Santé et bien-être

Non, l’acné n’est pas une fatalité

Maladie de peau très fréquente, l'acné touche plus de 80 % d’adolescents dans le monde entier

« Face de pizza », « Volcano », « Calculette ». L’acné, soit vous en avez souffert, soit vous étiez du côté de ceux qui… Pas vous, bien entendu ! Maladie de peau très fréquente, elle touche plus de 80 % d’adolescents dans le monde entier. Elle se soigne bien dans la majorité des cas, mais elle peut parfois causer une grande souffrance psychologique. La première chose dont l’ado qui en est affublé a besoin, c’est d’être entendu et reconnu dans sa souffrance. Ensuite, avec lui, passez à l’action. Explications avec Nathalie Laukes, dermatologue.

Une bonne nouvelle : la majorité des ados atteints par cette affection ont une acné mineure, seuls 15 % d’entre eux souffrent d’une forme sévère. Cette maladie hormonale se déclenche généralement à la puberté, déjà vers 9-10 ans chez les filles et à partir de 12-13 ans chez les garçons, qui sont plus nombreux à en souffrir. Points noirs, pustules, papules ou, plus graves, nodules ou kystes : ils deviennent, pour de longues années, le cauchemar des adolescents.
Les grands coupables ? Les follicules pilosébacés, à savoir les glandes qui sécrètent le sébum à la racine des poils. Ils partent en vrille et se mettent à en produire plus que nécessaire, occasionnant peau luisante et points blancs. Si leurs zones de sorties s’épaississent, c’est l’obstruction de la glande : voici venir les comédons, qui se kératinisent et s’oxydent pour se transformer en points noirs. Les anaérobies, les bactéries qui nichent normalement dans les follicules, s’en mêlent à leur tour, c’est l’inflammation. Bienvenue aux boutons bien rouges ou foncés, au contenu purulent qui, dans les cas les plus sévères, laisseront des cicatrices…

Ne dites pas : « Ça va passer » 

L’acné est installée, et elle est là pour durer. Gaëtan, 15 ans, est démoralisé, mal dans sa peau. Angoissé et inquiet en permanence, il a fabriqué des potions à base de citron et de blanc d’œuf, banni les produits laitiers et le chocolat. Anna, 17 ans, se maquille à outrance, manque parfois l’école, barbouille ses boutons de dentifrice la nuit, évite les fêtes et se terre chez elle. Ne minimisez pas leur ressenti, il leur est insupportable d’entendre « Ça va passer », « On les remarque à peine » ou « Franchement, tu exagères ». Il est temps de consulter.

Comment traiter ? 
Nathalie Laukes :
« Le témoignage de Servane est bien réel, c’est un âge très important pour l‘image de soi. Ce sont des blessures qui peuvent laisser des cicatrices sur le visage, mais aussi des cicatrices psychologiques. Certains parents ne s’en rendent pas compte. C’est dommage, car il y a tellement de traitements efficaces. »

À partir de quand consulter ?
N. L. :
« Dès que l’enfant ou l’adolescent se plaint ou que les parents remarquent des symptômes visuellement dérangeants. Chez certaines filles, la puberté est précoce, dès 9-10 ans, et lorsque les enfants sont atteints si jeunes, ils sont généralement les seuls à souffrir d’acné dans leur classe, ils se sentent exclus. »

Comment se passe une première consultation ?
N. L. : « J’ausculte d’abord le visage, puis le tronc et le dos ; je vérifie qu’il n’y a pas d’autres maladies, des problèmes endocriniens. L’enfant lui-même est-il embêté ? Ce sont parfois les parents qui ne supportent pas l’apparition des boutons. Dans ce cas, je les rassure et j’invite à suivre un protocole de soins légers, se laver le visage matin et soir avec un produit non détergent : désinfecter sans décaper. »

