Développement de l'enfant

Souvenez-vous : enfant, après chaque éboulement dentaire, vous vous couchiez rêvant à ce que vous trouveriez dès potron-minet. Le célèbre rongeur vous gâtait. Vous voilà à présent parent et la petite souris est de retour dans votre vie. Mais qui est-elle ? Où vit-elle ? Comment préparer son arrivée ? Et surtout, comment s’en faire une alliée ? Autant de questions qui vont trouver réponse au travers de témoignages de parents et du dentiste Stéphane de Quénetain qui collabore souvent avec le muridé.
5 ans, 6 ans, 7 ans, le compteur tourne et les mâchoires grandissent. Depuis peu, votre petit laisse traîner ses petits doigts de fée dans ses mandibules. Ses jolies petites dents bougent de plus en plus. Jusqu’au jour où, comme un pétale en automne, l’une d’entre elles choit.
Quelque part, derrière un meuble, un mignon petit rongeur suit toute la scène. Prête à bondir et parfaire sa collection, la petite souris est bien plus attentive qu’on ne le pense. Amélie, maman d’une édentée de 5 ans, raconte : « Notre fille se demandait comment cette fameuse souris surveillait ses faits et gestes pour savoir si récompense il y aurait ou non. Elle n’avait pas été sage de la journée. Elle nous disait qu’elle le serait une fois rentrée à la maison, car d’ici là, la petite souris ne pouvait pas la voir ». Du moins, c’est ce qu’elle croyait…
Perdre une dent, c’est grandir
Une fois couchée, qu’elle ne fut pas sa surprise de découvrir que la petite souris - Couic-couic - lui avait laissé un mot minuscule pour lui expliquer qu’elle ne lui apporterait pas de pièce ou de petit cadeau tout de suite. Parce que perdre une dent, c’est grandir.
Ritualiser ce passage, est-ce une bonne idée ? Stéphane de Quénetain, dentiste, atteste. « Mais oui. C’est très bien, ça apporte un peu de magie, d’irrationnel. Et puis, parfois, ça calme les angoisses aussi. Quand c’est le dentiste qui enlève la première dent, ça donne du courage. Les enfants sont trop contents de repartir avec leur dent pour la donner à la petite souris ». Que ce soit Couic-couic ou une autre.
D’ailleurs, le docteur nous raconte qu’il a des patients chez qui les rites diffèrent. Certains petits montrent leur dent au soleil. Ils font le vœu que leurs dents soient aussi belles et fortes que celles d’un animal de leur choix. Un lion, une panthère. « J’ai enlevé la dent d’une petite fille qui m’a raconté que lorsqu’elle perdait une dent du haut, elle devait la jeter dans une rivière et que lorsqu’elle perdait une dent du bas, elle devait la jeter au-dessus d’un arbre. C’est drôle toutes ces symboliques de passage pour ce qui est finalement un non-évènement en terme purement dentaire », s’amuse le spécialiste.
On retrouve Amélie qui nous raconte la suite des aventures de sa fille et de Couic-Couic. « Elle a été très surprise de recevoir ce mot et a bien compris qu’il fallait qu’elle fasse des efforts. Ce n’est pas du tout cuit avec la petite souris. Grandir, ça se gagne ». C’est alors que la petite trublionne comprend l’astuce : Couic-Couic consulte les dents tombées la nuit pour vérifier les faits et gestes de l’enfant qu’elle gâtera ou non. En fonction de son comportement, donc. Pas bête.
Est-ce bien de se servir de la petite souris comme coéquipier ? « Pourquoi pas, répond le dentiste. Tant que ça reste dans le but d’éduquer et de faire grandir. On peut même s’allier à elle pour donner des leçons d’hygiène dentaire. Une dent trop cariée ? ‘La petite souris va voir que tu as mal brossé tes dents ou que tu manges trop sucré’. Évidemment, elle va passer quand même, mais… ». Ne pas céder au chantage, telle est la limite. Maintenant, il ne faut pas oublier deux-trois choses…
Petite souris et improvisation ? Faux amis !
