Développement de l'enfant

Marcel Rufo : « Les adolescents vont mieux ! »

Spécialiste de l’enfance et de l’adolescence, le professeur Marcel Rufo a un message résolument optimiste quand il parle de nos jeunes. Militant ? Utopiste ? Et si nos ados se débrouillaient mieux que nous l’imaginons, nous les parents, avec leur mal de vivre.

Le Ligueur : Les parents d’ados broieraient-ils du noir sans raison ?
Marcel Rufo : « Je crois que les adolescents vont bien. Mieux, même ! Mais leurs parents sont plus attentifs, plus proches de leurs grands enfants. Ils ne veulent pas les lâcher. Je crois que les parents d’aujourd’hui sont plus jeunes que ceux d’avant. Et les 15 % des ados qui vont mal sont d’autant plus visibles que la majorité va bien. Au lycée, on repère tout de suite un élève en souffrance, alors qu’avant tous les jeunes avaient des problèmes au collège. Les 85 % d’autres jeunes, on n’en parle jamais. Moi-même, j’étais un adolescent qui me cachait de ma famille pour vivre mon adolescence. Je ne me plaignais pas et je faisais semblant d’être à peu près parfait à domicile, alors qu’à l’extérieur j’étais un garçon qui avait des conduites à risque. Quelque part, j’aurais mérité une consultation. Ce n’était pas à la mode. »

Signaux d’alarme : à ne pas rater !

L. L. : Comment sait-on qu’un ado va mal ?
M. R. : « Il va mal partout. Il ne dort pas, il est auto et hétéro violent… il a tous les cas de figure. Il ne faut pas croire qu’il est un sale gosse, il ne faut pas qu’il vous déçoive. Il faut comprendre qu’il est en souffrance et qu’il faut l’accompagner. C’est-à-dire être parent dans le maintien de son avenir, et non pas dans la critique de l’enfant qu’on voudrait qu’il soit et qu’il n’est pas. Je suis le parent, donc le responsable de cet adolescent qui va mal. Coupable, non. »

L. L. : C’est quoi, un parent « présent » ?
M. R. : « La clé, c’est les parents ! Lorsque ceux-ci sont anxieux à propos de modes de développement mental qui leur paraît discutable, il faut qu’ils puissent rencontrer quelqu’un. Il faut qu’ils trouvent une alliance externe qui leur permette d’être moins inquiets. L’anxiété des parents, après, risque de faire des ravages, parce que les enfants ressentent une incapacité à remplir le mandat qu’ils veulent. Il y a alors un cercle vicieux qui s’instaure. En psychologie de l’enfant et de l’adolescent, on ne peut pas travailler sans alliance avec les parents. Une fois pour toutes, je dénonce tous les gens qui croient pouvoir travailler sans la famille. Notre métier, c’est aussi de faire comprendre aux parents ce que justement ils ne veulent pas comprendre. »

L. L. : Cette incompréhension est-elle générale ?
M. R. : « Quand on a un enfant qui ne se développe pas, on est obligé de passer par une dénégation. Il faut alors les aider à trouver (ou retrouver) la confiance nécessaire en eux. J’insiste sur ce point. C’est un des temps fondamentaux du bien-être de l’enfant. Ce n’est pas le psychiatre qui va compter pour l’enfant. C’est l’avis de ses parents. Quand ceux-ci quittent ma consultation, il y a deux conditions : le secret de ce que va dire l’adolescent et le respect absolu de ces adultes qui restent dehors. »

L. L. : À quel moment faut-il consulter ?
M. R. : « Le plus tôt possible avec le plus d’optimisme possible. Les premiers symptômes sont multifactoriels : il devient anorexique, il a envie de partir, de tout lâcher. Il faut essayer d’anticiper. La présence des parents est essentielle. Il arrive rarement qu’un adolescent vienne seul en consultation, parce qu’il a besoin de l’opinion de ses père et mère pour aller mieux. Mais il a cette fierté monumentale qui veut qu’il ne peut pas dire qu’il va mal. Au lieu de lui dire : ‘On t’amène’, disons-lui :  ‘On va ensemble en consultation’. »

L. L. : Et que dites-vous aux parents qui sont dans la tourmente ?
M. R. : « Restez des supporters fermes et bienveillants ! Faites comprendre à votre enfant qu'il peut s'appuyer sur vous. Votre enfant refuse de passer ses examens ? Il doublera ? Il n’en fait qu’à sa tête ? Vous en avez marre ? Rien n'est jamais figé dans l'adolescence. C'est une suite d'allers et de retours qui permettent de dénouer des conflits non résolus durant l'enfance. Il ne faut pas enfermer le jeune dans son trouble. Ce n'est pas grave s’il est turbulent. Il réussira. C’est cela, être supporter ! »



Corinne Le Brun

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Première maison d’adolescents

Soutenue par l’asbl Action For Teens et Marcel Rufo, la première maison d’adolescents belge, Aréa+, verra le jour en 2014 dans le quartier du Dieweg à Uccle (Bruxelles). Ce projet pilote créé sur le modèle de la Maison Solenn à Paris (fondée par Marcel Rufo) abritera une unité hospitalière de crise, un lycée et un internat thérapeutiques pouvant accueillir plus de 50 adolescents. Il y aura des consultations par mandat et des consultations spontanées.
Une équipe multidisciplinaire (psychiatres, psychologues, éducateurs, enseignants, infirmiers) sera au service tant de l’adolescent que des parents. « On y viendra avec ou sans rendez-vous, pour une heure ou pour plusieurs mois, selon les cas »,  explique Marc Derely, psychiatre, président d’Area+ et directeur général du groupe hospitalier La Ramée-Fond’Roy. À suivre donc…

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