Vie pratique

Le camp, la vie en grand

La vie en camp, un espace de découverte et d'autonomie pour les enfants

En plein dedans ou fraîchement rentré·es, ce qui y est vécu n’appartient qu’à elles, qu’à eux. Mais ce qui en est retiré, on vous le livre. Pour nourrir cet article, un joyeux patchwork de souvenirs et de retours de parents, chef·fes et représentant·es des Fédérations des Guides et des Scouts.

Une semaine que vous ne l’avez pas vu. Sept jours sans nouvelle. Pas même un message. Rien à vous mettre sous la dent pour satisfaire votre curiosité ou éteindre votre anxiété. Vous avez dû mordre sur votre chique. Tenir bon pour ne pas écrire aux chef·fes. Votre patience est enfin récompensée. Le dernier jour du camp est arrivé. Vous allez enfin revoir votre enfant. Le cœur battant, vous scrutez la prairie. Main en visière, yeux plissés, vous passez en revue le groupe à l’affût de sa silhouette.
Au bout de quelques minutes, vous l’apercevez. Accroupi face à une grande bassine, votre fiston fait la vaisselle dans la bonne humeur avec deux autres baladins. Ça y est, il vous a vu, se redresse et vous adresse un large sourire. Vous n’en croyez pas vos yeux. Qu’est-ce qu’il a changé ! Les cheveux en bataille, la mine bronzée, il est à la fois le même et si différent. Dans son regard, un soupçon de malice, une pointe de fierté. Dans sa posture, de l’assurance aussi.
Ce que vous saurez du camp ? Ce qu’il ou elle voudra bien vous en dire. Quelques bribes et anecdotes. Dans cet article, nous nous sommes intéressés à cette expérience de vie et à ce que les enfants en retirent, car, systématiquement, vous trouvez vos enfants marqués et changés par cette expérience.
« Le camp, c’est la vie en vrai, entame Corinne Ferooz, référente pédagogique chez les Guides. Les enfants goûtent à la vie en communauté, coupés du monde, des écrans, de la famille. Ils vivent des choses qui n’appartiennent qu’à eux, en toute liberté ». Ce contexte rend cette vie en communauté plus intense et authentique. Sophie a fréquenté les Benjamines, mouvement de jeunesse féminin nivellois, de ses 5 à 21 ans. « On apprend des choses qu’on n’apprend pas à l’école, ni en famille », résume celle qui est devenue depuis Chungungo.
Cette expérience de camp ne va pourtant pas de soi pour tout le monde. Certains parents n’osent pas confier leur enfant. Il y a aussi des enfants pour qui se séparer est trop dur. « Les enfants ont de plus en plus de mal à quitter leurs parents et le confort de la maison pour s’aventurer sur un camp », constate Akela, animateur depuis quatre ans chez les louveteaux. Avis partagé par Loup, ancien chef d’unité.

 

Un camp, c’est quoi ? Une fenêtre ouverte sur l’autre, sur la nature, sur soi-même. Un matelas de confiance d’avoir vécu tout ça en toute autonomie, loin de la famille. Sans oublier les jeux et l’amusement qui font le sel et le piment de ces moments hors du temps

« Les enfants qui passent au-dessus de leurs appréhensions sont fiers de cette autonomie gagnée. C’est une forme de dépassement de soi », souligne Corinne Ferooz. Quand elle repense à ses premiers camps, Xérus reconnaît avoir trouvé le temps long et eu des coups durs, surtout en milieu de camp. « Ce n’était pas simple de quitter mes parents, je devais vraiment mordre sur ma chique. Quand je rentrais et que je revoyais les photos, j’étais nostalgique. C’était très ambivalent ».