Emma est rompue aux allers et venues de la petite souris. Quatre enfants et presque une centaine de dents tombées plus tard, elle nous le confirme : préparer l’arrivée du rongeur, c’est tout une affaire.
« Chez nous, elle s’appelle Bernadette. Mieux vaut avoir toujours de la monnaie ou des petits paquets tout prêts. En ce moment, nos jumeaux perdent leur dent en même temps et Bernadette - le plus souvent au four et au moulin - n’est pas toujours prête à affronter les situations les plus urgentes. Un coup d’avance n’est pas du luxe, surtout pour les familles nombreuses. »
Autre idée, rappelez bien les règles à vos enfants. Comme pour saint Nicolas ou le lapin de Pâques. Couic-Couic, Bernadette et tous les autres passent au beau milieu de la nuit, il faut donc bien se brosser les dents, se coucher tôt et être bien sage. L’animal ne passe que quand les enfants dorment.
À ce propos, ne perdez pas de vue que la petite souris - même si elle connaît votre chaumière par cœur - n’habite pas chez vous. Il peut être assez commode de lui frayer un chemin jusqu’au lit du chérubin qui ne dort que d’une oreille, s’étant juré de surprendre la petit bête.
« Il nous est arrivé que Couic-Couic s’emmêle les pinceaux et bute contre quelques pièces de Lego ou autres jouets bruyants. Elle n’est pas toujours à l’aise dans le noir », confesse Amélie, penaude. Emma, elle, laisse toute l’interface avec la petite souris à son mari. « Non pas que ce soit une corvée, mais j’ai le sentiment qu’il est super fier et plus touché par la magie autour de Bernadette que je ne le suis. Se partager les postes, c’est plutôt une bonne chose, non ? ».
Enfin, Stéphane de Quénetain nous donne un conseil de papa et de dentiste. « Certains sont vraiment impatients de voir la petite souris débarquer et puis la dent qui bouge pendant des semaines parfois, c’est pénible. Dans ce cas, je recommande de manger une bonne pomme, c’est un très bon remède. Et puis, quoi, continuez à les faire rêver, c’est pas mal, quand même ». À tous les anti-rongeurs, un peu de courage, il ne reste plus que vingt-six dents !
Yves-Marie Vilain-Lepage
En pratique
Premières dents qui tombent, on fait quoi ?
- On se brosse les dents deux fois, deux minutes par jour.
- On mange normalement, même si c’est dur et que c’est susceptible de faire tomber la dent.
- On ne s’arrache pas la dent tout seul, on attend qu’elle tombe, même si c’est long.
- On se lave les mains et on évite de passer son temps les doigts dans la bouche.
- On ne panique pas si l’enfant a les mains sales et qu’il se triture la dent, la bouche est un nid à bactéries, jusqu’à 400, elle ne s’infecte pas plus au moment où la dent bouge ou tombe.
- On ne fait pas de bain de bouche : trop petit encore !
- On est patient. La repousse peut se faire en plusieurs mois
- On est patient (encore), la chute peut-être tardive, jusqu’à 10-12 ans chez certains.
- On s’acclimate au dentiste. Les soins sont 100 % remboursés chez tous les dentistes agréés, jusqu’à 18 ans. En plus, tous les parents peuvent avoir recours au tiers-payant qui permet de ne pas avancer la somme dont ils se font rembourser. Plus d’excuses.
À lire
De quoi se mettre sous la dent
Les dents à petits pas de Nathalie Tordjman et Jorg Muhle, aux éditions Actes Sud Junior (Dès 6 ans). Tout sur les dents, de leur formation, à leur évolution, en passant par les dangers et les types de prévention. Voici un ouvrage ludique et scientifique pour les enfants, leurs parents et même leur dentiste.