Quand recourez-vous aux médicaments ?
N. L. : « Dans les cas sévères, je préfère intervenir et je conseille un traitement à la vitamine A, le fameux Roaccutane, avec un suivi très rigoureux : on commence par une prise de sang. Très important pour les filles, il faut s’assurer qu’il n’y a pas de grossesse, car il y a des risques de malformations. Elles devront y ajouter un traitement hormonal. Si les parents l’autorisent, je prescris une pilule spéciale : attention, certains contraceptifs peuvent aggraver l’acné ! Parfois, on se contente de la pilule, mais le traitement sera plus lent. Il s’agit surtout de respecter un protocole de sécurité, afin de se prémunir de tout effet secondaire non désirable. »

Justement, ce médicament est plutôt controversé ?
N. L. : « Oui, le Roaccutane a mauvaise presse, alors que nous avons suffisamment de recul. Il est connu en Belgique depuis 1976, les effets secondaires graves sont extrêmement rares. Malheureusement, les forums relayent des témoignages de toutes sortes : tous les symptômes qui arriveront alors que le patient est sous Roaccutane lui seront d’office imputés ! »

Quels sont les effets secondaires ?
N. L. : « Principalement, l’assèchement des muqueuses, à divers degrés selon les patients. Parfois, la peau pèle ou les lèvres gercent, les yeux peuvent manquer de larmes, le nez s’irriter et saigner. Beurre de cacao, larmes artificielles, crèmes hydratantes et vaseline aident alors les patients à passer ce cap. Il est photo-sensibilisant et peut occasionner des coups de soleil : il est préférable d’entamer le traitement à la rentrée scolaire. Au bout d’un mois, je revois les patients, auxquels j’ai aussi prescrit un léger antibiotique, ce qui diminue les bactéries, calme les inflammations et évite la poussée d’acné qui peut survenir au début. Nouvelle prise de sang : si tout va bien, on arrête les antibiotiques et on est parti pour un traitement de trois mois, parfois un peu plus dosé. Je préfère travailler à plus petites doses sur une plus longue période, pour éviter ou limiter les effets indésirables. »

Beaucoup de personnes estiment que leur alimentation influe sur l’acné : est-ce possible ?
N. L. : « Bien sûr, on est ce que l’on mange. Le lait entier aggrave les boutons, idem pour le chocolat blanc, qui est plein de mauvaises graisses. En revanche, le bon chocolat n’a aucune incidence. Le pire ennemi de l’acné, c’est le stress : il favorise la sécrétion d’hormones. Il faut manger de façon saine et équilibrée, avec ou sans acné ! Un autre conseil : si votre ado est fumeur (tabac, cannabis), sachez qu’il accentue son acné. Voilà une bonne occasion d’arrêter. Encouragez-le aussi à bien s’hydrater. Et gardez en mémoire que cette galère aura bien une fin. »

UNE ADO EN PARLE

Quel mauvais souvenir…
« Hé, mes yeux sont ici ! ». Dans ma tête, j’ai prononcé cette phrase des milliers de fois. Mes interlocuteurs me regardaient toujours droit dans les boutons. Souvent j’étais en sanglots, face au miroir, honteuse, immobile ou éclatant mes « impuretés ». Je ne faisais plus la bise.
Depuis le jour où l’acné est entrée dans ma vie jusqu’à sa disparition (spoiler alert : mais si, elle disparaît !), je me suis tartiné le visage d’une dizaine de crèmes différentes, j’ai testé tous les gels nettoyants des supermarchés et avalé des variantes de médicaments que j’espérais miraculeux. Sans succès. Merci les dépenses !
Enfin, nous avons parlé du Roaccutane. Sept ans après. Ma maman s’inquiétait des effets secondaires, des articles affirmaient qu’ils pouvaient conduire à la dépression et au suicide. J’ai simplement répondu : « Maman, moi, ce sont mes boutons qui me pourrissent le mental ». Aujourd’hui, je suis libérée. Les cicatrices aussi ont disparu. Je fais même des câlins. Je vous souhaite une belle vie, une peau claire et des gens qui ne vous regardent pas dans les boutons !
Servane, 18 ans. Apparition de l’acné : 11 ans