Le coin lecture : quand les livres parlent... de livres

De 4 à 12 ans

Voici une fillette particulièrement délurée pour repousser l’heure d’aller au lit ! Contrairement au livre précédent illustré par Mari Kanstad Johnsen, Les animaux dorment, qui évoquait ce temps de complicité et de partage du coucher avec une maman, l’enfant embobine ici son paternel délicieusement consentant. Constatant qu’aucun livre ne parle d’elle, la petite fille réclame le récit dont elle pourrait être l’héroïne et l’imagine avec l’aide de son papa. Or, dans un livre, on peut tout imaginer. S’ensuit un dialogue drôle, rythmé, à l'imagination débridée. Plein de tendresse, le père joue le jeu. Il accepte les défis, en propose à son tour lorsqu’il entraîne sa fille à la fois dans le passé à la rencontre d’un grand-père disparu ou dans le futur pour imaginer quelle héroïne du quotidien sa fille pourrait devenir. « Quand on ferme le livre, on ouvre le monde réel », dit le père vers la fin.
Dans un subtil équilibre entre monde réel et monde imaginaire, le livre pose même des questions quasi philosophiques lorsque la fillette se démultiplie en plein d’autres dans une magnifique double page. Le trait reconnaissable de l'illustratrice nous offre, à nouveau, un déluge de couleurs automnales et des mises en pages aux perspectives et cadrages audacieux. Cet album d’une totale réussite est une merveilleuse déclaration d’amour entre un père et sa fille qui se connaissent très bien, unis qu’ils sont par une belle complicité.

• Un dernier livre et au lit ! de Frode Grytten et Mari Kanstad Johnsen (Cambourakis). 

Dès 6 ans

Les livres nous racontent des aventures, mais l’histoire du livre en est aussi une fabuleuse. Ce livre raconte donc qui il est et d’où il vient, comme ses congénères. Objet universel, il est né avec l’écriture pour évoluer sur des supports très différents - papyrus, feuilles de palmier, rouleaux de soie, parchemin, papier venu de Chine - pour en arriver aujourd’hui aux livres numériques. L’invention de l’imprimerie marque un tournant en produisant des livres à grande échelle. Avec l’apparition des formats de poche, le livre devient encore plus voyageur qu’avant. Nous sont également présentés les nombreux métiers du livre, depuis l’auteur/l’autrice jusqu’au bouquiniste.
Grâce aux dessins, cet album se présente aussi sous toutes ses coutures et rappelle que la littérature jeunesse est le genre qui offre la plus grande diversité de formats, de dispositifs, d’inventions comme les livres sonores ou les pop-ups. La collection Histoire d’objets des éditions Kilowatt nous avait déjà parlé de vélos, ballons, chaussures, etc. Il eût été injuste qu’elle n’aborde pas le livre.

• Livres de Sophie Bordet-Petillon et Noelia Diaz Iglesias (Kilowatt/coll. Histoire d’objets).

À partir de 8 ans

Les bibliophiles classeraient cet album dans la rubrique curiosa, ces livres inclassables. Au ton souvent décalé, ils surprennent et intriguent. Celui-ci n’échappe pas à la règle. Bel objet qui tient bien en mains, la couverture et les illustrations séduisent par leurs couleurs patinées. Les jeux sur les caractères créent aussi la surprise, dont des notes de bas de page qui donnent un faux air académique à l’ouvrage. Mais l’angle narratif, surtout, épate car l’auteur donne la parole au livre qui, télépathe, se raconte lui-même pour dire que personne ne voulait le lire. Et tutoie celui ou celle qui ose le lire !
Avec des illustrations loufoques qui parodient celles d’une encyclopédie, ce livre bordélique se joue de nous en utilisant les ressorts du nonsense et de l’humour anglais, la nationalité de l’auteur et de l’illustratrice.

• Le livre que personne ne voulait lire de Richard Ayoade et Tor Freeman (Hélium).