dans les pages du Ligueur sous la plume de Françoise Humblet. Elle fait écho a un événement qui s’est déroulé deux mois plus tôt, à la ferme de Martinrou, à Fleurus. « Au mur, une grande photo en couleur d’une petite fille de 2 ans, Julie, enlevée à ceux qui l’aimaient il y a juste un an par la leucémie. À l’entrée, ses parents, discrets, émus, accueillent leurs amis si nombreux ».
Au cœur de ce moment partagé, donc, un visage, mais aussi une chanson. Nous sommes en 1985. Les moments de communion autour de la musique ne se font pas via des smartphones, Spotify ou YouTube. La chanson qui se fait entendre est gravée sur un vinyle, un 45 tours intitulé simplement Julie. « Nous l’écoutons dans un silence d’église, c’est très beau ».
Au-delà de l’émotion procurée, la démarche des parents est très concrète et inspire le respect. « À la mort de leur petite fille, au moment de cette énorme injustice qu’est la souffrance (depuis l’âge de 4 mois) et la mort d’un enfant, les jeunes parents, au lieu de se replier sur eux-mêmes, se sont dit, au travers de leurs larmes, ‘faisons quelque chose ; que le départ de Julie ne se soit pas fait en vain’ ».
D’où la création d’une asbl, « Julie, vaincre la leucémie ». D’où ce disque vendu 120 francs au profit de la recherche en leucémie infantile. La chanson a été écrite par Serge Mohimont qui, en ce début des années 80, vient de sortir deux albums. Contacté 40 ans plus tard, il se replonge dans ses souvenirs. « À l’époque, je travaillais dans l’enseignement, la maman de Julie était une collègue. J’ai composé cette chanson pour eux, à leur demande. J’ai laissé tomber les droits d’auteur. Tous les bénéfices allaient à l’ASBL ». Une chanson explicite, entre douleur et espoir, dont les derniers mots sont : « Qu’à tant d’autres puisse servir ton histoire ».
La générosité s’est exprimée. De façon forte. Au moment d’écrire son article, Françoise Humblet évoque 5 000 exemplaires et une rupture de stock. « En fait, au bout du compte, précise Serge Mohimont, ce sont 10 000 exemplaires qui ont été écoulés ». Faites le compte, c’est plus d’un million de francs belges (25 000€) qui a été récolté. Une somme bien nécessaire. Selon les informations collectées à l’époque, l’argent consacré à la recherche en Belgique est trop faible, il n’atteint que « 50% du budget semblable aux Pays-Bas ».
Cet élan solidaire a marqué le Ligueur. Pour preuve, la conclusion de l’article entre empathie et action nécessaire. « Cette histoire n’est pas seulement émouvante, elle est exemplaire. Je la livre à tous ceux qui tournent autour de leur chagrin, sans y trouver, non pas un effacement, mais une issue. À tous ceux qui se croient incapables d’entreprendre quelque chose. À tous ceux-là, je te livre, Julie ».