Nouer les deux bouts, dur pour vous : et pour vos enfants ?

La crise. On en entend beaucoup parler, elle dure depuis cinq ans, mais n’affecte pas tout le monde de la même façon. Petit pays oblige, la Belgique est plus ou moins épargnée et la majorité des Belges s’en sortent bien, les personnes les plus durement touchées étant surtout celles qui étaient déjà en proie à des difficultés financières.

FIN DE MOIS

Suzanne : « Foutu budget ! »
« Nous savons que notre budget mensuel sera dépensé avant la fin du mois. Comme d'habitude. »

? Les parents vivent-ils de plus en plus difficilement leurs fins de mois ?

Paul Nies et Christophe Rossini, auteurs et membres du réseau Anastasia
« 
Entre avril et mai 2013, nous avons interrogé près de 1 300 familles belges afin de savoir comment elles avaient vécu la crise des cinq dernières années. Il en ressort que 20 % des répondants ont souvent dépensé leur revenu avant la fin du mois. 4 % des familles belges vivent dans la pauvreté. Depuis le début 2012, 12 % des foyers ont été confrontés à une perte d’emploi. La situation financière de quatre personnes sur dix s’est dégradée l’an dernier. »

ON ROGNE

Angela : « Pas de vacances »
« Comme nos moyens sont ridicules, nous ne partons pas en vacances, évitons certaines enseignes coûteuses et surveillons toutes nos dépenses. J'ai sept bouches à nourrir, alors je contrôle tout. »

? Quels sont les postes de dépenses qui sont réduits ?

Paul Nies et Christophe Rossini
« 77 % des familles en difficulté économisent sur les loisirs. 62 % puisent dans leur épargne, 51 % descendent en négatif sur leur compte. 40 % économisent sur des aliments essentiels et 39 % sacrifient les soins de santé. Concrètement, les postes de dépenses réduits sont dans l'ordre : les vacances, les loisirs (cinéma, concert, DVD…), la garde-robe familiale, le chauffage, l'aménagement et l'entretien de l’habitation, les assurances, les factures type électricité, gaz, eau, internet… Plus grave encore, les soins de santé de qualité passent à la trappe, de même qu'une alimentation correcte et suffisante pour toute la famille. »

LES MÔMES

→  Éric : « Pas comme les autres »
« Mes enfants rentrent en primaire. C'est l'âge ou les jouets, les cartables, les vêtements de telle ou telle marque, les logements des copains, les coupes de cheveux même rentrent en compte dans les amitiés. C'est horrible, mais c'est la vie. Ils vont à l'école dans des quartiers très protégés et sont un peu les seuls défavorisés. Ils n'en souffrent pas pour le moment. Mais pour combien de temps ? »

? Quelle est l'influence d'une réduction de budget sur la vie sociale d'un enfant ?

Annette Bridoux, avocate et médiatrice familiale, chargée d’enseignement à l’Université de Mons
« Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, elle n'est pas si importante que cela. La priorité des dépenses dans une famille tourne autour de l'école. Le regard des autres a toute son importance. Il existe des différences au niveau des loisirs, des vêtements, comme l'explique ce père de famille. L'énorme injustice se situe au niveau des cadeaux, dont ils se sentent privés. La différence blesse un enfant. De la même manière, il arrive qu'ils ne soient pas ou plus invités aux anniversaires car les parents ne peuvent pas donner le change. Il est délicat pour eux de fêter l'anniversaire de leurs propres enfants, alors imaginez à quel point ce sera difficile de faire une fête pour dix autres enfants. L'absence de réciprocité les brime. »

DES PISTES

Myriam : « On s’en sort »
« J'élève seule mes quatre enfants. Ils ont entre 5 et 17 ans Nous vivons dans un petit appartement, mais très franchement, à part ça, on se débrouille bien. Je fais en sorte qu'ils ne manquent de rien, mais je m'arrange surtout pour ne pas alimenter leurs petits caprices consuméristes. Plutôt que d'en faire une tare, j'en fais une force. Vêtements de seconde main, coupe de cheveux maison, pas de télé, pas d'internet, ateliers et activités en tous genres avec des centres, des asbl, l'église, les scouts, etc. Les choix ne manquent pas. Je ne gagne pas beaucoup, mais je ne pleure pas après les aides non plus. Je fais des extras dans des restaurants, je promène des chiens, je garde des enfants. On s'en sort différemment d'une autre famille, mais nous sommes heureux. »

? Quelles sont les solutions pour pallier ce manque d'argent tout en vivant convenablement ?

 Annette Bridoux
« La loi Di Rupo sur le règlement collectif de dettes permet de ne pas rester endetté, tout en gardant une vie décente. Au bout de cinq ans, cette loi permet de retrouver une vie plus digne et surtout de repartir à zéro. Il existe aussi beaucoup d'initiatives d'économie sociale : l'accès à l'eau pour tous, des tarifs préférentiels pour les personnes endettées. »

Paul Nies et Christophe Rossini
«
 À cela se rajoutent différentes mesures alternatives, auxquelles de plus en plus de familles ont accès. On consomme moins dans les grandes enseignes, on s'éloigne de cette technologie envahissante et coûteuse sans rendre forcement les enfants plus malheureux. Beaucoup d'initiatives locales permettent de distraire l'enfant, de le faire voyager, de se cultiver à moindre coût. Même au niveau des banques et assurances, il se développe aujourd'hui plusieurs idées, liées à la crise, qui permettent de ne pas laisser sur le carreau les plus démunis. Nous avons la chance de vivre dans un pays dans lequel la vitalité coopérative et solidaire se porte bien. »

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