Loisirs et culture
Dans le seule-en-scène C’est pour quand ?, Gwendoline Wallon interprète Marine, jeune trentenaire se débattant avec la pression sociale à faire des enfants. Une pièce inspirée de sa propre expérience.
Bien qu’elle ait mis une heure pour nous rejoindre dans ce petit café ixellois, Gwendoline Wallon est tout sourire face à son thé au jasmin : « J’aime bien bouger : ça me permet de découvrir d’autres coins ». Curieuse et littéraire, la jeune Anderlechtoise avait d’abord empoché un master en langues et littératures françaises et romanes avant d’enchaîner avec le Conservatoire de Bruxelles. « Je manquais de confiance en moi pour me lancer directement, mais j’avais le regret de ne pas avoir essayé ».
Grand bien lui en a pris. Avec l’agrégation en prime, elle enseigne aujourd’hui, à 36 ans, le théâtre à des adultes et des enfants dans deux académies. « Ce qui occupe la majorité de mon emploi du temps, le reste est consacré aux projets de la compagnie ». Celle qu’elle a fondée, il y a deux ans, avec son « amie, collègue et co-autrice » Wendy Piette : l’asbl Mama Compagnie.
Les deux jeunes femmes se sont donné pour mission, par le biais de leurs créations, de s’interroger sur la place de la femme dans la société. « Même si on n’est pas estampillées féministes à mort, nous avons la volonté d’attirer l’attention sur les choses qui se jouent à tous les âges ». Par exemple, elles jouent Émotions, un spectacle avec des marionnettes de doigts qui s’adresse aux tout-petits. « Les émotions ont souvent fait partie du spectre féminin. Pendant longtemps, les garçons n’ont pas été élevés à exprimer leurs émotions. Ici, on propose une autre version de la masculinité ».
Fais-en un spectacle !
Cet hiver, la comédienne reprend son seule-en-scène C’est pour quand ?, dont le titre fait référence à la fameuse question que toute trentenaire nullipare a forcément déjà entendue… « Cela faisait quelques années qu’on me posait régulièrement la question ‘C’est pour quand ?’. Je me souviens très bien que lors d’une fête de Noël, où ma sœur venait d’accoucher, toutes mes tantes m’ont posé la question : ‘Quand est-ce que tu lui fais un cousin ?’. Alors qu’on venait d’acheter une maison, que j’étais en plein milieu de mes études, ce n’était donc pas du tout le moment de tomber enceinte. C’est comme si cela effaçait tout le reste de ma vie pour ne me ramener qu’à ça. Je suis rentrée très énervée. Face à cette colère, mon mari m’a dit : ‘Tu es comédienne, tu n’as qu’à en faire un spectacle’ ».
Dont acte. Gwendoline se met à écrire. « Mais cela ressemblait à du stand up et je risquais de tomber très vite comme donneuse de leçons ». Elle propose alors à Wendy, « qui venait d’avoir son fils et était dans un autre degré de la parentalité », de co-écrire la pièce et de la mettre en scène. « Elle m’a aidée à prendre de la distance et à intégrer beaucoup d’humour dans le texte ».
Une question pivot
Le personnage de Marine, 30 ans, ingénieure commerciale qui a du bagou et ne mâche pas ses mots, était né. L’idée était de décomposer cette pression sociale à faire des enfants qui pèse essentiellement sur les épaules de jeunes femmes. Si la pièce est écrite depuis sept ans, elle n’a cependant été jouée la première fois qu’il y a deux ans pour cause de… naissances ! Gwendoline est depuis lors devenue maman d’Élisabeth, 5 ans, et d’Edgar, 2 ans.
« Je ne suis plus dans la colère, mon jeu est plus juste. Car, même si je suis très heureuse d’être maman, je revendique encore plus le droit des femmes de pouvoir dire ‘la maternité ne m’intéresse pas du tout’. Car il y a des moments où c’est vraiment dur et on nous le cache encore trop ».
À toutes les femmes
C’est pour quand ? s’adresse à toutes les générations : « C’est un message de partage de vécus à des femmes de ma génération qui vivent cette pression, mais aussi à la génération de nos parents pour dire : ‘Arrêtez, lâchez-nous la grappe’. Parce que vous ne savez pas tout ce que cache cette question. Ce qu’on a voulu mettre en avant, c’est que cette question est un pivot entre la vie publique et la vie très intime. Quand on a un enfant, on ne peut pas le cacher : votre vie intime devient publique. Mais la décision à prendre ou ce que vous vivez pour y arriver, cela vous appartient et le monde entier n’a pas besoin de le savoir ! ».
Le duo de Mama Compagnie bosse déjà sur la suite de la pièce. Celle-ci devrait aborder le regret maternel (vous pouvez les aider à la création en remplissant ce questionnaire : mamacompagnie.be/questionnaire). De quoi s’attaquer à un autre tabou.
