Loisirs et culture

Le coin lecture : des pages aux senteurs de safran

Littérature jeunesse, origines, maghreb

Quand on est arabe ou d’origine arabe, il n’est pas simple de trouver des albums jeunesse qui soient le miroir de cette culture. Pourtant, c’est important pour des enfants de pouvoir se projeter dans des créations qui les représentent. Voici trois exemples qui vont dans ce sens.

Louis Ier Roi des moutons

On ne peut que saluer l’initiative des éditions Actes Sud qui viennent de créer la collection Sindbad jeunesse, des albums, contes et romans bilingues arabe-français. L’idée est de donner à voir ces deux langues écrites côte à côte pour amener au rapprochement des cultures. Le directeur de la collection, Farouk Mardam-Bey, veille manifestement à ne pas enfermer leur démarche dans un carcan, en évitant notamment l’écueil de l’exotisme. Sindbad propose ainsi la traduction d’un album de l’Égyptien Walid Taher, La Tache noire, où des enfants, dont Marwan et Malika, vont affronter une tache envahissante (prix Ittisâlât de littérature jeunesse dans le monde arabe). Dans La Ruse du chacal, c’est un conte libanais digne de La Fontaine qui a été traduit en français.
Avec Louis Ier Roi des moutons, c’est un des auteurs-illustrateurs les plus importants du moment, Olivier Tallec, qui voit l’un de ses albums, prix Landerneau 2014, traduit en arabe. Cette fable, à la fois tendre et malicieuse, raconte l’histoire d’un mouton qui se prend la tête quand un vent innocent lui pose dessus une couronne. Elle met en scène nos représentations du pouvoir, mais en relativise également la portée. Car rien n’est jamais acquis.
Un conte joliment illustré, avec des animaux particulièrement expressifs, qui fera peut-être réfléchir les enfants-rois, même si ce n’est pas le but.

  • Louis Ier Roi des moutons, d’Olivier Tallec (Actes Sud/coll. Sindbad). Dès 5 ans.

Comptines du Maghreb

La découverte d’une culture passe immanquablement par ses musiques. Voici un album bien indiqué pour une première initiation, avec des comptines et berceuses kabyles et arabes. Elles sont extraites de À l’ombre de l’olivier, publié en 2001 chez Didier Jeunesse. Entre l’écrit et la prononciation, il y a des différences qui font aussi partie de l’expérience sonore. Les illustrations avec leurs palmiers, cacahuètes, couleurs, architectures complètent l’exploration. Il suffit de placer le doigt sur une pastille et on est emporté d’une manière qui peut devenir addictive.

  • Je découvre les comptines du Maghreb, livre sonore illustré par Magali Attiogbé (Didier Jeunesse). Dès 2 ans.

Perdu ma langue

Vivre à cheval sur deux cultures, en jonglant avec deux langues, celle des parents et celle du pays d’accueil, n’est pas toujours une sinécure. L’une prend souvent le pas sur l’autre, des conflits de loyauté, parfois générationnels, surgissent, comme des incompréhensions et des tiraillements.
C’est ce que vit Mabo tant en famille qu’à l’école, à tel point qu’il en perd sa langue maternelle, le sindar. Il privilégie le français, en particulier à l’école même si celle-ci est plutôt multiculturelle, tout comme la ville dans laquelle il vit. « Je parle français et c’est bien assez », estime-t-il. Ses amis Moussa et Ayoub relativisent les interrogations de Mabo. Mais celui-ci continue à vivre de gros conflits intérieurs que l’album rend magnifiquement par le texte et l’image (dont des coupes sur ce qui se passe dans son cerveau). Jusqu’à l’arrivée d’une nouvelle à l’école, Aïnara, elle aussi de culture sindar…

  • Perdu ma langue, de Daisy Bolter et Victoria Dorche (Didier Jeunesse). Dès 6 ans.