Le retour d'Ernest et Célestine se lit et s'expose

Dans ce Lire, ça m’dit, nous revenons sur l’œuvre de Gabrielle Vincent et ses inénarrables Ernest et Célestine, avec Au bonheur des souris, d’Astrid Desbordes (Casterman) et l’expo Au bonheur des ours à Schaerbeek.

Côté album, voici le retour d’Ernest et Célestine, dont les éditions Casterman fêtaient les 40 ans il y a deux ans. Ernest, l’ours généreux et affectueux, Célestine, la souris enjouée et espiègle, sont en effet nés en 1981 sous la plume de Gabrielle Vincent, pseudonyme de l’artiste peintre belge Monique Martin (1928-2000). Ses albums sont autant d’histoires d’éducation, de transmission, de tendresse, de joies et de tristesses, de disputes et de fêtes, d’humour et d’amour, deux mots que l’autrice faisait merveilleusement rimer.

À partir de l’accueil improbable d’une petite souris orpheline, abandonnée par les siens par un gros ours marginal, clown et musicien, immigré roumain, elle va imaginer vingt-six albums, plusieurs fois sélectionnés pour le prix Bernard Versele, dans lesquels ces deux solitaires vont bousculer l’ordre établi…

En déroulant la vie de ses deux héros, Gabrielle Vincent met en scène une adoption atypique, mais convoque tous les ingrédients propres à la parentalité : soins à un enfant, transmission, problèmes financiers, soucis de santé, peurs enfantines, souvenirs, disputes, secrets sans oublier le sens de la fête qui conclut plusieurs de ses albums. S’y ajoute une dimension sociale et humaniste, sans prêchi prêcha, ni sensiblerie.

Le dernier album de Gabrielle Vincent datait de 2001. Les éditions Casterman ont donc relevé le défi de confier une nouvelle aventure d’Ernest et Célestine à Astrid Desbordes, autrice de Mon amour et de la série Archibald. Il fallait une écrivaine talentueuse et sensible pour imaginer cette suite Au bonheur des souris (à partir de 3 ans), en totale fidélité à l’univers phare de Gabrielle Vincent. Et pour l’illustration ? direz-vous. L’album s’appuie sur des dessins originaux complétés par des dessins de Marie Flusin qui s’est parfaitement immergée dans l’univers graphique de son aînée et inspiratrice et qui aurait mérité mieux qu’une discrète mention en page de garde, d’autant que le livre a été plébiscité par les ayant-droits de Gabrielle Vincent.

Quant à l’histoire, elle se déroule sur une semaine, une semaine durant laquelle Ernest et Célestine vont vivre loin l’un de l’autre suite à une (petite) colère de la souris. Elle est accueillie chez Charlotte et Oscar, dans une famille plutôt bourgeoise de souris où la vie est bien différente de celle avec un vieil ours mal léché. Très vite, celui-ci souffre de la séparation, de la solitude, du manque malgré ses efforts. De son côté, Célestine découvre le bonheur de vivre auprès de congénères, même si la vie y est très codée selon les bonnes manières. Toute l’astuce de la narration va reposer sur les lettres qu’ils s’échangent pour se rassurer. Un bel hommage à l’écriture au cœur de leur relation et amitié. Autre astuce : le décalage entre ce qu'ils écrivent et ce que les dessins montrent. On apprend ainsi qu’il faut savoir lire entre les lignes et qu’au final, on s’en doutait un peu, ils ne sont pas heureux l'un sans l'autre et ont du mal à l'avouer.

L’esprit de la série est bien présent dans un subtil mélange de maladresse et de débrouillardise, de tendresse et d’humour tout en mettant en scène les contrastes entre pauvreté et richesse. Et, comme dans plusieurs albums précédents, tout ce petit monde va se réunir au final autour d’une table festive. Cet album de belle facture avec fer à dorer en couverture cartonnée fait l’éloge du vivre ensemble dans une époque qui en a bien besoin et prouve que le bonheur des souris peut faire celui des ours et vice versa.

Dans le cadre de la campagne Lisez-vous le Belge ? organisée par le PILEn et la Fédération Wallonie-Bruxelles, deux Fondations vous invitent à la Bibliothèque Sésame de Schaerbeek pour une exposition Au bonheur des ours ! La Fondation Monique Martin/Gabrielle Vincent y présente des illustra­tions de la série des Ernest et Célestine et d’autres ouvrages de l’artiste, tandis que la Fondation Battieuw-Schmidt sort de son antre une partie de sa collection consacrée au thème de l’ours. Le jeudi 30 novembre 2023 à 10h, Monique Malfait-Dohet, présidente de la Fondation Battieuw-Schmidt – Fonds de l’image et du texte, y tiendra un exposé sur Le monde de Gabrielle Vincent entre rire et désordre. Des animations et une balade seront également organisées par la Bibliothèque.