Développement de l'enfant

Comme chaque hiver, quand le temps devient froid et maussade, les jeux de société sont une bonne solution pour occuper ses enfants. Un moment de partage, mais aussi, parfois, de petits drames. Alors, pour éviter de voir sa progéniture se mettre en boule au terme d’une partie, il peut être tentant de la laisser gagner. Avis d’expert et de parents.
« Et si on laissait le plus jeune remporter la partie, histoire de l'encourager. ». En tant que parent, cette idée vous a déjà sûrement traversé l'esprit. Quelques erreurs de cartes, de subits trous de mémoire et voilà l'affaire réglée !
Natalie Peninger, professeure et spécialiste de la petite enfance, n’est pas contre : « Avant de vouloir apprendre à son enfant à perdre, il faut lui inculquer le plaisir de jouer. Si votre enfant ne gagne jamais, il perdra son intérêt pour le jeu. Une victoire de temps à autre peut le motiver à continuer à jouer et l’aider à développer ses habiletés. Si l’enfant a perdu la première partie, il n’y a pas de mal à le laisser gagner la suivante ».
Pour autant, Natalie Peninger insiste sur le fait que cela ne doit pas être systématique, faute de quoi l’enfant ne sera plus capable d’accepter la frustration d’avoir perdu. « Si vous laissez toujours votre enfant gagner, vous lui donnez l’illusion qu’il est le plus fort. Il sera alors beaucoup plus déstabilisé s’il perd en jouant avec quelqu’un d’autre ».
Et en effet, lorsqu’un enfant joue avec des copains et des copines, ceux-ci ne le laisseront pas gagner. Idem à l’école. En famille, on ne peut pas non plus toujours demander à l’aîné de laisser gagner son petit frère ou sa petite sœur. « Beaucoup d’aîné·e·s de fratries le font spontanément. Mais, malgré tout, ce n’est pas gai de devoir se dévaloriser dans ses compétences au bénéfice du plus petit. Une alternative peut être de faire jouer les enfants en équipe contre les adultes », conseille-t-elle.
Apprendre à perdre
Pour notre experte, dès l’âge de 4 ans, un enfant est capable d’apprendre à perdre. Mais ce n’est pas si simple… Natalie Peninger nous livre quelques pistes de solutions qui ont fait leurs preuves :
► Dans un premier temps, privilégiez les jeux de collaboration ou en équipe. Les joueurs jouent ensemble, et non pas l’un contre l’autre : il est toujours moins difficile de perdre en équipe que seul contre un adversaire. Une fois que l’enfant est capable de perdre en équipe, il est capable de perdre tout seul.
► Les jeux de hasard, comme la bataille, par exemple, sont aussi une bonne alternative pour les enfants qui détestent perdre. Les deux joueurs sont sur un pied d’égalité et l’enfant a autant de chances de gagner que l’adulte. Ces jeux permettent à votre enfant de comprendre qu’il peut perdre un jour et gagner le lendemain.
► Renouveler régulièrement vos jeux. Certains enfants seront plus doués pour les jeux d’observation, d’autres pour les jeux de tactique, etc. En variant les jeux de société, votre enfant démontrera peut-être plus d’habileté pour certains d’entre d’eux. Misez sur ses intérêts : ils alimenteront sa motivation à jouer, peu importe l’issue du jeu.
► Il est aussi possible d’adapter les règles du jeu en disant, par exemple, que les plus petits peuvent lancer le dé deux fois. Mais il faut alors que tous les joueurs soient d’accord et maintenir cette règle jusqu’à la fin de la partie.
► Verbalisez vos émotions. Quand vous perdez, soulignez votre déception, mais dédramatisez aussi l’échec. Si c’est votre enfant qui a perdu, mentionnez-lui le plaisir que vous avez eu à jouer avec lui : « On s’est vraiment bien amusés ! Tu as très bien joué ». De la sorte, vous mettez l’accent sur le plaisir du jeu en soi, et non sur son résultat.
