Société

Sur le C.V. de Guillaume Lobet, on peut lire qu’il est agronome, enseignant et chercheur à l’université. Récemment, le Namurois d’adoption a ajouté une corde supplémentaire à son arc, celle de boulanger bénévole. Parce que le presque quarantenaire croit fermement que chacun, chacune a droit à une alimentation de qualité. Un projet personnel qui a pris des allures familiales cet été tant il est porteur de sens pour ses ados comme pour sa moitié.
Guillaume Lobet nous reçoit chez lui, du côté de Namur. C’est un grand gaillard d’1m94 qui m’ouvre énergiquement la porte. Dans la maisonnée, une délicieuse odeur de pain tout frais, tout chaud nous plonge immédiatement dans le sujet. « Il y en a qui vont à la salle de sport, moi je fais du pain. Je ne sais pas si ça a les mêmes effets sur la santé, mais ça me fait du bien », entame Guillaume avec bonhommie.
Il y a deux mois, l’enseignant-chercheur à l’UCLouvain s’est lancé dans un nouveau projet : ouvrir une micro-boulangerie sociale. Pas de reconversion professionnelle à l’horizon, l’homme ne compte pas grossir les rangs des néo-boulangers. Faire du pain ne doit pas lui rapporter du blé, juste couvrir ses coûts de production. « J’ai la chance de ne pas avoir d’impératif économique ». Son objectif : vendre une partie des pains pour offrir le reste de sa fournée à celles et ceux qui n’ont pas les moyens de se le payer. « Le pain, c’est la base ».
En tant qu’agronome, Guillaume s’est toujours intéressé aux enjeux liés à l’alimentation. « Je me souviens d’un article de la revue Tchak qui donnait la parole aux bénéficiaires d’épiceries sociales. Ils y expliquaient que c’était déjà suffisamment difficile comme ça de se rendre dans ce genre de lieu, et plus encore si c’était pour récupérer des trucs de mauvaise qualité ».

L’histoire commence il y a quatre ans. Covid oblige, la Belgique tourne au ralenti. Guillaume en profite pour mettre la main à la pâte. La sauce prend. Deux ans plus tard, il s’inscrit à une formation en cours du soir en boulangerie-pâtisserie. Le lundi, exit l’université, place à la charlotte sur la tête et au tablier. Ce rendez-vous hebdomadaire aiguise son toucher. « T’as beau lire et regarder toutes les vidéos que tu veux, rien ne remplace la manipulation ».
Après un an de formation, Guillaume profite d’un congé parental pour passer à la pratique à la boulangerie des Jardins d’Arthey. De quoi se former au pain au levain et se frotter à la réalité du métier de boulanger. Dans la foulée, il passe un examen devant le jury central qui lui octroie un accès à la profession.
« Dans l’imaginaire collectif, le fait de produire un bien ne rime pas avec bénévolat »
Fort de cette nouvelle corde à son arc, une idée germe et chemine en Guillaume. « Je me suis dit, je vais faire du bon pain et le donner. Au même titre que celui ou celle qui tient la boutique Oxfam ou sert du café à l’hôpital, je pourrais être boulanger bénévole. Quand j’en parle autour de moi, je me rends compte que les gens ont des difficultés à comprendre mon projet. Il ne rentre pas dans les cases. Dans l’imaginaire collectif, le fait de produire un bien ne rime pas avec bénévolat ». Guillaume met à profit l’été pour étayer son projet et tester une formule qui tienne la route financièrement. Pour pouvoir donner cinquante pains, il doit en vendre vingt. Attaché à la dynamique de quartier, c’est auprès du voisinage qu’il écoulera le lot à vendre. Côté installation, Guillaume décide de convertir son abri de jardin en atelier. Une manière pour lui de concilier ce nouveau projet avec sa vie de famille. « Ça m’offre beaucoup de flexibilité. Quand je suis à l’atelier, je suis là pour les filles. Cette simple présence physique laisse la porte ouverte aux échanges ». Une donne qu’apprécie fortement le papa qui a travaillé huit ans en Allemagne.
« Il n’y a que dans mon boulot de père que je suis irremplaçable. Tout le reste, enseigner, mon travail de recherche, faire du pain, d’autres peuvent le faire à ma place »
« Je partais du mercredi au vendredi. Le plus dur, c’est la distance, l’impossibilité d’être là en cas de besoin ou d’urgence alors qu’il n’y a que dans mon boulot de père que je suis irremplaçable. Tout le reste, enseigner, mon travail de recherche, faire du pain, d’autres peuvent le faire à ma place. »
Le chantier de rénovation mobilise toute la famille. « Je pense que ce projet correspond à leur recherche de sens et s’aligne avec leurs idéaux ».Capucine, sa fille aînée de 13 ans, aide à l’isolation tandis que Zoé, 11 ans, enduit les murs d’argile. Pour la crédence, c’est Marie-Pierre, sa femme, qui assure aux commandes. C’est elle aussi qui fait connaitre le projet sur les réseaux sociaux. Capucine accompagne également les livraisons à la coopérative sociale.
Manquait encore à l’atelier sa pièce maitresse : le four. Le 8 juillet, un crowdfunding de 10 000 € est lancé. En un mois, 123 contributeurs et contributrices répondent à l’appel et la totalité de la somme est récoltée. L’aventure de la micro-boulangerie sociale Le Pain des Noyers est bien lancée.

EN SAVOIR +
Le Pain des Noyers dispose d’une page Facebook et d’un compte Instagram. Un projet de formation à la fabrication du pain est aussi dans les cartons pour les prochains mois.
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