Santé et bien-être

Autour de la planète famille gravite le plus souvent quelques professionnel·le·s. Comme des membres parallèles du clan. Dentiste, logopède, pédiatre et, bien sûr, le médecin généraliste. Quel est son rôle ? Comment le choisir ? On en parle avec Julie Gosuin, médecin à Bruxelles.
Au standard de la Ligue des familles, Héléna, visage et voix de l’association, prodigue de précieuses recommandations à des parents inquiets. Elle ponctue la conversation d’un « N’oubliez pas que le premier réflexe, c’est d’abord d’en parler avec votre médecin de famille ».
« J’aime bien le rappeler aux parents, nous dit-elle. Peu importe la situation, tout commence toujours par le médecin généraliste. Il est au plus proche de la famille, il est souvent la première et la meilleure porte d’entrée ». Héléna a-t-elle raison, les parents n’auraient pas toujours le réflexe d’aller vers le médecin de famille ?
Au plus près de la smala
Julie Gosuin, médecin et vice-présidente de la FAMGB (Fédération des associations des médecins généralistes de Bruxelles), abonde dans ce sens. Dans bien des situations, les familles n’ont pas toujours l’automatisme de pousser les portes du cabinet de leur généraliste. Peut-être faut-il le leur rappeler.
« Médecin, c’est un métier de passion. Une vraie mission. L’intérêt pour les parents, c’est ce ou cette professionnel·le de la santé qui possède une vision globale de la santé de tous. On fait partie de leur vie. Nous faisons face à de nombreuses problématiques qui touchent différents secteurs. On ne répond certes pas à toutes les demandes. Cependant, notre mission première est simple : soutenir les familles. On les prend en charge sans passer par des réflexes de surmédicalisation. »
Lara, maman de trois enfants de 7 mois à 19 ans, fait partie de ces parents pour qui le médecin est une sorte de co-pilote de confiance. « Un problème de dodo, un coup de mou, des manques de concentration… avant de m’adresser à qui que ce soit, logopède, kiné ou autre, j’appelle notre généraliste. Comme il est habitué à suivre toutes nos pathologies, je sais qu’il suit mes enfants en ayant à l’esprit tout le contexte familial ». Tiens, et quelle différence entre un pédiatre et un généraliste ?
Pédiatre vs généraliste ? Non ! Pédiatre et généraliste
Quand faire appel à l’un ou l’autre ? Là encore, il règne parfois une sorte de confusion. Julie Gosuin rappelle les bases : « Avoir un·e bon·ne pédiatre de référence, c’est évidemment génial. Quand le généraliste est confronté à ses propres limites, il renvoie vers lui. Le plus souvent, on conseille un avis pédiatrique jusqu’à 3 mois. Pour ma part, je vais même jusqu’à 6 mois si l’enfant a des symptômes qui sortent des maux de gorge, oreilles, etc. Le généraliste a ses limites, quand il ne sait pas, il se réfère au pédiatre. Pour les familles, un généraliste est plus accessible qu’un pédiatre ».
L’un travaille donc en complément de l’autre. Là encore, le fait de connaître les familles aide beaucoup. En plus des activités citées ci-dessus, Julie Gosuin effectue également des permanences à l’ONE. Où les discussions périphériques, alimentées par des années de contacts avec les différents âges de la famille, viennent aider pour détecter autre chose. Le burnout parental, les risques psycho-sociaux, la gestion des limites… Une des facettes des généralistes assez méconnue, mais ô combien précieuse.
C’est Delphine, qui élève seule son fils de 4 ans, qui insiste sur ce point. « À chaque fois que je viens pour un truc anodin pour mon fiston, mon médecin me demande systématiquement : ‘Vous, alors, comment ça va ?’. Et bing, de là, je déroule et je me mets systématiquement à pleurer. Je sors du cabinet et moi aussi je vais mieux… ». Comme une tradition inhérente à la profession. Et depuis la crise, le métier fonctionne-t-il différemment ?
Le généraliste a ses limites, quand il ne sait pas, il se réfère au pédiatre
La coronacrise a-t-elle contaminé le médecin ?
Il semblerait, après un rapide petit tour d’horizon, que les parents eux-mêmes ont changé leur façon de se rendre chez leur médecin. Karine, maman de deux enfants de 3 et 7 ans, l’explique.
« J’ai diminué mes visites chez le médecin depuis la crise. Une fois, j’ai croisé le regard d’une personne âgée dans la salle d’attente, ça m’a fait prendre du recul. Peut-être qu’avant le covid, j’y allais pour un oui ou pour un non. Pour me rassurer plus que pour la santé de mes enfants. Autour de moi, idem, pour des raisons de confort ou par conscience de la fragilité et des urgences, je sens bien que les visites chez le médecin sont plus rationnelles. »
Est-ce que notre spécialiste ressent la même chose ? « Oui. Très clairement. Nous-même, dès mars 2020, on a beaucoup plus espacé les visites dans nos cabinets et réorganisé les visites. On voit moins les enfants pour les infections respiratoires. On temporise. En cas de problème, on évalue par téléphone. On travaille de pair avec les parents. On le charge des premiers soins. Si on les sent trop inquiets, bien sûr, on les fait venir en consultation. Mais oui, notre travail au quotidien a clairement changé. On continue de recevoir sur place pour tout ce qui est petits bobos du quotidien. Et bien sûr, une partie de notre travail consiste à faire de la santé mentale, beaucoup de soutien psychologique. De plus en plus avec les ados, d’ailleurs ».
Comment choisir son médecin de famille ?
Il semblerait que le premier critère de choix soit le plus souvent géographique. Si les parents doivent traverser la ville, cela risque de se faire au détriment des soins. Autre critère, soufflé par Julie Gosuin : « Chercher une personne qui a l’habitude de s’occuper des petits. Ce qui n’est pas toujours le cas. Certaines sont indéniablement plus à l’aise que d’autres à s’occuper de jeunes enfants, leur parler, les comprendre. D’autres, à l’inverse, ont plus de facilités avec des personnes âgées ».
La meilleure manière de s’informer à ce propos ? Se référer aux autres parents.
Et les réseaux sociaux, bonne idée pour trouver le bon médecin le plus proche de la maison ? « Bof, répond illico la spécialiste. Il est toujours plus intéressant d’en parler avec des personnes en chair et en os que de se fier à des témoignages d’anonymes. Une autre bonne piste consiste à aller chercher des recommandations auprès de l’ONE. On risque moins de se tromper. D’ailleurs, très souvent, les médecins généralistes qui y travaillent se proposent. Elles ou ils expliquent : ‘Je suis généraliste, pas pédiatre, mais je peux prendre en charge votre enfant pour la suite si ça vous intéresse’. Comme médecin et parents se sont déjà vus dans ce cadre, la relation de confiance fonctionne généralement bien ».
ZOOM
Les mamans trop souvent seules à la barre ?
OUI. Dans une écrasante majorité, les mamans ont cette charge : gérer les soins. C’est le reflet du fonctionnement de notre société. Le remède ? « Participer à cette évolution encore trop lente. En tant que soignant·e, on a la charge de renforcer le discours, prendre la famille dans sa globalité, ne pas entretenir la maman dans ce rôle. Mais ce n’est pas facile de lâcher prise non plus pour la plupart d’entre elles. Ça passe alors par de petites choses. Quand on dit par exemple aux enfants : ‘Quand ta maman te prépare des légumes’. Non, on doit leur montrer que c’est tout à fait normal d’inclure le père dans toutes les tâches et les problématiques liées à la santé. C’est aussi notre rôle de participer à changer le regard », diagnostique Julie Gosuin.