Sortir de sa condition d’enfant

Participer à un camp, c’est s’offrir la possibilité de vivre quelque chose à soi tout seul. C’est sortir de sa condition d’enfant. C’est être un loup de la meute ou une lutin de la ronde. C’est se retrouver face à une rivière et oser la traverser. C’est assumer si les godasses sont mouillées. C’est gérer son hygiène, ses habits, ses courriers et décider ou non de les envoyer. C’est se dépasser en marchant des distances qu’on n'aurait jamais pensées à sa portée. C’est proposer son aide et en demander. C’est prendre des initiatives. C’est sortir de sa zone de confort. Lit de camp, douche avec un mince filet d’eau, toilettes rudimentaires, on est loin des facilités de la maison. Cette expérience aux antipodes du train-train quotidien permet à l’enfant de se découvrir différent de la personne qu’il est en famille et de mieux se connaître.
Le camp fait aussi appel à une bonne dose d’organisation. « Le groupe doit se mettre d’accord sur des règles de vie », explique Gilles Beckers, porte-parole de la Fédération Scout. Tout camp fait l’objet d’une charte à laquelle les membres du groupe souscrivent. « Un camp, c’est une micro-organisation, des tâches à définir et répartir, tout le monde doit (s’)aider. Ça apprend l’auto-gestion, à se responsabiliser. Si quelque chose ne marche pas, on peut aussi redistribuer les cartes », explique Chico, maman de trois filles chez les nutons et lutins.
« Peu importe le groupe ou les règles de vie établies, il y a toujours des moments de tension. C’est aussi quelque chose de formateur pour l’enfant qui va apprendre à faire des compromis, à discuter, à négocier, à faire alliance, à s’excuser », avance Gilles Beckers. En définitive, participer à un camp, c’est apprendre à se débrouiller. « Dans un groupe, on voit vite ceux qui fréquentent les mouvements de jeunesse, ceux qui ont vécu des petites galères et qui ont appris à mettre leur envie perso de côté au profit du groupe », explique Akela.

Chico - maman de trois filles chez les nutons et lutins.
 « Un camp, c’est une micro-organisation, des tâches à définir et répartir, tout le monde doit (s’)aider. Ça apprend l’auto-gestion, à se responsabiliser. Si quelque chose ne marche pas, on peut aussi redistribuer les cartes »
Chico

maman de trois filles chez les nutons et lutins.

Si tous les enfants qui participent au camp gagnent du galon en termes de débrouillardise, ceux qui se voient attribuer des rôles attitrés comme second ou sizenier·ère assument aussi des responsabilités. « La sizenière peut être appelée à faire les courses avec les intendants, le second à couper des légumes, installer la table du repas avec le reste de la sizaine ». Loup est épaté, le sizenier de son fils a déjà envoyé des idées de recette pour le menu gastro à préparer en sizaine. Des rôles qui aiguisent encore le sens de la débrouillardise et des responsabilités. « Ma grande est sizenière et elle prend très à cœur son rôle. Elle prend soin des plus jeunes et veille à ce que les membres de sa sizaine s’entraident », ajoute Loup.

Connexion à l’autre et à la nature

Pendant le camp, les enfants renforcent aussi leurs relations avec leurs figures de référence : les animateurs et animatrices. Ni parent, ni professeur, ils et elles ne font pas partie de la famille et ne sont pas payé·es pour s’occuper de l’enfant.
« C’est vraiment particulier la relation chef-enfant, confirme Akela. On est quand même dans une figure d’autorité, mais notre posture est plus proche, plus souple. On discute beaucoup, les enfants se livrent à nous. Ils savent qu’on est moins derrière eux que leurs parents, qu’avec nous, ils doivent plus se débrouiller. On met un cadre, mais ils sont assez libres dans ce cadre, ça renforce la confiance entre nous. »
En parlant de cadre, il y a aussi celui dans lequel les enfants évoluent : la nature. « Le camp permet de répondre aux besoins de bouger, de jouer, de s’éveiller et de s’émerveiller », explique Corinne Ferooz. Jeux d’approche ou à poste, sportifs ou de plateau, de stratégie, de piste, de coopération, les enfants jouent pour le plaisir, loin de la pression des apprentissages. L’extérieur offre une liberté totale aux enfants. Nutons, baladins, lutins et louveteaux vadrouillent à leur guise et vaquent à leurs occupations loin du brouhaha de la ville et des risques de la circulation. Une parenthèse hors du temps, sans voiture, camion, travaux auxquels faire attention. Pour un temps, ils deviennent les rois de la jungle. De leur jungle.

CÔTÉ PARENTS

La vie au grand air fait souvent partie des madeleines de Proust des parents. Lorsqu’on les interroge sur leurs meilleurs souvenirs de jeunesse, ce sont ces moments vécus en extérieur qui ressortent systématiquement. Dormir à la belle étoile, chanter au coin du feu pendant la veillée, se laver à la rivière, faire des batailles d’eau… des scènes de vie qui jalonnent le camp et se gravent dans les mémoires.

BON À SAVOIR

Une enquête des Scouts sur les discriminations

L’article donne une vision très positive des mouvements de jeunesse. Cependant, une enquête récente menée par les Scouts a montré que les valeurs revendiquées pouvaient parfois se heurter à du racisme, du sexisme, de la grossophobie… Autant de comportements incompatibles avec les objectifs des mouvements de jeunesse. Un groupe de travail a été mis sur pied pour dégager et prioriser des pistes parmi lesquelles des formations et la création d’outils de sensibilisation.