Loisirs et culture

Au milieu des dragons, des pirates, des vikings, des jawa et autres elfes, la rédaction du Ligueur a déniché un filon pour trouver ses pépites. Entre tendances de demain, inédits et jeux passés sous nos radars, voici de belles idées qui vous rendront aussi jouettes qu’un dé.
Le Spiel d’Essen, c’est devenu une tradition, on vous en parle tous les ans. Le mastodonte boxe seul dans sa catégorie des salons super balèzes. Aucun superlatif ne parviendra à le décrire avec justesse, le plus grand salon du monde, le plus fou, le plus peuplé de créatures les plus étranges. Dans cette immense communion ludique, nous avons scruté longuement, méticuleusement. À l’affût de la rareté et de la tendance de fond qui se nichent dans ce foisonnement. Le mot est faible.
Fou
À salon fou, jeu fou. Le pas modéré, de guetteur, nous tombons sur Dadada. Créé par deux graphistes qui bossent d’ordinaire sur les moult adaptations de Monopoly. Las de ce boulot répétitif, ils s’affranchissent : « Créons notre jeu et qu’il soit le plus fou possible ». Leur premier-né se situe à l’exacte frontière entre le génie et l’absurde. Dadada est un jeu de syllabes collaboratif. En famille, vous attribuez des images à des sons. « PEH », « MEE », « RU », par exemple. Le tout sans parler. Un bateau ? « RU ». Un cahier ? « MEE ». Un chien ? « PEH ». Un dauphin ? « PEH-RU ». etc. À tour de rôle, le joueur ou la joueuse choisit ensuite secrètement l'une des images et la nomme en utilisant uniquement les sons de cette nouvelle langue que vous avez créée ensemble. On vous imagine donc autour d’une table, en tribu à pousser des grommellements syllabiques. Et ça nous amuse beaucoup.

L’AI, le nouveau DA
Slalomant entre les créatures d’heroic fantasy en tout genre, nous nous arrêtons sur les merveilles graphiques de l’allemand Loosey Goosey. Nous vous présentions Bag of Butts l’an passé, adapté depuis par Geronimo, souhaitons le même sort à leur petit dernier Sail or die, excellent jeu de défausse, servi par une mécanique de couleurs et de points. Dans le flot d’illustrations de plus en plus uniformes – intelligence artificielle oblige –, saluons cette bouffée d’air frais tant dans la mécanique que dans le graphisme. Le Spiel a cela de faire ressortir les grosses tendances de l’industrie et d’en souligner, en creux, les excès. Ici, ras-le-bol des jeux illustrés par forêts, chats, lignes de métro au traitement de plus en plus identique à celui du concurrent. Nous le répétons depuis quelques années : le marché doit se réinventer.

L’abstrait, la valeur sûre
La réinvention, elle se trouve nichée dans ce mignon segment, presque artisanal, que l’on appelle les jeux abstraits. La preuve avec Dama, de l’éditeur qatari Majlis Shabab qui modernise ce jeu traditionnel appelé également les échecs arabes, soit un simple jeu de dames avec la dynamique d’un jeu d’échec. Le jeu se vendra normalement bientôt sur le marché européen, on vous en dit plus dès que c’est en boîte.
Pour l’heure, saluons notre estimé éditeur suisse, Helvetiq le bien nommé, qui a poussé l’helvétisme jusqu’à ériger un chalet grandeur nature sur son stand. L’occasion de jouer à son petit dernier. Né de la fusion avec l’inégalable créateur Steffen Spiele, XOK est un jeu de poissons et de requins dans lequel s’affrontent deux joueurs ou joueuses qui doivent connecter dix pièces. Ici, on se mange, on se gêne, on réfléchit, on recommence. Encore une manche de remportée pour cet éditeur, champion du monde dans la catégorie bois et intelligence.
Abstraction toujours, avec Orion duel qui nous a échappé l’an passé. On y retrouve les mêmes formes hexagonales que XOK et un principe de linéarité. Ici, joueurs et joueuses doivent relier deux extrémités d’un bout du plateau à l’autre. Chacun sa couleur… mais avec des pièces qui mélangent les siennes et celles de l’adversaire, et donc la possibilité d’interagir sur la construction de l’adversaire. À cela s’invitent des galaxies qui peuvent aussi permettre de l’emporter et des trous noirs qui vont plonger le camp d’en face dans les ténèbres. Un jeu singulier et original de Matagot.
Passé sous les radars aussi, Trixo de FlexIQ, qui revisite le principe d’OXO, avec un jeu de tuiles que l’on aligne ou que l’on compile sur une grille imaginaire de 3x3. Là encore, simple, rejouable, stratégique, inépuisable. Signalons au passage, l’adaptation de Quoridor (que l’on vous présente sur leligueur.be) adapté en version Pac-Man. Une nouvelle idée des étincelants Gigamic qui va ravir le cœur et l’esprit de tous les nostalgiques geeks des années 80.