► Enfin, bien sûr, vous devez donner le bon exemple. Si vous vous montrez bon joueur, vos enfants imiteront ces comportements dans leurs propres jeux.
Mais pourquoi veut-il absolument gagner ?
Soyons honnêtes, même nous, « grands adultes matures et responsables », lorsqu’on fait un scrabble ou un poker avec des amis, on préfère aussi gagner. C’est humain. L’enfant, lui, veut gagner par fierté, mais surtout pour montrer ce qu’il est capable de faire.
C’est pourquoi Natalie Peninger conseille de d’abord jouer en tête à tête ou en famille avec son enfant avant de le confronter aux jeux de groupe. « Pour un enfant, il est plus facile d’être confronté à l’échec dans le milieu familial où l’on est rassuré sur l’amour de sa famille que dans un autre milieu où l’on se sent beaucoup moins soutenu », explique-t-elle.
Pour un enfant, il est plus difficile d’accepter l’échec contre un autre enfant que contre un adulte, plus expérimenté et qui maîtrise les règles. Reste que l’adulte doit savoir gagner avec humilité, sans se moquer. Laisser gagner son enfant doit aussi se faire en toute discrétion. « Si l’enfant se rend compte qu’on l’a laissé gagner, cela peut aussi mettre à mal sa confiance en soi. Il le perçoit comme un manque de confiance de ses parents envers ses capacités », commente notre experte. L’enfant aime être fort, pas qu’on le laisse gagner.
Gérer les mauvais perdants
Pour Natalie Peninger, face à un enfant qui fait une grosse crise parce qu’il a perdu, le mieux est de rester indifférent. Il reviendra de lui-même quand il aura envie de jouer à nouveau. « Si en cours de partie, l’un des enfants perd et décide de quitter le jeu, laissez-le dans son coin et continuez la partie sans lui. Les autres joueurs ne doivent pas être pénalisés par le mauvais perdant ».
Quand l’enfant est calmé, vous pouvez revenir avec lui sur les faits. « Mais inutile de lui faire la morale, souligne Natalie Peninger. Il sait déjà que vous n’avez pas aimé son comportement. Laissez-le simplement exprimer ses sentiments ». Évitez aussi de donner à la défaite un aspect dérisoire, car, pour l’enfant, le jeu s’assimile à l’apprentissage de la vie. « Dire à un enfant qui râle d’avoir perdu qu’on ne peut pas toujours avoir ce qu’on veut dans la vie n’est pas constructif pour lui. Un enfant de cet âge n’a pas encore une vision assez large de la vie et de la société pour pouvoir comprendre ce genre de remarque ».
G. H.
Des parents en parlent
Pas de compétititon
« Nous jouons beaucoup aux jeux collaboratifs. Ma fille a eu un peu de mal à comprendre le principe au début : elle jouait pour elle-même et était toute perturbée à la fin de voir qu'on avait tous perdu alors qu'elle avait sauvé tous ses pions. J'aime le principe de ces jeux. Les enfants vont passer leur vie à être mis en compétition face à leurs camarades, autant laisser ça aux portes de la maison. »
Albin, une fille de 8 ans
Un jeu d’équilibre
« Je triche régulièrement pour laisser mon fils gagner. Mais pas tout le temps non plus afin qu’il ait envie de retenter sa chance, de faire la revanche. Gagner lui donne envie de continuer et perdre lui donne envie de persévérer. À certains jeux, comme Uno ou Jungle Speed, il est déjà plus fort que moi. Alors là, plus de pitié ! »
Marianne, un fils de 5 ans
En pratique
Tous aux après-midi jeux
De plus en plus de communes, de centres culturels et de ludothèques organisent des journées découverte, généralement gratuites ou, au pire, très bon marché (de 2 à 5 euros par famille). On découvre de nouveaux jeux mais, pour les enfants, c’est aussi l’occasion de jouer face à des adultes qui ne sont pas leurs parents. Une nouvelle expérience intéressante pour votre enfant… et pour vous, parents !
Pour plus d’infos, renseignez-vous après de votre commune.