Le plateau des merveilles
Ce ne sont pas les milliers de joueurs et joueuses présent·es sur place, paré·es de leurs plus belles capes, toges ou chapeaux de magicien·nes qui vont nous contredire, il n’y a pas que les jeux d’abstraction dans la vie. Il y a surtout les jeux de plateau et nous ne les boudons pas. Dans cette catégorie, notre nouvel espoir se niche chez Pandasaurus Games. Il s’agit de Haunted House dont la grosse boîte se mue en plateau multi-étages de… flipper. Flipper, version maison hantée. On y a vu des familles se rouler de joie. Le principe plait tant aux enfants qu’aux parents.
Au rayon vieilles dynamiques réinventées, voici Mixosaurus de Game Factory qui revisite le principe de Dr Maboule en version préhistoire. Ici, vous foulez les terres d’un impressionnant site d’ossements de dinosaures que vous devez extraire pour les ériger en squelette. Mais gare aux éboulements…

COUP DE CŒUR
C’est à la toute fin de cette virée fructueuse que nous jouons à ce qui sera notre coup de cœur absolu. Testé avec une maman et deux jeunes joueur et joueuse, Gravity vs cards de Big Potato. Un socle. Quatre couleurs. Des cartes à encoches à poser, dont des bonus (une facilité et une contrainte). Chacun·e son tour, on pose une carte que l’on a en main. C’est posé en équilibre ? Au suivant. Ça tombe, on ramasse et on espère que celles et ceux d’après vont se planter à leur tour. Jusqu’à ce que le premier ou la première n’ait plus de cartes en main ou jusqu’à effondrement du jeu. Une idée simple et efficace, comme on les aime.
C’est d’ailleurs tout ce que l’on vient chercher dans cet océan de jeux. Celui qui vous fera jouer, vous et les vôtres, sans relâche. Jusqu’à la prochaine pêche de vos mousses favoris. Hourra, comme disent les pirates du Spiel.

TENDANCE
Les classiques se revisitent
Des grands classiques des jeux qui s’offrent un lifting de façade ou une version dédiée à tel personnage ou telle franchise pour surfer sur une tendance, ce n’est pas nouveau. Dans nos pérégrinations à travers les six halls du Spiel 2024, on a encore vu, par exemple sur le stand Hasbro, une version Barbie du Monopoly tout à fait dispensable.
Heureusement, le géant américain est aussi venu avec des vraies nouveautés, avec des principes de jeu repensés, mais qui conservent l’esprit de base du jeu. Cette sympathique mue, on a pu la constater aussi avec d’autres grands classiques.
C’est le cas cette année avec les versions Deal et Knock Out du Monopoly, avec aussi Risk Strike ou encore Scrabble 2 en 1 collaboratif. Ils rejoignent ainsi, par exemple, des titres comme Cluedo Conspiracy et Monopoly Go ! vendus depuis 2023 et Trivial Pursuit Party, sorti en 2022.
Fini, donc, la facilité du « pimpage », place au renouvellement, aux mécaniques repensées, aux astuces nouvelles, aux twists déstabilisants, qui apportent une vraie plus-value ludique. Le petit plus qu’on aime aussi ici, c’est que tout cela permet aux parents de ressortir du grenier les versions originales de leur enfance pour un moment de partage familial.
R. B.
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